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L'AIR DU TEMPS

Rencontre avec Philippe Dessertine, économiste

(La Tribune, le Progrès du samedi 18 février 2012)

"La crise continue sa mutation, de plus en plus inquiétante"

"La crise est passée" a récemment affirmé le Président. C'est vrai ?

Non, nous vivons un répit de la crise. Nous en avons connu déjà trois depuis 2007 : à chaque fois, on a annoncé que la crise était finie, et à chaque fois, le réveil a été brutal.

Aujourd'hui, le répit est offert par des mesures qui s'apparentent à un médicament violent contre une poussée de fièvre : un risque fort d'étranglement du système financier par manque de liquidités.

La BCE a accepté de refinancer les banques dans des proportions inouïes, pour 489 milliards d'euros. Les symptômes ont disparu, et la BCE va redonner au malade une forte dose de médicaments fin février, mais la cause de la crise, le surendettement des pays occidentaux, est touours là.

Au moment où nous parlons, l'euro est toujours mortel ?

La réponse est oui, et il est terrible que l'on formule cette question. Si l'euro explose, si l'Europe explose, les conséquences vont bien au-delà de l'économie.

L'euro est mortel en Grèce, en Espagne, au Portugal... Et quand on se demande si on doit lâcher la Grèce ou le Portugal, on reste dans un raisonnement purement financier. Mais si la Grèce était abandonnée par l'Europe,  c'est la démocratie qui serait en danger, dans un environnement fragile avec pour voisin son ennemi la Turquie, qui est frontalière avec la Syrie...

Quand nous parlons de la dette grecque, nous parlons aussi de son régime politique, et des risques géopolitiques qui menacent l'Europe.

 

Mais les Européens, les dirigeants comme les peuples, ont-ils envie d'être solidaires entre eux et avec la Grèce ?

Envie, ce n'est pas sûr... Notre problème est que nous sommes dans une crise qui dure, comme dans les années 30, et nous avons comme dans les années 30 le réflexe de chercher la faute chez le voisin. Cela entraîne une renaissance du protectionnisme, dont le cousin proche est le nationalisme.

On le constate dans de nombreux pays européens, et notamment en Allemagne : la France a été dégradée, elle ne préconise que de la relance keynésienne sans accepter de vraie rigueur, ce qui fait naturellement craindre à l'Allemagne de se retrouver bien seule à tirer le train européen.

D'où sa réaction extrêmement négative : elle commence elle aussi à penser l'explosion de l'Europe comme possible.

L'euro est donc mortel, et l'Europe aussi. Simplement, nous avons tendance à oublier pourquoi nous avons construit l'Europe et l'euro : nous les avons construits pour oublier les risques géopolitiques qui sont à nos portes.

La crise n'est pas finie : elle continue sa mutation, de plus en plus inquiétante, d'une crise bancaire et financière vers une crise politique.

Les principaux candidats présidentiels font assaut de rigueur...

Je ne suis pas d'accord. La classe politique française et l'opinion publique française ont toujours beaucoup de mal a accepter l'idée de rigueur. Tous les programmes parlent d'augmenter des impôts, mais la baisse des dépenses publiques est constamment éludée. Dans le débat présidentiel, la rigueur est un mot, pas une proposition.



18/02/2012
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