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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du vendredi 4 novembre 2016

 

 

 

PRÉSIDENTIELLE - EN OHIO, LES ÉLECTIONS DE LA DIVISION

 

 

À Steubenville, ancienne métropole de l'acier, la délinquance et la pauvreté ont prospéré sur fond de désindustrialisation. Ces élections creusent un profond fossé dans la société américaine.

 

 

C'était le chanteur du "cool", le crooner jazzy et comédien des années de croissance, de l'arrivée de la télévision, de l'âge d'or de l'industrie. Dean Martin a son portrait à toutes les entrées de Steubenville (Ohio), sa ville natale, et même son boulevard. Mais l'heure n'est plus au swing, elle est au désenchantement.

 

 

La commune de 20 000 habitants, longtemps considérées comme l'une des capitales américaines de l'acier, à deux heures du sud de Cleveland, a été frappée de plein fouet par la désindustrialisation. Vitres cassées, magasins abandonnés en l'état, la Market street ne porte plus très bien son nom. Les bâtisses cossues sont devenues de bicoques décaties, squattées par les trafics.

 

 

En pleine rue, des affiches, vantent des traitements à la méthadone. Sur les devantures des maisons parfois en ruine, Halloween a terrassé les présidentielles. Pour trouver des panneaux politiques, dont les Américains raffolent pour afficher leur préférence, il faut grimper au quartier qui surplombe la ville. Celle-ci tient sont nom d'un officier prussien, Steuben, partisan de l'indépendance américaine, mais en Amérique, la renommée de la ville est liée à un fait divers sordide plus récent (En août 2012, un viol collectif commis par des élèves, membres de l'équipe de football américain, avait été relayé sur les réseaux sociaux. Toute l'Amérique s'est emparée de l'affaire).

 

 

 

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"Hystérique"

 

 

Chez Ruby, la couleur affichée dans son carré vert est le bleu des démocrates. Cette sexagénaire afro-américaine n'entrouvre la porte que de quelques centimètres. "J'ai toujours peur d'une agression", avance-t-elle après avoir menacé d'appeler la police. Les élections la rendent "hystérique". Dans le collimateur ? Donald Trump. "Ce serait une personne horrible pour diriger notre pays, il ne peut pas défendre les blancs contre les noirs, les riches contre le pauvre, nous sommes aussi des êtres humains".

 

 

Elle dit ne plus reconnaître son Amérique, avec "cette démagogie, cette bassesse du débat". S'effraie du sort de la communauté noire qui "défend ses droits depuis deux cents ans". Son fils, derrière elle, diplômé du lycée mais sans travail, appuie : "Nous ne sommes pas une race du pays, nous sommes d'abord des américains".

 

 

 

"Si je porte un tee-shirt Trump, je risque des ennuis"

 

 

À quelques centaines de mètres de là, l'hôpital affiche complet tous les jours. Les pharmacies locales voient les clients défiler. Les missions d'entraide aux plus démunis, souvent accolées aux églises (franciscaines, pentecôtistes, méthodistes, évangélistes...), ont fleuri à chaque carrefour.

 

 

Ce panorama, ce n'est pas vraiment le quotidien d'Aidan Sammut, 15 ans, et de sa famille, installée dans une villa cossue où Jesus trône sur la porte, où les panneaux pro-Life sont plantés dans le jardin. Sa mère doit s'absenter, alors il se mue sans complexe en porte-parole de cette famille venue de Malte il y a quatorze ans. "Nous sommes des immigrés légaux et désormais citoyens américains", lâche-t-il fièrement. Il milite (déjà) pour Donald Trump, avant tout parce que "le programme républicain correspond à nos valeurs sur la famille, l'éducation".

 

 

Mais ce soutien ne se vit pas facilement tous les jours dans une ville historiquement démocrate au sein d'un État plutôt républicain. "La tension est vive, déplore-t-il. Si je porte un tee-shirt Trump, je risque des ennuis. Mon père, lui, enseignant, est rejeté par certains collègues".

 

 

 

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"Avant je votais démocrate mais c'est fini"

 

Les couleurs rougeoyantes de l'automne de sont pas assombries par les fumées des usines géantes qui bordent le fleuve Ohio. Mais une drôle d'odeur se dégage. Et pour les élections (présidentielles et locales), il y a de l'électricité dans l'air. Bob, casquette sur le crâne, adossé à son 4x4, s'affiche sans modération. "Moi, c'est Trump, et il sera élu ! Je serais même content si Mickey Mousse battait Hillary Clinton. Avant, je votais démocrate, mais, c'est fini, regardez cette ville, ce sont eux qui ont fait ça". Aujourd'hui retraité, il a vécu "toute (sa) vie" à Steubenville, et l'a vue "se dégrader à petit feu". Pour lui, Trump est un "travailleur", auquel les Américains doivent absolument s'identifier : "Il représente la liberté d'entreprendre, pas l'assistance dévoyée...".

 

 

Le retour du "rêve américain", le symbole fort du self-made-man ? Dean Martin, l'immigré italien - de son vrai nom Dino Paul Crocetti - en était lui aussi l'incarnation. Envoyé spécial en Ohio, Xavier Frère

 

 

 

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05/11/2016
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