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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du lundi 25 mai 2015

 

 

 

CONSOMMATION - A quoi ressemblera notre assiette en 2050 ? L'alimentation, thème de l'exposition universelle de Milan. Les révolutions techniques vont davantage modifier la production que les produits. Les consommateurs ne sont pas prêts à troquer leurs steaks et les légumes contre des pilules lyophilisées.

 

 

9,6 milliards : c'est le nombre d'humains qui vivront sur la planète en 2050, selon les Nations unies. La population mondiale compte actuellement 7,2 milliards d'humains. Elle devrait augmenter de près d'un milliard de personnes au cours des douze prochaines années, pour atteindre 8,1 milliards dès 2025.

 

 

"Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu'il soit bon à penser [...]. La cuisine d'une société est un langage dans lequel elle traduit inconsciemment sa structure, à moins que, sans le savoir davantage, elle ne se résigne à y dévoiler ses contradictions". Claude Lévi-Strauss, anthropologue

 

 

 

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Comment nourrir la planète en 2050 ? A Milan, 144 pays tentent d'apporter une réponse à cette question à travers l'exposition universelle qui se tient jusqu'au 31octobre. L'enjeu est de taille : il faudra nourrir plus de monde (9 milliards d'humains), tout en préservant des ressources - forcément limitées - de la terre et de la mer. Aux Etats-Unis, au Pays-Bas ou en Israël, des start-up misent sur la technologie pour révolutionner notre assiette. Trois sociétés parient sur la viande in vitro pour limiter les élevages.

 

 

 

Protéines en poudre

 

En Californie, un entrepreneur commercialise une poudre contenant tous les nutriments nécessaires au fonctionnement de notre corps. Et propose de se nourrir de cette potion (qu'il a choisi d'appeler "soylent" - en référence au film d'anticipation des années 1970 Soleil vert, à la différence que le produit était, dans le film, d'origine humaine !) mixée trois fois par jour pour gagner du temps en n'en perdant pas à manger ni à cuisiner ! La FAO (l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation) mise, elle, sur les insectes, pour apporter à la population mondiale sa dose de protéines et des recherches sont menées sur les algues.

 

 

 

 

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Ces projets dignes de la science-fiction ont-ils des chances de composer notre menu à l'horizon de la moitié du siècle ? C'est peu probable selon les chercheurs réunis pour réfléchir aux "futurs contradictoires de l'alimentation" par l'Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (l'Ocha) à l'occasion de l'exposition universelle. Pour des raisons de blocage psychologique chez le consommateur, notamment. Manger, ce n'est pas qu'apporter la bonne dose de nutriments. C'est aussi un moment de convivialité et, particulièrement en France, un attachement au goût, expliquent-ils en substance.

 

 

 

L'une des tendances fortes pour l'avenir - du moins dans l'Hexagone - est à l'inverse "une quête du naturel, d'aliments qui renvoient à la tradition, au respect de l'environnement, au contraire de l'artificiel", observe le sociologue Louis Mathiot.

 

 

 

Quête du naturel

 

Comment concilier ce besoin d'aliments traditionnels avec la nécessité de produire pour plus de monde ? "Nous mangeons aujourd'hui à peu près la même baguette qu'il y a trente ans sauf... qu'il n'y a plus les mêmes choses dedans. Les farines sont différentes, le blé a été produit différemment. Dans le futur, ce sera pareil : on mangera à peu près la même chose, mais la révolution aura eu lieu, en amont, dans les processus de fabrication", résume Alain Blogwski, conseiller scientifique du pavillon France de l'exposition universelle. Une révolution est déjà en cours avec la sélection génomique des semences et des races, les drones pour "l'agriculture de précision" ou la technique de la lumière pulsée pour décontaminer les aliments. Mais le technique pure ne fera pas tout. "La réponse n'est pas à une seule dimension, elle est aussi dans l'agro-écologie, le respect de la biodiversité et la coopération internationale", pour Alain Berger, commissaire du pavillon France. Une équation complexe qui représente un sacré défi. A Milan, Elodie Bécu



 

 

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En chiffres

 

 

Sous-alimentation

 

805 millions : c'est le nombre d'individus à travers le monde qui souffraient de sous-alimentation en 2014, d'après les données de la Food and Agriculture Organisation (FAO). Sur ces 805 millions de personnes, 791 vivent dans des pays en développement. A noter toutefois que, en dix ans, le nombre de personnes sous-alimentées a diminué de 209 millions : elles étaient encore un milliard en 2005, alors que la population mondiale était plus faible.

 

 

 

Insécurité alimentaire

 

600 millions : c'est le nombre de personnes supplémentaires qui, chaque année et d'ici à 2080, pourraient souffrir d'insécurité alimentaire sous l'effet du changement climatique, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

 

 

 

Surface cultivée

 

1,6 milliard d'hectares : actuellement, c'est la totalité des surfaces cultivées dans le monde. Les terres agricoles représentent 37,7 % de la surface de la terre (en 2012). D'après différentes sources, 500 millions à 2,5 milliards d'hectares seraient encore disponibles pour l'agriculture.

 

 

 

Gaspillage

 

100 millions de tonnes par an sont gaspillées en Europe

 

 

 

Agriculteurs en Europe

 

12 millions. C'est le nombre d'agriculteurs en Europe qui alimentent 500 millions d'Européens. L'agriculture emploie, dans le monde entier, 1,3 milliard de personnes.

 

 

 

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Questions à Claude FISCHLER

 

 

Sociologue

 

 

 

"Vers une individualisation de l'alimentation"

 

 

 

Comment mangerons-nous demain ?

 

Il y a 70 ans, le repas était un moment partagé autour d'un plat commun. Actuellement, nous allons de plus en plus vers un repas qui est une négociation entre des nécessités individuelles. A table, des contraintes particulières s'affrontent : celle du végétarien, de l'allergique au gluten, de l'intolérant au lactose en passant par celles de la personne qui mange sans sel. Ce processus de personnalisation et d'individualisation des repas et très fort aux Etats-Unis. C'est un peu moins vrai en France où l'alimentation a une valeur sociale et collective.

 

 

 

Que mangerons-nous à l'avenir ?

 

Deux scénarios extrêmes se dessinent. L'un, très technologique, poussé par la Silicon Valley où les innovations des start-up proposent des produits futuristes, avec une utopie "posthumaine". Ils rêvent d'améliorer la santé en s'adaptant aux besoins spécifiques de chacun en nutriments. Je ne crois pas aux scénarios de science-fiction. Prenez les astronautes : on pensait qu'on allait les nourrir avec des pilules et, très vite, on leur a donné des plats lyophilisés car on a vu l'importance symbolique de la nourriture.

 

 

L'autre tendance est une volonté de retour au naturel. Tout les monde veut du naturel, pour le goût, l'environnement et le bénéfice sur la santé. Mais ce besoin doit s'allier à un autre paramètre, de plus en plus fort dans nos sociétés : la commodité, à savoir passer moins de temps à la recherche et la préparation des aliments. Propos recueillis par Elodie Becu

 

 

 

 

Ils inventent une viande ... 100 % artificielle !

 

En 2013, la présentation a fait sensation à Londres : Mark Post, un scientifique néerlandais, a dévoilé le premier steak artificiel. Ce morceau de viande, créé in vitro à partir de cellules souches de muscles de vache, a coûté 250000 € à produire. Mais son créateur espère en faire, d'ici à 10 ou 20 ans, un produit commercialisé "en série".

 

 

L'idée, aussi farfelue puisse-t-elle paraître, a interpellé l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) qui a monté un groupe de travail pour réfléchir aux enjeux de ces recherches. "Aujourd'hui, la technique permet de créer du muscle pour réparer les tissus blessés. Trois entreprises dans le monde ont eu l'idée de l'appliquer à la production de viande dans des incubateurs géants", explique Jean-François Hocquette, directeur de recherches à l'Inra, "Elles ont principalement trois motivations : tout d'abord, nourrir 9 milliards d'individus à l'horizon 2050 ; ensuite, limiter les dégâts dus à l'élevage sur l'environnement ; et enfin, répondre aux préoccupations des défenseurs du bien-être animal qui sont contre l'abattage des animaux".

 

 

 

L'initiative soulève de nombreuses interrogations. Sanitaires, dans un premier temps : "Pour fabriquer la viande, il faut ajouter dans le milieu de culture des hormones de synthèse, des fongicides, des antibiotiques", observe Jean-François Hocquette. Sans compter les questions éthiques. Et encore faut-il que ces steaks trouvent un marché : "Il y a un problème culturel d'acceptation de ce produit qui est artificiel. Des études qualitatives ont été menées sur des consommateurs : leur première réaction a été du dégoût.

 

 

 

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26/05/2015
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