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L'AIR DU TEMPS

la tribune du vendredi 27 mars 2015

 

 

MOYEN-ORIENT - Au Yémen, de la guerre civile au conflit régional politico-religieux. Frappes aériennes des Saoudiens et leurs alliés face à l'avancée des Chiites Houthis. Le pays est le théâtre d'une guerre par procuration entre deux poids lourds de la région, l'Iran chiite et le royaume saoudien sunnite, qui risque d'aboutir à une désintégration du pays.

 

 

Ce n'est plus l'une de ces guerres civiles qui régulièrement agitent le Yémen, mais un conflit qui attise la poudrière du Moyen-Orient. La tension est montée d'un cran hier entre l'Iran et l'Arabie saoudite après l'intervention armée de cette dernière au Yémen.

 

 

L'Arabie saoudite sunnite, entourée d'une coalition de "dix pays" arabes alliés selon Ryad, a lancé une offensive pour contrer l'avancer dans le pays de rebelles chiites soutenus par l'Iran. Depuis des mois, le Yémen s'enfonce dans le chaos : les Houthis - miliciens chiites - ont pris le contrôle de la capitale Sabaa et forcé le président sunnite Abd Rabbo Mansour Hadi à fuir pour se réfugier dans son fief d'Aden.

 

 

 

Un pays au bord du chaos

 

L'opération des pays arabes, baptisée "Tempête décisive", a été déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi par des frappes saoudiennes sur différentes positions des Houthis. Elle fait figure de test grandeur nature pour la force militaire arabe commune, un projet que l'Egypte et l'Arabie saoudite devaient soumettre au sommet annuel de la Ligue arabe qui s'ouvre demain. La coalition mobilise l'Egypte qui a aussi procédé à des frappes, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan et le Maroc, selon Ryad. Les Américains se tiennent à distance, tout en soutenant l'intervention.

 

 

Les bombardements ont fait au moins 14 morts civils à Sanaa et au moins 18 combattants - dont 13 Houthis - ont été tués dans de nouveaux combats dans le Sud du pays. L'attaque menée par l'Arabie saoudite est limitée. Elle vise à empêcher les rebelles houthistes d'utiliser les aéroports et la flotte aérienne pour attaque Aden, où son réfugiées les forces présidentielles, et d'autres parties du Yémen.

 

 

C'est à la suite de plusieurs appels du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi que l'Arabie saoudite et ses alliés sunnites se sont décidés à utiliser les armes. L'opération "vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi de prendre le contrôle du pays", a expliqué l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis. Elle a obtenu le "soutien total" de la ligue arabe. Mais l'intervention a suscité la colère de l'Iran. Le président iranien Hassan Rohani a condamné "l'agression militaire" contre le Yémen. Pour le chef de la diplomatie  Mohammad Javad Zarif, "toute action militaire de l'étranger contre l'intégrité territoriale du Yémen et son peuple ne donnera aucun résultat si ce n'est davantage de morts et d'effusion de sang".

 

 

Cette intervention risque, selon lui, de faire le jeu des djihadistes. Téhéran a "toujours averti les pays de la région et les pays occidentaux de faire attention à ne pas [...] aller dans le même sens qu'Al-Qaïda et Daech", a-t-il ajouté. Les islamistes profitent en effet du conflit entre le président sunnite et les milices chiites pour gagner du terrain dans le pays.

 

 

 

Le chaos yéménite

 

 

Les miliciens chiites

 

Depuis l'insurrection populaire de 2011, qui a poussé au départ le président Ali Abdallah Saleh, le pouvoir central a été marginalisé par la puissante milice des Houthis. Les Houthis ont déferlé en septembre 2014 à Sanaa puis étendu leur influence vers l'ouest, le centre et le sud, avançant jusqu'aux portes d'Aden, fidèle au président démocratiquement élu, Abd Rabbo Mansour Hadi.

 

 

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Le président déchu

 

L'ex-président Saleh joue un rôle-clé en coulisse dans l'offensive des Houthis, avec lesquels il a scellé une alliance.

 

 

 

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Al-Qaïda et l'EI à l'oeuvre

 

Le groupe Etat islamique a tout récemment fait une entrée fracassante au Yémen en revendiquant des attaques à Sanaa qui ont fait 142 morts et 351 blessés le 20 mars dans des mosquées fréquentées notamment par des fidèles chiites, y compris des Houthis. L'EI est ainsi intervenu sur le terrain occupé par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), considéré comme l'un des groupes djihadistes les plus dangereux par les Etats-Unis. Fortement présent dans le sud et le sud-est du Yémen, Aqpa a multiplié les attentats contre l'armée, a enlevé des étrangers et a revendiqué l'attentat du 7 janvier qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo.

 

 

 

Ryad, puissance régionale

 

En intervenant au Yémen à la tête d'une coalition, l'Arabie saoudite sunnite veut défendre son leadership régional menacé par la montée en puissance de l'Iran chiite, mais cette initiative n'est pas sans risques. L'opération "Tempête décisive" constitue le premier grand défi international pour la roi Salmane, deux mois après son accession au trône.

 

 

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Salmane Ben Abdel Aziz, nouveau roi d'Arabie Saoudite

 

 

 

Ryad ne pouvait accepter que les Houthis s'imposent totalement au Yémen, encouragés par l'influence croissante de l'Iran en Irak, en Syrie et au Liban, ainsi qu'au sein d'un mouvement de contestation à Bahreïn, animé par la communauté chiite. Il devait également agir pour éviter que le détroit stratégique de Bal Al-Mandeb, entre la mer Rouge et le Golfe d'Aden, ne passe sous leur contrôle.

 

 

Cette coalition devra cependant obtenir des résultats car si cette intervention "ne change pas la donne sur le terrain, le Yémen ira vers la désintégration", prévient l'expert Abdelwahab Badrakhan. Les spécialistes précisent en outre que l'Iran, qui a dénoncé avec force l'opération, ne devrait pas rester les bras croisés, même si une action militaires de sa part est dans l'immédiat improbable.

 

 

Il s'agit pour Téhéran, d'"un défi à sa montée en puissance, pour laquelle il a longtemps investi au Yémen et dans la région, estime M. Badrakhan. L'Iran peut activer des groupes qu'il a formés dans la province orientale (est saoudien) ou encourager l'opposition bahreïnie à fomenter des troubles".

 

 



28/03/2015
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