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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du jeudi 1er décembre 2016

 

 

 

TERRORISME - APRÈS LES REVERS MILITAIRES DE DAECH EN IRAK ET EN SYRIE

 

 

Retour des djihadistes  : un défi pour l'Europe

 

 

L'UE et la France tâtonnent pour repérer et gérer les djihadistes européens de retour du front irako-syrien. Les échanges de renseignements s'intensifient, mais la menace pourrait croître très vite.

 

 

On appelle les "Revenants" (returnees, en anglais). Des hommes et des femmes qui ont rejoint la Syrie et l'Irak depuis  2012 et qui, pour des raisons diverses, quittent les rangs de l'État islamique (EI) pour revenir dans leurs pays d'origine. La situation militaire défavorable à Daech (Mossoul, Raqqa) pousse un grand nombre à fuir.

 

 

Le phénomène n'est pas nouveau : il a été observé durant les dernières décennies après les conflits en Irak, Afghanistan et Bosnie.Mais c'est son ampleur, après une vague d'attentats terroristes sans précédent, qui inquiète au plus haut point les autorités européennes. "Ce doit être la principale préoccupation en matière de sécurité pour les années à venir", a martelé début novembre le Premier ministre Manuel Valls.

 

 

Il y aurait potentiellement 700 Français concernés, les chiffres restant très difficiles à établir entre ceux qui sont morts (ou mourront) au combat, ceux qui vont rejoindre  - ou transiter - par d'autres pays... ou ceux qui seront fusillés pour désertion. Ils tentent généralement de revenir clandestinement, mais certains sollicitent le plus officiellement du monde les consulats ou les ambassades.

 

 

Comment distinguer le "vrai" repenti du terroriste "camouflé", les deux minimisant généralement à leur retour leur participation directe aux combat ou/et aux exactions ? Le "déçu" du califat, du djihadiste prêt à frapper l'Europe ? La toute dernière étude des autorités allemandes montre que seulement 10 % des "revenants" ont totalement coupé avec l'idéologie djihadiste, quand 48 % restent imprégnés par l'islamisme radical. "Ceux qui sont revenus sur leurs pas n'ont pas eu la patience de voir le califat durer et ont parfois trop idéalisé l'État islamique", racontait le combattant Abou Noussayba en juin 2016 à Achraf Ben Brahim, qui s'est entretenu avec plusieurs djihadistes, "on n'émigre pas ici pour voir que des gens tous beaux... mais pour combattre et solidifier ce califat".

 

 

 

Prison et déradicalisation

 

Pour le journaliste David Thomson, qui sort aujourd'hui un livre sur le sujet ("Les Revenants" - Seuil/Les Jours), "une majorité de revenants, et surtout ceux qui sont en prison, sont rentrés déçus par ce qu'ils ont vécu, mais pas repentis. Ils restent profondément ancrés dans le djihadisme". Selon Achraf Ben Brahim, ils gardent une "rancune vis-à-vis de la France, de sa laïcité, sa répression de leur religion, et les interventions militaires au Mali et au Moyen-Orient".

 

 

L'enjeu crucial reste leur prise en charge à leur arrivée sur le territoire français. En plein état d'urgence, la France a opté pour la "judiciarisation" des retours : hommes - et femmes - sont mis en examen pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme" et placés en détention provisoire. Avoir rejoint Daech est désormais un crime passible de vingt à trente ans de réclusion. Actuellement, 300 détenus radicaux font même l'objet d'une détention proche de l'isolement, et pour les moins durs, 27 établissements pénitentiaires vont mettre en place une "prise en charge spécifique".

 

 

Reste la question de la "déradicalisation" - et de la réinsertion - thème sur lequel la France, comme ses voisins européens, marche à l'aveugle. Ces "revenants" ont-ils vocation à intégrer des programmes du type de celui dispensé par le "Centre de prévention, d'insertion et de citoyenneté", inauguré en septembre en Indre-et-Loire ? La France, comme les autres pays européens, avance fébrilement sur ces dossiers-là. Le chantier et le défi sont immenses. Xavier Frère

 

 

 

700 Le nombre de combattants français qui seraient encore aujourd'hui sur le territoire irako-syrien (400 hommes et 300 femmes)

 

 

"Il faudra gérer ces djihadistes de retour pendant 5, 6 ans. Ça va durer, donc il faut jouer sur le long terme". Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste

 

 

 

 

"Certains vont revenir sans faire leur mea-culpa"

 

 

À 23 ans, il a l'âge de nombreux djihadistes. Plusieurs dont même originaires de sa ville, Sevran (Seine-Saint-Denis), partis en Syrie et en Irak via une filière de recrutement. Comme Quentin Roy, étudiant en sport et ami d'enfance, mort en kamikaze en janvier 2016 sous le nom d'Abou Omar.

 

 

Cette "proximité confessionnelle (N.D.L.R. : il parle l'arabe littéraire, a suivi l'école coranique) et générationnelle" a conduit Achraf Ben Brahim à se plonger dans la djihadosphère, expérience qu'il décrit dans un livre, L'emprise, enquête au coeur de la djihadosphère (Lemieux). "On ne peut expliquer uniquement le djihad par le désoeuvrement, le rejet social, il y a quelque chose de plus fort que l'émotivité, c'est le djihad de conviction", explique le jeune homme, depuis son bureau, où il exerce en tant que chef de projet multimédia, tout en poursuivant des études en droit et en sciences politiques.

 

 

 

La bande-son avec Rachid Kassim

 

Achraf Ben Brahim maîtrise parfaitement la science du web et les réseaux sociaux, ce qui lui a permis d'entrer en contact avec plusieurs combattants fancophones établis dans le "califat". Dont, en août, un entretien avec Rachid Kassim, dont il nous fait entendre la bande-son. Kassim affirme : "Ceux qui retournent en France le font par confort, habitués à un confort occidental qu'ils n'ont pas ici.

 

 

Quand ils reviennent en France, ils crachent sur l'État islamique pour alléger leurs peines mais c'est surtout un problème au niveau de leur croyance". L'été dernier, le groupe État islamique n'avait pas encore subi les revers de l'automne, et Kassim affirmait alors : "Le califat est en phase de consolidation". De ses échanges récurrents avec des djihadistes, Achraf Ben Brahim retient que ce possible retour "dépendra de leur niveau d'intégration là-bas", et s'interroge : "Quel serait leur but sachant que, pour eux, un musulman ne peut pas vivre en terre de mécréance ?" S'ils reviennent, estime le jeune Francilien, "ce n'est parce qu'ils délaisseront leur dogme, mais parce que Daech n'est pas à la hauteur de leurs attentes. Certains vont revenir sans faire leur mea-culpa. Pour se venger, c'est possible..."

 

 

Les risques d'attentat, par des "revenants" (ou pas), restent très grands. La déradicalisation, comme elle se présente en France, sera pour lui un "échec" annoncé. Pour mieux appréhender le phénomène, Achraf Ben Brahim a fait sienne une phrase du philosophe Spinoza : "Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas détester, comprendre". X.F.

 

 

 

Combien sont-ils ?

 

 

En Europe

 

Entre 3 000 et 5 000 Européens (sur 30 000 combattants engagés dans les rangs de Daech) seraient susceptibles de rentrer, selon les derniers chiffres dévoilés par Jan Jambon, le ministre de l'Intérieur belge.

 

 

 

En France

 

221 Français seraient morts sur le territoire irako-syrien, 200 seraient en transit, et 250 auraient été placés en détention ou sous surveillance à leur retour. On compterait également au sein des prisons françaises 300 détenus aux profils "très durs".

 

 

 

En Belgique

 

Environ 500 djihadistes belges ont à un moment ou un autre transité par la Syrie ou l'Irak, ils seraient encore 272 aujourd'hui. 193 sont revenus, a précisé le ministre belge dernièrement : "La moitié de ceux-là sont emprisonnés, les autres sont placés sous surveillance".

 

 

 

En Allemagne

 

Environ 850 Allemands avaient quitté ces dernières années leur pays pour rejoindre Daech. 274 d'entre eux sont rentrés en Allemagne. Plus de la moitié (48 %) seraient encore radicalisés et un quart collaborent avec les autorités.

 



01/12/2016
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