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"On travaille en marchant" : des débats à la synthèse finale, le casse-tête des contributions au grand débat

 

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Margaux DuguetFrance Télévisions

 

 

Si les contributions au grand débat affluent, de nombreuses questions se posent sur leur transmission mais aussi leur traitement. Explications

 

 

 

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Un internaute consulte le site du grand débat, le 23 janvier 2019, à Paris.  (MAXPPP)

 

 

 

C'est écrit noir sur blanc sur le site du grand débat. "Le gouvernement prendra en compte tous les avis et propositions exprimés dans le respect de la méthode et des principes du grand débat national", peut-on lire. Et "toutes les contributions seront rendues publiques, analysées et restituées au président de la République et au gouvernement". L'objectif est donc clairement affiché : l'exécutif promet de prendre en considération toutes les contributions au grand débat national, lancé le 15 janvier pour une durée de deux mois. Le président de la République s'est, par ailleurs, engagé "à rendre compte directement" aux Français "dans le mois qui suivra la fin du débat".

 

 

Si la finalité de l'exercice est connue, les moyens pour y parvenir sont, eux, bien moins précis. Il reste de nombreux points à trancher, dont le plus important de tous : qui va lire et synthétiser toutes ces participations ? Malgré ce flou, 200 000 contributions ont été déposées entre mardi 22 et jeudi 24 janvier sur la plateforme du grand débat, selon l'un des ministres chargés de l'organisation de la consultation, Sébastien Lecornu. Des dizaines de débats se sont également déjà déroulés dans toute la France, donnant lieu à divers comptes rendus et synthèses.

 

 

 

"On a complètement dépassé le cadre du sujet"

Rien qu'à ce premier niveau, le bât blesse. Cet exercice inédit dévoile toute sa complexité. Personne ne suit une seule et unique méthode, que ce soit dans l'organisation du débat, la retranscription des interventions ou la communication des comptes rendus. Certains organisateurs ont ainsi choisi de traiter des quatre thèmes retenus par Emmanuel Macron (la fiscalité et les dépenses publiques, l'organisation de l'Etat et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté) quand d'autres s'en éloignent.

 

 

Jean-Charles Larsonneur, député LREM du Finistère, a organisé, samedi 19 janvier, un café citoyen de trois heures qui a réuni une quarantaine de personnes. "Cinq tables ont travaillé sur la fiscalité et deux autres sur la transition écologique. Au bout d'une heure, les personnes ont restitué groupe par groupe les réponses au questionnaire", raconte-t-il. D'autres réunions suivront et les thèmes abordés dépendront du bon vouloir des participants.

 

 

A 700 kilomètres de là, Ludovic Zientek, maire socialiste de Bouchain (Nord), ville de 4 000 habitants, a lui aussi suivi méticuleusement les thèmes choisis, mais en une seule et même réunion : "On a compté une demi-heure par thème et la réunion a duré deux heures." A l'inverse, d'autres organisateurs ont laissé le débat s'installer sans forcément suivre le plan initial. C'est le cas d'Amine Elbahi, étudiant en droit de 22 ans, qui avait prévu de traiter de la "question des services publics à Roubaix et du lien entre l'Etat et les citoyens" dans le débat qu'il a organisé. La cinquantaine de participants, présents lundi 21 janvier dans un restaurant de cette ville populaire du nord de la France, en ont décidé autrement.

 

 

On a complètement dépassé le cadre du sujet, les gens ont exprimé leur ras-le-bol, leur colère.Amine Elbahi, organisateur d'un débat à Roubaix à franceinfo

 

 

D'autres organisateurs ont enfin préféré laisser la parole totalement libre, sans suivre une trame précise. "Les gens ont discuté entre eux, le débat était de très bonne tenue. Ils ont parlé de retraites, de la fiscalité, de l'ISF mais aussi des questions de handicap, de santé ou d'école", rapporte Catherine Delprat, maire PS d'Ecouen (Val-d'Oise).

 

 

 

Retranscription intégrale ou synthèse ?

La question de la retranscription des débats fait là aussi l'objet de diverses interprétations. Parmi les organisateurs que franceinfo a contactés, les élus ont tous fait le choix de la prudence et opté pour la retranscription intégrale des réunions. Le but ? Eviter toute suspicion de manipulation politique. Députée LREM de la Seine-Maritime, Sira Sylla a demandé à son collaborateur de prendre des notes lors du débat qu'elle a organisé à Canteleu, commune proche de Rouen, samedi 19 janvier. "Il va en faire une retranscription intégrale, pas une synthèse, sinon c'est biaisé." Son collègue Jean-Charles Larsonneur a fait le même choix.

 

 

Il m'aurait semblé déplacé qu'un député de la majorité fasse une synthèse, il y aurait eu des soupçons.Jean-Charles Larsonneur, député LREM à franceinfo

 

 

D'autres organisateurs ont au contraire opté pour la synthèse, mais validée préalablement par les participants. Claudie Jouvenot, animatrice LREM du comité de Bergues (Nord), a accueilli 22 personnes chez elle, dimanche 22 janvier. Cette retraitée de l'Education nationale a pris en note toutes "les idées qui sont ressorties". Avec son mari, elle est en train de rédiger un compte-rendu qui sera transmis à tous les participants avant envoi à la mission du grand débat. De son côté, Amine Elbahi, l'étudiant de Roubaix, a enregistré tout le débat. Avec quelques volontaires, il en fait un compte-rendu qui reprend "les attentes, les objectifs et les diagnostics" des participants. Il faut également relever que de nombreux animateurs ont encouragé leur salle à remplir individuellement les questionnaires disponibles sur le site du grand débat, qui correspondent aux quatre grands thèmes évoqués par le président.

 

 

 

Les préfectures, "boîtes aux lettres" du grand débat

A qui transmettre ensuite toutes ces contributions ? Là encore, les pratiques divergent, même si une majorité d'organisateurs joints par franceinfo a choisi l'envoi à la mission du grand débat, que ce soit par courrier ou sous forme électronique. "Nous allons envoyer la totalité de ce qui s'est dit lors du débat à l'adresse postale et électronique du grand débat. Cela fait une vingtaine de pages", indique Ludovic Zientek, le maire de Bouchain. Quelques organisateurs vont, eux, se tourner vers la préfecture. Jean-Pierre Serrus, maire LREM de La Roque d'Anthéron (Bouches-du-Rhône), va ainsi transmettre les comptes-rendus des réunions qu'il a organisées mais aussi les cahiers de doléances de ses administrés au référent préfectoral. C'est aussi le choix de Catherine Delprat, la maire d'Ecouen. "Les documents vont être transmis au préfet, qui est chargé de les remettre aux instances supérieures."

 

 

Ce n'est pourtant pas leur rôle. Les référents préfectoraux ont pour mission, selon la lettre du directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, de "s’assurer que les réunions d’initiative locale pourront bien se tenir, dès le 15 janvier, dans un lieu mis à disposition de préférence par une collectivité locale ou une structure associative, et dans des conditions de sécurité". La préfecture du Val-d'Oise confirme à franceinfo qu'elle n'a pas pour objet de recevoir les comptes-rendus du grand débat. Pour éviter que des contributions ne se perdent, les préfectures seront invitées à les envoyer à la mission du grand débat.

 

 

Les préfectures vont servir de boîtes aux lettres gouvernementales. Elles devront tout rediriger à la mission du grand débat.La mission du grand débat à franceinfo

 

 

D'autres organisateurs ont fait le choix d'envoyer leur compte-rendu au gouvernement. "Je vais mettre la retranscription intégrale du débat sur la plateforme mais je vais également l'envoyer au cabinet du Premier ministre, à l'Elysée et à notre président de groupe, Gilles Le Gendre", assure la députée Sira Sylla.

 

 

 

"Rien n'est figé"

Une fois toutes les contributions parvenues à la mission du grand débat, restera le plus gros du travail : les analyser et les synthétiser. Qui va le faire ? La question ne trouve, à ce stade, pas de réponse. "Plusieurs propositions ont été faites aux cinq garants. On va finaliser ces propositions en fin de semaine pour qu'ils en discutent en début de semaine prochaine", indique-t-on à la mission du grand débat.

 

 

Selon toute vraisemblance, plusieurs prestataires seront engagés dans cette mission en fonction de leurs compétences. Ils devront analyser les cahiers de doléances, les contributions en ligne mais aussi toutes les remontées spontanées, que ce soit des mails ou des courriers au chef de l'Etat et au gouvernement. Il pourrait s'agir de sociétés spécialisées dans le traitement de données mais aussi de chercheurs ou d'experts indépendants. A priori, "il n'y aura pas le temps de faire un appel d'offres, le choix de ces acteurs déprendra des marchés publics déjà ouverts", précise une source proche du dossier à franceinfo.

 

 

L'idée, c'est d'en faire une synthèse exploitable par le politique.Une source proche du dossier à franceinfo

 

 

Mais tout peut encore changer en fonction de l'arbitrage des cinq garants. "On travaille en marchant", sourit cette même source, pour qui il serait préférable de connaître rapidement ces prestataires afin de "travailler au fil de l'eau".

 

 

Car un autre échelon interviendra pendant le grand débat. A partir du 1er mars, des conférences citoyennes régionales, qui associeront des citoyens tirés au sort à des représentants de corps intermédiaires, se réuniront pour "participer à l'élaboration de pistes concrètes", indique le site du grand débat. "Les participants seront nourris des remontées régionales, ils ne partiront pas à blanc", assure-t-on. Comment ces citoyens seront-ils tirés au sort ? Sur quelle matière travailleront-ils précisément ? Sous quelle forme ? Nul ne le sait. Un plus grand flou encore règne sur les quatre conférences nationales conclusives qui traiteront des quatre thèmes du chef de l'Etat. On ne connaît ni leur date, ni leur périmètre, ni les acteurs. Pas de quoi inquiéter la mission du grand débat : "C'est un dispositif inédit qu'on a dû monter en vitesse, ça ne s'est jamais fait et rien n'est figé."

 



25/01/2019
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