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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le jeudi 14 novembre 2019

 

 

"On y voit des similitudes" : un an après le début du mouvement, les "gilets jaunes" applaudissent les révoltes à l'étranger

 

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Vincent MatalonFrance Télévisions

 

 

 

Sur des pages et groupes Facebook, les protestataires français envoient quotidiennement des messages d'encouragement aux participants des récentes manifestations à Hong Kong, au Liban, en Catalogne ou encore au Chili

 

 

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Des "gilets jaunes" défilent en solidarité avec les manifestants chiliens, le 26 octobre 2019 à Paris. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

 

 

 

Sous une intense pluie de pavés, un camion des forces de l'ordre puis deux font demi-tour sur la Via Laietana, ce soir du samedi 26 octobre à Barcelone (Espagne). Les policiers stationnés à quelques pas de là, seulement protégés par quelques boucliers de plexiglas, sont eux aussi rapidement contraints de battre en retraite face aux dizaines d'indépendantistes catalans encapuchonnés et visiblement violents qui s'avancent dans leur direction.

 

 

Dans les commentaires de la vidéo de la scène publiée sur Facebook, Nadine applaudit : "Grand soutien du [département] 57 ! Ils ne lâchent pas, nous non plus on ne lâche rien. Ahou Ahou, 'gilets jaunes' !" "Faut les prendre de chaque côté, bravo !" renchérit Roselyne. "Bravo aux Catalans ! Eux au moins ne reculent pas devant les boucliers, et vous noterez qu'ils n'ont pas tous un portable à la main pour filmer comme en France ! Chapeau !" ajoute Claudine.

 

 

Ces trois réflexions sont loin d'être isolées. Alors que le mouvement des "gilets jaunes" s'apprête à fêter sa première année d'existence, de nombreux sympathisants observent quotidiennement, sur des pages et des groupes Facebook, les récentes scènes de révolte à Hong Kong, au Liban, en Catalogne ou au Chili. Et n'hésitent pas à les commenter avec admiration, nostalgie, voire convoitise.

 

 

 

Inspiration d'initiatives étrangères et débats

"Les événements en cours à l'étranger intéressent beaucoup nos lecteurs", confirme Nathalie, membre du collectif marqué à gauche Cerveaux non disponibles, dont la popularité de la page Facebook a explosé avec l'émergence du mouvement des "gilets jaunes" (près de 117 000 abonnés). La militante dit avoir réalisé l'engouement de son audience pour les mouvements sociaux à l'étranger après avoir diffusé en direct sur sa page une manifestation étudiante lors d'un séjour à Athènes, en Grèce, en juillet. "Ce live a complètement dépassé nos espérances : plusieurs dizaines de milliers de personnes l'ont suivi, laissaient des messages d'encouragement... On s'est dit qu'il se passait vraiment quelque chose", se souvient Nathalie.

 

 

Les réactions des sympathisants du mouvement des "gilets jaunes" aux publications qui concernent les manifestations en dehors des frontières françaises sont souvent de même nature. Outre le soutien aux revendications locales exprimées, ou le parti pris pour les opposants qui affrontent la police, certains "gilets" invitent parfois leurs camarades à s'inspirer d'initiatives étrangères... avant que d'autres ne leur répondent de ne pas se faire d'illusions sur la capacité du mouvement à provoquer à nouveau des mobilisations massives.

 

 

 

 

 

 

Les figures médiatiques du mouvement ont en tout cas bien compris l'intérêt de leurs abonnés pour ces sujets. Sur sa page "La France en colère !!!", qui réunit près de 289 000 "gilets jaunes", Eric Drouet a récemment réagi au remaniement gouvernemental annoncé par Sebastian Piñera au Chili. De son côté, Maxime Nicolle a lancé, dès le début de l'année, un groupe baptisé "Fly Rider Yellow Jacket International News". D'abord destiné à partager des vidéos de manifestants se revendiquant des "gilets jaunes" à l'étranger, le groupe sert désormais surtout de plateforme de discussion autour des différents mouvements sociaux internationaux.

 

 

Gabin Formont est allé encore plus loin. Agacé par la "désinformation des médias" à propos des "gilets jaunes", le jeune homme avait lancé en décembre 2018 la page "Vécu", pour couvrir en direct les rassemblements du samedi. Mais au fil des mois, son "média du 'gilet jaune'" a réorienté son activité pour devenir un "média citoyen à vocation internationale", qui "tente d'accompagner les luttes sociales qui se propagent à travers le monde".

 

 

 

"Facebook est propice à l'opinion brute"

Gabin Formont n'hésite ainsi pas à se rendre à Barcelone pour couvrir les rassemblements des militants catalans pro-indépendance, et un membre de son équipe se trouve même à Hong Kong, où il diffuse régulièrement en direct des images des défilés anti-Pékin. Là encore, ces directs vidéos sont commentés par des "gilets jaunes" qui louent souvent les mérites des manifestants face aux forces de l'ordre. Après avoir, dans un premier temps, accepté d'évoquer son activité, Gabin Formont a finalement refusé de répondre aux questions de franceinfo, invoquant son souhait de "rester en dehors de la stratégie des médias mainstream".

 

 

 

 

 

 

"On arrive bientôt au premier anniversaire du mouvement, et on constate que dans le monde, les peuples se révoltent soit face à la corruption de leurs élites, soit face au capitalisme. Forcément, on y voit des similitudes avec ce qu'il se passe en France", indique à franceinfo Maxime Nicolle pour expliquer l'engouement des "gilets jaunes" pour ces sujets. "Ce qui revient souvent chez les 'gilets jaunes' que j'interroge à ce sujet est que ces mobilisations leur donnent de l'espoir", abonde Nathalie, du collectif Cerveaux non disponibles.

 

 

Au-delà des différences entre les mobilisations, les gens sont sensibles à la répression judiciaire et policière. Ils sont choqués de constater que partout dans le monde, on peut subir des violences pour avoir voulu exprimer ses idées.Nathalie, du collectif Cerveaux non disponibles à franceinfo

 

 

Docteure en sciences de l'information et de la communication à l'université de Lille, Coralie Le Caroff explique, de son côté, la célébration de la violence envers les forces de l'ordre, que l'on peut souvent retrouver dans les commentaires de certaines vidéos partagées par les "gilets jaunes", par la nature du réseau social. "Facebook est un espace propice à l'opinion brute, à la réaction. Le format vidéo, et particulièrement le direct, autorise un commentaire plutôt court qui ne nécessite pas d'expertise particulière pour être considéré comme valable. On va donc observer beaucoup de messages d'encouragements, qui révèlent une certaine stimulation dans la lutte", analyse celle qui a par ailleurs consacré une thèse à la question de la participation autour de l'actualité sur Facebook.

 

 

 

"Faire le lien entre les ronds-points et les manifestations monstres à l'international"

L'intérêt des "gilets jaunes" pour les révoltes internationales "est dû au durcissement du conflit en France, qui entre en résonance directe avec la conflictualité qui explose aux quatre coins du globe", ajoute Laurent Thiong-Kay doctorant en sciences humaines et sociales à l'université Toulouse-3 et coauteur d'un rapport sur la structuration en ligne du mouvement des "gilets jaunes". "Cette résonance est également due à un répertoire d'actions visant à réinvestir l'espace public : les internautes font le lien entre les ronds-points et les manifestations monstres que l'on voit à l'international", précise le chercheur.

 

 

Pas étonnant donc de voir cette solidarité envers des mobilisations pourtant géographiquement lointaines, et aux motifs disparates, se retrouver également sur le terrain. Samedi 27 octobre, certains "gilets jaunes" ont profité de la manifestation organisée à Paris pour apporter leur soutien au mouvement de révolte au Chili.

 

 

Une manière de s'inscrire dans ce que l'historienne Mathilde Larrère, spécialiste des mouvements révolutionnaires au XIXe siècle, décrit comme la "citation révolutionnaire". "On fait référence aux autres pays en lutte. Apprendre à Beyrouth que le peuple se soulève au Chili, puis au Chili qu'il se lève en Equateur rend aussi la contestation légitime. Et on se dit qu'elle est possible puisque d'autres le font", expliquait-elle dans un récent entretien à franceinfo.

 

 

Comme Laurent Thiong-Kay, la docteure en sciences de l'information Coralie Le Caroff note toutefois que la question internationale n'est pas devenue "la préoccupation centrale" des "gilets jaunes" sur Facebook. De fait, lorsqu'on l'interroge sur l'engouement des sympathisants du mouvement sur les révoltes étrangères, Maxime Nicolle ne met que quelques secondes pour revenir sur la situation française. Et de promettre une "fin d'année compliquée pour Emmanuel Macron", en faisant référence au mouvement de grève contre la réforme des retraites du 5 décembre auquel des "gilets jaunes" ont d'ores et déjà promis de se joindre.

 



14/11/2019
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