www.l-air-du-temps-de-chantal.com

L'AIR DU TEMPS

le Progrès du vendredi 29 mai 2015

 

 

EUROPE - La fracture du référendum s'est creusée. Il y a dix ans, la France votait non. Le 29 mai 2005, 54,86 % des Français rejettent le traité constitutionnel européen. Ce vote révèle de nouveaux clivages et relance l'interrogation sur l'Europe et la nation.

 

 

Un non large et massif treize ans après le petit oui au traité de Maastricht. Un non politiquement composite, venu du nationalisme d'extrême droite, de l'altermondialisme de gauche et des souverainismes de tous les camps. Un non à replacer dans le contexte politique national de 2005.

 

 

Jacques Chirac déçoit : il n'a pas utilisé ses 82 % du 6 mai 2002 pour moderniser la vie politique et réformer le pays. En campagne électorale pour le oui, il se révèle catastrophique lors d'une émission sur TF1 où confronté aux angoisses de 31 jeunes invités à l'Elysée, il répond : "Je ne vous comprends pas". A gauche, François Hollande a obtenu un vote des militants PS en faveur du oui. Mais Laurent Fabius tente un coup de poker en appelant au vote non pour se positionner en vue de 2007. Il n'aboutira qu'à briser l'élan de Hollande et à le remplacer par... Royal en 2007.

 

 

 

url.gif

 

 

La faute à Bolkestein

 

Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre en bout de course, soupire : "C'était devenu ingagnable après la prise de position de Fabius et la campagne du plombier polonais de Philippe de Villiers". Le leader souverainiste a trouvé l'image forte pour cogner sur la directive "service" du commissaire néerlandais Frits Bolkestein : dans sa version initiale elle autorisait à employer un salarié ou une entreprise de pays tiers aux conditions de son pays. Un an après l'élargissement à l'est, la gauche du non menée par Mélenchon et Besancenot dénonce le dumping social.

 

 

 

"Sans la directive Bolkestein, le oui passait avec une forte abstention comme en Espagne un mois plus tôt. La directive a transformé des abstentionnistes en votants du non" indique Stéphane Rozes, président de CAP, enseignant à Sciences-Po Paris et HEC. En 2005, il a suivi l'évolution de l'opinion et décrypte : "Vue par les Français, l'UE ce doit être une France en grand, qui se déploie de l'intérieur vers l'extérieur. L'Europe de la directive et du Traité incarnait le contraire en même temps qu'un relais de la dérégulation libérale anglo-saxonne. Cela annulait aux yeux des septiques la formule de François Mitterrand : La France est notre patrie, l'Europe notre avenir. A partir de là s'agrandit la fracture sociale entre ceux aptes à se projeter dans Europe et ceux qui ne peuvent pas".

 

 

 

Pas nouvelle, cette fracture politique se substitue en partie au clivage droite-gauche. Qui a voté oui ? La France des cadres, des grandes villes ancrées dans la mondialisation, des banlieues chics, des départements riches (Rhône, Haute-Savoie), des territoires les plus abrités du chômage et les plus éloignés de l'immigration (ouest). Le non, majoritaire dans 79 départements, remonte des catégories modestes, des territoires en difficulté, des petites villes aux usines en friche, du vote de la jeunesse.

 

 

 

Depuis, cette France a subi la crise de 2008 avec plus de violence. Aujourd'hui elle s'abstient ou vote pour le Front national beaucoup plus que celle du oui de 2005. "Le sentiment que les décisions échappent aux politiques, que la France subit ce qu'impose Bruxelles par le haut est ancré", ajoute Stéphane Rozès.

 

 

 

Le débat politique a changé depuis 2005 mais l'idée de souveraineté progresse, qu'elle se traduise par du repli ou la volonté de réguler l'économie. Dix ans après le "non" français, l'Europe est agitée par le "Grexit" et le "Brexit" (sorties de la Grèce et du Royaume-Uni). L'anti-Bruxelles fait recette à gauche au sud du continent et à l'extrême droite au nord et à l'est. Et dans tous les pays se creuse le fossé entre ceux qui sont installés dans cette Europe et ceux qui se sentent exclus. Pascal Jalabert

 

 

 

url.jpg

 

 

 

Moins d'Union, mais plus d'euros ?

 

Le double "non" français et néerlandais de 2005 a révélé une vérité désagréable, et vérifiée à chaque scrutin : l'Union européenne n'est pas aimée de ses peuples. Dimanche dernier, les Polonais ont choisi pour président le nationaliste de droite Andrzej Duda, tandis que les Espagnols votaient pour les eurocritiques de gauche de Podemos.

 

 

Au Parlement, les trois grands partis qui ont porté la construction européenne (conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux) tiennent moins des deux tiers (63 %) des sièges, contre plus des trois quarts (76 %) au moment du référendum. Le "moins d'Europe" est ainsi devenu à la mode, bien avant le référendum britannique. En témoignent les débats sur la répartition des migrants, et le refus des "riches" du Nord de pays pour les "pauvres" du Sud, Grecs ou Espagnols.

 

 

Mais attention aux apparences. Si l'Union des 28 est en recul, la zone euro est au contraire en vole d'intégration toujours plus poussée. Un nouveau traité, refusé par le Royaume-Uni et la République tchèque, a renforcé en 2012 les règles de surveillance budgétaire des Etats. Et le Conseil européen des 25-26 juin examinera un rapport proposant encore plus d'intégration des économies. C'est bien sûr le résultat de la crise de l'euro, qui a consacré le pouvoir de la plus fédérale des institutions, la Banque centrale européenne. Mais l'Europe restant impopulaire, les dirigeants s'efforceront d'atteindre leur objectif sans modification du traité. Et surtout sans référendum...

 

 

 

Cameron vend son référendum à Paris

 

Le dîner ne s'annonçait pas très "light", hier soir, entre François Hollande et David Cameron à l'Elysée. Le Premier ministre britannique, venu plaider pour "moins d'Europe", sait que le président français n'est pas disposé à l'entendre. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius l'avait prévenu dès la matinée, sur le ton de l'humour : "Les Britanniques ont adhéré à un club de football. On ne peut pas dire au milieu du match : maintenant on va jouer au rugby". David Cameron poursuit aujourd'hui son tour d'Europe en Pologne et en Allemagne. Son prochain objectif est le Conseil européen des 26-27 juin, qui devrait commencer à débattre des demandes britanniques. Le temps presse, car c'est peut-être dès l'année prochaine que les Britanniques devront répondre à la question : "Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l'UE ?".

 



29/05/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 59 autres membres