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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du mercredi 19 octobre 2016

 

 

 

SÉCURITÉ - MOBILISATION FACE À DES TENSIONS DE PLUS EN PLUS FORTES

 

 

Violences : policiers, profs et soignants en première ligne

 

 

"L'État poursuivra sans relâche ceux qui s'en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l'ordre", a promis Manuel Valls face à la recrudescence de violences contre les représentants des institutions de la République.

 

 

 

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roviseure molestée en Seine-Saint-Denis, et policiers pris dans un guet-apens dans les Yvelines : enseignants et policiers sont confrontés ces derniers jours à une violence brutale. Ils ne sont pas les seuls : les médecins, en 2015, ont frôlé le record d'incidents dans les cabinets et à l'hôpital.

 

 

"L'État poursuivra sans relâche ceux qui s'en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l'ordre", a réagi Manuel Valls, le Premier ministre face à la série d'agressions contre ces représentants d'institutions.

 

 

 

 

"Porter plainte"

 

La ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem a incité les personnels de l'Éducation à porter plainte systématiquement en cas de violence. Une réponse jugée un peu "faible" par l'opposition : "l'école n'est plus protégée des violences du temps et les enseignants ne sont pas plus à l'abri de graves agressions que ne le sont les policiers, les pompiers ou les médecins. Toutes les figures d'autorité sont la cible d'attaques de plus en plus violentes", dénonce la députée du Doubs, Annie Genevard, porte-parole des Républicains.

 

 

Ceux qui incarnent les services publics (État, Éducation, Pôle emploi, les CAF, La Poste), ceux qui sont en contact direct avec les populations en difficulté (médecins, pompiers, conducteurs de bus ou contrôleurs de train...) affrontent de plus en plus de tensions dans leur travail quotidien. Pour exu, cette violence est doublement insupportable. Pour l'acte en lui-même. Et pour sa symbolique, qui reflète les déchirements du tissu social et la perte de leur statut dans la société. "Agresser un médecin est un acte exceptionnel et justifie une réponse exceptionnelle. Il n'y a pas d'excuses à une insécurité dans l'exercice des professions de santé", insiste Patrick Bouet, président du conseil de l'Ordre des médecins.

 

 

 

 

Colère des policiers

 

Même colère chez les policiers, qui, fait exceptionnel, sont descendus dans la rue dans la nuit de lundi à mardi pour une manifestation surprise pour exprimer leur "ras-le-bol" après l'agression dont ont été victimes leurs collègues dans l'Essonne. "Ils manifestent une exaspération que je comprends, même si je leur dis très clairement qu'on ne peut pas, quand ont est policier, défiler avec les voitures de police et des gyrophares parce que ce n'est pas conforme à ce qu'est la déontologie de la police dans la République", a déclaré Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur.

 

 

Les chefs de file des députés LR et UDI voient, eux, dans la manifestation nocturne de policiers un signe de "ras-le-bol" et le "désespoir", le centriste évoquant une société "au bord de l'embrasement". L'étau se resserre sur les représentants des institutions : préserver leur sécurité ou exercer leur mission de service public jusqu'au bout ? Ainsi, à l'hôpital, "il faut continuer à soigner même si les portes ouvertes en permanence exposent à des risques", explique Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France : "Nous menons des actions de sécurisation des locaux, des formations, parfois il y a la nécessité de mettre des vigiles aux portes des urgences le soir ou un système d'alerte relié à un commissariat. L'hôpital se protège, mais ne ferme pas ses portes. C'est sa mission d'accueillir tous les patients". E.B. (avec AFP)

 

 

 

 

Monia : "Je voulais juste qu'elle vienne en cours"

 

 

Monia Bougerra, professeur d'anglais au collège Longchambon (Lyon 8e) a été frappée par une élève de sixième. Après cette agression et d'autres problèmes, les enseignants ont massivement fait grève deux jours. Ils demandent notamment plus de personnels de vie scolaire. Monia témoigne.

 

 

"C'était le 30 septembre. Je faisais cours porte ouverte parce qu'il faisait très chaud. Là, dans le couloir, je vois passer trois fois une élève qui avait séché ce cours. À la fin de l'heure, je la retrouve et je la retrouve et je lui demande d'aller chez la CPE (conseillère principale d'éducation). Elle refuse. Je prends son cartable en luis disant que je lui rendrai quand elle obéira. À ce moment-là, elle commence à me tutoyer, m'accuse de mentir... Je parviens à l'emmener chez la principale adjointe, mais elle continue à être insolente".

 

 

"Quand on lui dit qu'on va appeler sa mère, elle s'énerve encore plus et sort en hurlant. Je la suis parce que dans l'état où elle est, je me dis qu'elle va passer sous les roues d'une voiture ! Mais que elle voit que le portail est fermé, elle se jette sur moi, m'agrippe par le col, me donne des coups de pied, des coups de poing. Ça dure 5 minutes avant que des collègues parviennent à la décrocher et que je puisse m'éloigner. Cette élève est très grande, elle fait à peu près ma taille... je n'avais pas saisi toute la colère qu'elle peut ressentir contre les adultes. Un enfant en colère c'est un enfant qui a besoin d'aide. Je voulais juste qu'elle vienne en cours..."

 

 

"J'ai repris le travail immédiatement et j'ai porté plaine. Je ressens une petite appréhension que je ne connaissais pas avant, mais ça va. Je continue à être l'enseignante que j'ai toujours été. Les élèves me soutiennent. Beaucoup se disent choqués par ce qui s'est passé. Ils testent forcément nos limites, c'est dans la nature des choses. Mais si le cadre, notamment au niveau de la direction, est inflexible, ils se plient à l'autorité".

 

 

"J'enseigne depuis 8 ans dans des collèges réputés difficiles, dont la banlieue parisienne. Mais c'est la première fois que je me fais agresser. L'élève a été exclue avec sursis et ne vient plus en cours d'anglais ce qui laisse un goût amer". Propos recueillis par Muriel Florin

 

 

 

 

Près de 18 policiers blessés chaque jour

 

 

Chaque jour, près de 18 policiers sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Les violences contre les fonctionnaires de police sont en hausse de 14 % sur les six premiers mois de l'année 2016, selon la direction générale de la police nationale qui met en avant deux causes : les violences commises lors des manifestations contre la loi Travail et les heurts avec les migrants de la "jungle" de Calais. Les syndicats s'inquiètent d'une radicalisation des violences anti-policières. Avant le drame de Viry-Châtillon, un véhicule de police avait déjà été la cible de cocktails molotov en mai à Paris à la fin d'une manifestation. Les policiers avaient juste eu le temps d'échapper aux flammes. Une pancarte en caron "Poulets rôtis, prix libre" avait été retrouvée à proximité. Au cours du premier semestre 2016, six policiers sont morts en fonction, dont trois tués avec une arme.

 

 

 

Reconquérir les zones de non-droit

 

Le premier syndicat de policiers a appelé à une grève du zèle. Alliance réclame "une action offensive de la part de l'État afin de reconquérir les zones de non-droit et d'éradiquer chez les voyous le sentiment d'impunité".

 

 

Les policiers demandent des effectifs supplémentaires, alors que la police et la gendarmerie ont perdu plus de 9 000 postes entre 2007 et 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Les effectifs sont repartis nettement à la hausse sous François Hollande, surtout depuis les attentats, mais le gouvernement reconnaît qu'il faudra attendre 2017 pour retrouver le niveau de 2007. Les syndicats de police réclament aussi une plus grande fermeté de la justice. L.C.

 

 

 

LES FAITS

 

 

Contre les enseignants

 

 

- À Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, la proviseur d'un lycée a été frappée dans une scène de violences impliquant environ 80 jeunes. Plusieurs cocktails Molotov ont été lancés. La proviseur, qui se tenait à la grille comme chaque matin, a été molestée pour avoir tenté de raisonner les émeutiers. Elle a été transportée à l'hôpital en même temps que la gardienne du lycée qui a fait un malaise.

 

 

- Lundi, un enseignant a été passé à tabac en pleine rue alors qu'il ramenait sa classe de CE2 d'un cours de sport à Argenteuil (Val d'Oise).

 

 

- Une professeur de sport a été frappée au visage lundi par un élève de terminale qui tentait de sortir par une porte non autorisée du lycée international de Colomiers, près de Toulouse (Haute-Garonne).

 

 

- Une élève de terminale d'un lycée professionnel de Calais (Pas-de-Calais) a cassé la mâchoire et plusieurs dents de son professeur vendredi en plein cours.

 

 

 

Contre les policiers

 

 

- Dans la nuit de samedi à dimanche, des policiers ont été pris dans un guet-apens suivi d'échauffourées avec une centaines de jeunes dans le quartier sensible du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie (Yvelines), marquées par des jets de cocktails Molotov et de projectiles sur les forces de l'ordre. Cette agression intervient une semaine après l'attaque très violente à Viry-Châtillon (Essonne) dans laquelle avaient été blessés quatre policiers dont deux grièvement, près de la cité difficile de la Grande Borne, à Grigny, une commune limitrophe.

 

 

- À Bastia samedi, plusieurs dizaines de jeunes cagoulés ont lancé des cocktails Molotov sur les forces de l'ordre assurant la protection de la préfecture de Haute-Corse.

 

 

- Une enquête a été ouverte hier au lendemain de la découverte d'un nouveau tag - "Un bon flic est un flic mort, Acab" (acronyme de l'anglais "All cops are bastards", tous les flics sont des salauds, ndlr) - sur le campus de l'université Paris - VI Pierre-et-Marie-Curie à Paris. Cette découverte intervient une semaine après celle de quatre tags du même genre le 11 octobre à l'intérieur de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

 



19/10/2016
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