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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du lundi 26 octobre 2015

 

 

 

 

MOYEN-ORIENT - Sunnites-chiites : la guerre fratricide. Serait-ce le début, comme le craint François Fillon, d'une "Troisième guerre mondiale" ? Le sanglant conflit syrien est une "guerre par procuration" entre l'Arabie saoudite et ses alliés sunnites du Golfe, et l'Iran chiite. Les premiers sont soutenus par les Occidentaux, les seconds par les Russes.

 

 

 

250 000 morts : c'est le chiffre communément admis pour le conflit syrien, qui a débuté au printemps 2011. La guerre a fait fuir ou a déplacé en outre des millions de personnes. Plus de 4 millions de Syriens ont quitté le pays et l'exode continue.

 

 

 

"Bachar Al-Assad est prêt à organiser des élections avec la participation de toutes les forces politiques qui veulent que la Syrie prospère, mais seulement une fois que la Syrie aura été libérée des djihadistes du groupe Etat islamique". Alexandre Iouchtchenko, député russe après sa rencontre avec le dictateur de Damas, pour faire avancer le "plan russe" de règlement du conflit syrien.

 

 

 

Assiste-t-on au Moyen-Orient, entre sunnites et chiites, à une "Guerre de Trente ans", comme celle qui a déchiré l'Europe au XVIIe siècle et opposait - grosso modo - pays catholiques et protestants ?

 

 

 

Pour la plupart des observateurs, la guerre actuelle, née de divergences doctrinales et religieuses, s'est progressivement muée en conflit géopolitique. Le drame syrien agit en quelque sorte comme un "révélateur" de cet affrontement, qui a grandement favorisé la montée en puissance de l'Etat islamique (Daech), et contaminé tout le Moyen-Orient.

 

 

 

 

Les mosquées chiites visées

 

Presque chaque jour ces dernières semaines, un attentat a visé une mosquée chiite. En Arabie saoudite, au Yémen, au Koweït, et vendredi au Pakistan, alors que les fidèles célébraient la semaine dernière l'Achoura, fête symbole chiite de ce schisme entre les deux courants principaux de l'islam.

 

 

 

La guerre froide entre les deux piliers de ces deux courants et grandes puissances de la région, Arabie saoudite pour les sunnites et Iran pour les chiites, n'est plus larvée. Elle se voit au grand jour, après avoir été "déviée". "Ni l'islamisme, ni les revendications religieuses n'ont été des thématiques dominantes des Printemps arabes de 2011, qui étaient initialement une séquence de révoltes aux fondements sociaux et politiques", traçait il y a quelques semaines le Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). La "confessionnalisation de la contestation" a commencé au Bahreïn - où la révolte a promptement été écrasée - et en Syrie.

 

 

 

 

A l'origine, Khomeyni en 1979

 

Pour le Gremmo, la Syrie (et l'Irak lors de l'invasion anglo-américaine) sont "des guerres de procuration" menées par l'Arabie saoudite avec le soutien actif des Occidentaux contre l'Iran chiite. Les Saoudiens, les Qataris (également wahhabites), la Turquie arment les rebelles salafistes opposés à Bachar Al-Assad. Daech a été le monstre qui leur a échappé des mains... Quant à l'Iran, il arme les milices chiites en Irak et est un allié du régime d'Al-Assad en Syrie.

 

 

 

Ce glissement religieux trouverait sa source, selon les spécialistes du Gremmo, dans la révolution iranienne de 1979. "Les monarchies sunnites du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, ont détesté cette révolution et le renouveau "chiite" qui en a découlé".

 

 

 

Cet événement a facilité une "radicalisation sunnite", qui s'exprime aujourd'hui à travers le djihadisme. Et l'intervention américaine en 2003 en Irak a chamboulé encore un plujs l'équilibre précaire du Moyen-Orient.

 

 

 

L'influence régionale de la République islamique d'Iran, confortée de surcroît par l'accord sur le nucléaire, grandit, au grand dam de Riyad. Entre "le croissant" chiite (Iran, Irak, Syrie, Hezbollah au Liban) et l'arc sunnite, l'antagonisme millénaire connaît aujourd'hui un pic, qui peut embraser toute une région. Xavier Frère

 

 

 

 

 

 

L'avis de François Fillon

 

 

Ancien Premier ministre

 

 

 

"Nous n'avons pas compris ce qui se passe en Syrie"

 

 

 

 

"Nous avons fait une erreur d'analyse sur la Syrie" Dans son face-à-face avec le Premier ministre Manuel Valls, le 24 septembre dernier sur France 2, François Fillon a fait son autocritique : en 2011 quand la guerre civile a commencé, a-t-il expliqué, "nous avons pensé qu'il s'agissait d'une révolte populaire. En réalité c'était le démarrage d'une guerre de communautés largement alimentée par l'Arabie saoudite et l'Iran".

 

 

 

Une thèse que l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy développe dans son livre : "Oui, nous nous sommes trompés sur la crise en Syrie. Nous avons plaqué sur elle la grille d'analyse que nous avions échafaudée après coup pour la Tunisie. Ce fut une erreur fatale. La Tunisie est une nation relativement homogène. Elle n'est pas traversée par la lutte entre les chiites et les sunnites ; elle n'est pas un enjeu dans le combat sans merci que se livrent l'Iran et l'Arabie saoudite.

 

 

 

Si Bachar Al-Assad s'est maintenu au pouvoir par la force [...], c'est parce qu'il a des soutiens dans le peuple syrien et c'est parce qu'il a su habilement jouer des divisions communautaires. En l'ignorant, nous nous sommes placés hors jeu". François Fillon ne craint pas d'écrire que ce qui se passe en Syrie "est en train de devenir une troisième guerre mondiale : la lutte pour le contrôle de la sphère musulmane et accessoirement des ressources pétrolières".

 

 

 

 

 

La France a choisi le camp sunnite

 

 

Vingt-quatre rafale et deux bateaux Mistral à l'Egypte, 10 milliards de contrats (commerce, investissements, vente d'armes) avec l'Arabie saoudite début octobre, et la semaine dernière, 2,5 milliards d'euros de contrats d'armement terrestre, aérien et maritime avec le Koweït.

 

 

 

La France a trouvé un nouvel horizon économique, en se rapprochant ces derniers mois des pays sunnites. Paris ne s'en cache plus : la France a choisi son camp. Elle avance ses pions, profitant du recul de l'influence américaine auprès des Saoudiens, chefs de file des sunnites. Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, comme de nombreux observateurs français, estiment que le jeu de l'Iran chiite au Moyen-Orient n'est pas très clair, et qu'il pourrait être source de déstabilisation de toute la région.

 

 

 

Le conflit au Yémen a encore clarifié la position française : l'opération saoudienne (avec une coalition de pays sunnites) avait été jugée "légitime" par la diplomatie française. A Riyad, mi-octobre, Manuel Valls affirmait que les accords entre les deux pays "témoignaient des relations intenses d'amitié et de confiance" et montraient "une grande convergence de vues sur les principales questions régionales". En, revanche, les autorités françaises ont été beaucoup plus discrètes sur les droits de l'Homme. Concession obligatoire ? X.F.

 

 

 

 

 

 

REPERES       -       REPERES      -       REPERES      -      REPERES     

 

 

Le chiisme et le sunnisme sont les deux branches majoritaires de l'Islam. Elles sont apparues à la suite du schisme en 632, période au cours de laquelle des partisans de Mahomet se sont déchirés sa succession. Ali, gendre du prophète Mahomet, est l'une des figures centrales du chiisme, lui donnant même son nom : les chiites sont "les partisans d'Ali". On compte 1,2 milliard de musulmans dans le monde.

 

 

 

 

 

Les sunnites

 

C'est le courant majoritaire de l'Islam (environ 85 % des musulmans, 70 % dans le Golfe persique). Le mot sunnite vient de "Sunna" qui désigne les règles prescrites par Dieu.

 

 

 

 

 

Les chiites

 

Branche minoritaire de l'Islam, ils représentent environ 15 % des musulmans dans le monde. Ils sont majoritaires en Iran (98 %), en Irak (54 %) et au Bahreïn (75 %). Il existe aussi des communautés chiites au Liban (30 %), en Arabie saoudite (10 %), au Koweït (25 %), au Qatar (20 %), au Pakistan (20 %), en Afghanistan (20 %). En Syrie, les Alaouites (dont fait partie la famille d'Al-Assad) sont chiites.

 

 

 

 

 

Au Bahreïn, l'affrontement quotidien

 

Le Bahreïn illustre parfaitement la lutte fratricide qui oppose aujourd'hui les deux courants de l'islam. Une dynastie sunnite est à la tête de la monarchie depuis 1783, mais plus de 70 % de la population est de confession chiite. Régulièrement, des manifestations dénoncent la dérive autoritaire du pouvoir sunnite. Les militants des droits de l'Homme, comme Nabal Rajeeb, ou tout dernièrement Zainab Al Khawaja, font des séjours réguliers en prison.

 

 

 

 

Mutisme des pays occidentaux

 

Le leader chiite de la "société" al-Wekaq - les partis sont interdits - Ali Salmane est également derrière les barreaux depuis décembre 2014. "Nous ne sommes ni des terroristes, ni des agents doubles envoyés par l'Iran", se défendait il y a quelques mois Sayed Hadi Al-Mosawi, un autre militant des droits de l'Homme, que nous avions rencontré, "Les chiites veulent simplement vivre comme les autres, dans l'égalité".

 

 

 

 

Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères avait accusé le régime iranien "de terrorisme d'Etat". Quelques voix s'élèvent, comme parmi les ONG pour dénoncer les agissements du pouvoir, et ses atteintes aux droits de l'Homme, mais les pays occidentaux restent muets.

 

 

 

 

Le Bahreïn a une position très stratégique au Moyen-Orient et abrite l'une des plus grandes bases américaines au monde, la Ve Flotte de l'US Navy. X.F.

 

 

 



26/10/2015
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