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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le mardi 19 février 2019

 

 

Dandy dès l'enfance, ennemi d'Yves Saint Laurent... Sept choses que vous ignorez peut-être sur Karl Lagerfeld

 

 

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Benoît JourdainFrance Télévisions
 

 

 

 

Le couturier allemand Karl Lagerfeld est mort mardi. Voici sept choses à savoir sur l'homme qui laisse derrière lui soixante ans de carrière et une œuvre phénoménale

 

 

 

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Le créateur Karl Lagerfeld lors d'une exposition de ses photographies à la Langen Foundation, près de Neuss (Allemagne) le 17 novembre 2007. (ACHIM SCHEIDEMANN / DPA / AFP)

 

 

 

Le monde de la mode pleure. Karl Lagerfeld est mort mardi 19 février. L'état de santé du couturier a commencé à inquiéter lorsqu'il ne s'est pas présenté pour saluer à la fin du défilé Chanel haute couture printemps-été 2019, fin janvier. Depuis ses débuts comme directeur artistique chez Jean Patou à la fin des années 1950, il a gravi les échelons jusqu'à prendre la tête de la maison Chanel en 1982.

 

 

Touche-à-tout capable de créer des collections haute couture pour Fendi et Chanel, de collaborer avec H&M ou de dessiner le maillot de l'équipe de France de football, Karl Lagerfeld a réussi, en soixante ans de carrière, à bâtir un empire. Il était aussi une icône, avec ses lunettes noires, son catogan poudré au shampooing sec et son style de dandy. Franceinfo revient sur la vie de ce génie de la mode en sept anecdotes.

 

 

 

1 - Enfant, il portait déjà la cravate et les cheveux longs

Karl Lagerfeld est né en Allemagne, à Hambourg, dans les années 1930. Mais les horreurs de la guerre lui seront épargnées. "J’ai eu de la chance, il ne s’est rien passé", répétait-il à longueur d'interviews, rappelle Le Monde (article abonnés). Son père, Otto Lagerfeld, allemand d'origine suédoise, "qui parle douze langues", selon Libérationa fait fortune grâce à l'importation de lait concentré. Le jeune Karl vit ainsi une enfance à l'abri du besoin, dans une vaste propriété à une quarantaine de kilomètres de Hambourg, entouré de ses parents, de sa sœur Martha Christiana et de sa demi-sœur Thea.

 

 

Très vite, il se distingue des autres élèves avec ses cheveux longs quand tous ses camarades de classe les portent courts. Il se mélange peu, dessine "sans cesse pendant les cours" et adopte très tôt un style de dandy. "A 5 ans, il exige, en vrac, un valet, des boutons de manchettes et l'achat d'un tableau vu dans la vitrine d'un antiquaire [représentant] Voltaire et Frédéric II dînant au château de Sans-Souci", raconte Libération. A 11 ans, il se met à porter chaque jour une cravate, un style qui dénote et lui attire des moqueries. "Il était différent, très particulier, rien à voir avec les gamins de la campagne", se souvient ainsi une ex-camarade de classe citée par Le Monde. 

 

 

 

2 - Il admirait sa mère malgré ses remarques acerbes 

Si son père a eu peu d'influence sur lui, sa mère en revanche a joué un rôle primordial. Pendant que son père travaille et que ses sœurs sont en pension, Karl Lagerfeld est élevé par Elisabeth. "Elle menait tout le monde à la baguette, c’était une femme très dominatrice. Elle tenait à ce que Karl fasse carrière", a confié son cousin Kurt Lagerfeld à la journaliste Alicia Drake, auteure de Beautiful People - Saint Laurent, Lagerfeld : splendeurs et misères de la mode (Denoël 2008).

 

 

Dans une interview à Paris Match, son fils la décrit comme une passionnée de lecture. Mais, plus que son goût pour les livres, Karl Lagerfeld retiendra de sa mère les remarques acerbes qu'elle lui adressait. "Elle me disait toujours que j’avais de trop grosses narines et qu’on devrait téléphoner à un tapissier pour qu’il y installe des rideaux, avait-il raconté au Monde. Et à propos de mes cheveux, qui étaient de couleur marron-acajou : 'Tu ressembles à une vieille commode'."

 

 

Reste que, selon lui, cette éducation à la dure a forgé son succès : "Elle avait raison : ça a marché pour moi, disait-il au Point. Bon, c'est vrai que d'autres ont été traumatisés. Mes sœurs, elle les a tuées. Mais j'ai toujours bavé d'admiration devant son pragmatisme méchant et drôle." 

 

 

 

3 - Il a toujours caché son âge

Pour Karl Lagerfeld, le temps qui passe a toujours été le sujet à éviter. "Merci de me rappeler mon ancienneté", avait-il lâché, agacé, à une journaliste qui l'interrogeait sur sa longévité dans le milieu de la mode. Le créateur a toujours fait en sorte de garder secrète sa date de naissance, livrant des chiffres différents dans ses interviews. Seule certitude : le couturier serait né entre 1930 et 1940. En 1990, face à Thierry Ardisson, il affirmait avoir vu le jour en 1938. Une fête a d'ailleurs célébré ses 70 ans le 10 septembre 2008.

 

 

Mais, d'après le journal allemand Bild am Sonntag, qui s'appuie sur la publication d'"un extrait de son acte de baptême où figurent sa date de naissance ainsi que les témoignages d’anciens camarades de classe et d’une institutrice", rappelle Le Monde, Karl Lagerfeld serait né le 10 septembre 1933. L'intéressé n'a jamais ni confirmé ni infirmé. Et s'est même amusé à entretenir la confusion. En 2013, il expliquait ainsi à Paris Match n'être né ni en 1933, ni en 1938, mais "au milieu : 1935". "Ma mère avait changé la date. C’était plus facile de faire un 3 ou un 8", avance celui qui a gardé le secret jusqu'au bout, comme il se l'était promis : "Je ne le dirai jamais, et puis il y a des choses que je ne sais pas moi-même."

 

 

 

4 - Il a été l'ami puis l'ennemi d’Yves Saint Laurent

Retour en 1954 : alors qu'il est installé à Paris depuis deux ans, Karl Lagerfeld participe à un concours organisé par le Secrétariat international de la laine et l'entreprise Woolmark. Il remporte le premier prix pour un manteau ; à ses côtés, un certain Yves Saint Laurent remporte le premier prix pour une robe. Les deux génies de la mode commencent ensemble leur carrière, mais leurs trajectoires s'éloignent. Dans les années 1960, Yves Saint Laurent est déjà une star, pas Karl Lagerfeld. "Je n’étais pas jaloux, assure ce dernier dans Le Monde. Yves, [Pierre] Bergé et moi étions allés voir une cartomancienne turque dans un entresol de la rue de Maubeuge. Elle avait dit à Yves : 'C’est bien, mais cela se termine assez vite'. Et à moi : 'Ça commence quand ça se termine pour les autres'."

 

 

S'ils sont amis au départ, les liens vont se distendre. Il ne pouvait en être autrement, selon la journaliste britannique Alicia Drake. "Yves a triomphé à 21 ans, remportant un succès précoce et incontestable qui ne pouvait que rendre fou son rival. Jamais ces deux immenses talents concurrents ne pourront se satisfaire de partager le même plateau. Leurs ambitions sont trop proches pour supporter pareille proximité. Ce destin commun n'a d'autre issue qu'une opposition totale", résume-t-elle dans son livre.

 

 

Mais c'est surtout un homme qui va rompre les liens entre les deux créateurs : Jacques de Bascher. Grand amour du couturier allemand, qui le qualifiait de "diable fait homme avec la tête de Garbo", ce dandy, emporté par le sida en 1989, fut en parallèle l'amant d'Yves Saint Laurent. Les années n'effaceront pas les rancœurs. La nomination de Karl Lagerfeld chez Chanel, en 1982, est une revanche sur son rival, qui admirait la maison de la rue Cambon. "Pour Karl, ce n’était pas seulement un immense bond en avant, c’était aussi un coup de poignard contre Yves", raconte la créatrice de mode Paloma Picasso à Alicia Drake.

 

 

En janvier 2017, dans l'émission "Stupéfiant" sur France 2, Karl Lagerfeld envoyait encore une pique en direction d'Yves Saint Laurent, mort neuf ans plus tôt : "Il n’était pas trilingue." Une insulte pour celui qui considérait que "les gens qui ne sont pas au moins trilingues sont des ruraux", souligne Le Monde.

 

 

 

5 - Il a donné une seconde vie à Chanel

En 1982, Karl Lagerfeld, alors directeur artistique de Fendi et Chloé, est approché par les frères Wertheimer, propriétaires de Chanel. A l'époque, la marque est dans le creux de la vague, mais l'Allemand accepte de relever ce "challenge". "Un an avant l’arrivée de Karl, j’avais fait un sujet pour le magazine allemand Stern, photographié par Peter Lindbergh : 'Les dix classiques de la mode' (...) Lorsque j’avais proposé le tailleur Chanel, Lindbergh m’avait répondu : 'Ça existe encore, ce truc ?'" se souvient Florentine Pabst, journaliste allemande et amie de Lagerfeld, dans Le Monde (article abonnés). 

 

 

Pour relancer la marque, le couturier négocie "100 000 dollars en vêtements pour habiller les 'éditrices de la presse mode et des amies'", écrit Le Monde. Il veut dépoussiérer le mythe, a carte blanche pour cela, et veut éviter que Chanel "reste le tailleur de la bourge avec des petits nœuds", cite France Soir. Karl Lagerfeld mise tout sur la communication, et parie sur les deux C entremêlés du logo. "Je les ai poussés, exagérés (…), fait rentrer dans les têtes des gens comme si ça avait toujours existé." Pour son premier défilé au siège de la rue Cambon, il convie les stars de l'époque : Isabelle Adjani, Jean-Claude Brialy, la baronne Marie-Hélène de Rothschild… Il fait aussi signer un contrat d'exclusivité à une jeune mannequin française : Inès de la Fressange. Une première à l'époque, qui modernise l'image de la marque. Le créateur lui accorde une grande liberté. "Pendant les défilés, j'ai beaucoup fait le pitre. J'arrivais en pyjama, avec mon oreiller, mon chien. L'idée était de ne pas se prendre au sérieux", se souvient-elle dans Vogue

 

 

Cela fonctionne : dès 1984, les ventes s'envolent, et la suite valide la stratégie du couturier. Trente-cinq ans après son arrivée chez Chanel, Karl Lagerfeld laisse un empire en pleine santé dont le chiffre d'affaires a atteint plus de 8 milliards d'euros en 2017. Même si son travail n'aurait pas forcément plu à Gabrielle Chanel : "J'imagine qu'elle n'aurait pas été d'accord avec moi. Elle aurait détesté", déclare-t-il à la presse à la veille de l'ouverture, en octobre 2015, de l'exposition "Mademoiselle Privé" à la Saatchi Gallery, à Londres. 

 

 

 

6 - Il a perdu 42 kg pour porter des slims

Il suffit de regarder les photos : à la fin des années 1990, Karl Lagerfeld n'affiche pas encore le corps svelte des dernières années de sa vie. Mais la vague du slim, cette coupe de vêtements près du corps, va bientôt déferler sous l'impulsion d'Hedi Slimane, à la tête de Dior Homme. Le 28 janvier 2001, dans les coulisses du premier défilé du jeune créateur, Karl Lagerfeld déclare : "Je veux être le premier à porter cette collection." "J'ai remarqué que pour porter ses vêtements, il fallait être mince, alors je me suis mis au régime", explique-t-il à V Magazine.

 

 

En treize mois, Karl Lagerfeld perd 42 kg avec le régime Spoonlight, inventé par le docteur Jean-Claude Houdret. "Il lui a fallu une volonté d’acier", commente ce dernier dans Capital. Car ce régime controversé, basé sur la prise de protéines en sachets, est extrêmement restrictif. Dans Le meilleur des régimes, coécrit avec son médecin, Karl Lagerfeld se livre d'ailleurs sur les privations et les rituels qu'il a suivis. "S’ils ne font pas partie du régime, je n’y crois pas. Cela doit être une sorte de punition, quelque chose que vous êtes obligés de faire", écrit-il

 

 

 

7 - Il vouait un culte à sa chatte… plus riche que vous

Karl Lagerfeld vivait un amour passionné avec Choupette, une chatte que lui avait confiée le mannequin Baptiste Giabiconi en 2011. "Choupette ne m'a pas été donnée. Choupette appartenait à un ami à moi, qui a demandé à ma domestique si elle pouvait s'en occuper durant ses deux semaines de déplacement. A son retour, il n'a pas récupéré Choupette", racontait le couturier dans Vanity Fair. Ce dernier ne la quittait plus, la photographiant sans arrêt. Lorsqu'il partait en voyage, on lui envoyait même "une image toutes les heures", comme il le racontait dans une interview au Point. Des clichés à admirer sur le compte Instagram de la chatte, suivi par plus de 100 000 personnes.

 

 

"C'est une présence divertissante, élégante, drôle et intéressante, mais pas tendre, ce n'est pas comme un chien, décrivait-il dans Marie Claire. Choupette est très élégante et très chic. Si l'on me demande quelle est la femme la plus élégante du monde, je dirais que c'est elle. Personne ne porte un manteau de fourrure comme elle." Le maître en a d'ailleurs fait "une petite fille riche", comme il le confiait en 2015, sur le divan de Marc-Olivier Fogiel. Rien qu'en 2014, la chatte a amassé trois millions d'euros, grâce à des contrats avec "une marque de voiture allemande" et une marque "de produits de beauté japonais", précise Vanity Fair.

 

 

"S'il m'arrive quelque chose, Choupette est mon héritière, avait révélé Karl Lagerfeld dans la même émission. Elle a sa propre petite fortune. La personne qui s'occupera d'elle ne sera pas dans la misère."

 



20/02/2019
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