www.l-air-du-temps-de-chantal.com

L'AIR DU TEMPS

le Progrès du samedi 22 novembre 2015

 

 

 

 

ISLAMISME - Bamako à son tour visée par les terroristes islamistes. Au moins 27 morts dans une prise d'otages dans la capitale du Mali. Le bilan aurait pu être encore plus dramatique : l'hôtel Radisson de Bamako abritait 170 personnes au moment de l'attaque. On dénombre au moins 27 tués. Aucun Français ne figure parmi les victimes.

 

 

 

14 nationalités étaient représentées au sein de l'hôtel Radisson de Bamako, de quoi démultiplier l'impact de l'attaque : 7 Algériens, 4 Allemands, 4 Belges, 1 Canadien, 7 Chinois, 2 Ivoiriens, 2 Espagnols, 6 Américains, 15 Français, 20 Indiens, 2 Marocains, 1 Russe, 1 Sénégalais, 7 Turcs...

 

 

 

"Les attentats de Paris ont sidéré la majeure partie de la population. Mais j'ai vu aussi quelques personnes qui applaudissaient, qui disaient que c'était bien fait pour la France, pour son arrogance. L'intervention étrangère, qui est aussi celle de l'ONU, est utilisée à des fins idéologiques par certains imams malintentionnés". Ramat Diaouré directrice de la rédaction du bi-hedomadaire malien "22 septembre"

 

 

 

f1934d61ea4077cfca9873e685fc62a28819425f-443319.jpg

 

 

 

"La prise d'otages est terminée. Nous sommes actuellement en train de sécuriser l'hôtel" : il était 17 h 30 hier soir quand est enfin arrivée la bonne nouvelle, après neuf heures d'enfer à l'hôtel Radisson Blu de Bamako. Le bilan est lourd, avec sans doute plus de vingt victimes, dont "deux terroristes". Il aurait pu être encore plus dramatique, puisqu'au moment de l'attaque, cet hôtel de luxe au centre de la capitale malienne abritait 30 employés et 140 clients. Parmi ces derniers, pas moins de quatorze nationalités, et des équipages d'Air France et de Turkish Airlines. Selon le dernier bilan donné hier soir, aucun Français ne figurait parmi les victimes.

 

 

 

 

Al-Mourabitoune revendique

 

Immédiatement après la fin de l'assaut, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a salué sur son compte Twitter "le professionnalisme des forces de défense et de sécurité du Mali" et remercié "les pays amis pour leur assistance".

 

 

 

Les autorités n'ont rien confié sur les auteurs de l'opération terroriste. Elle a été revendiqué par les djihadistes d'Al Mourabitoune, un groupe lié à Al-Qaïda Ce groupe est le fruit de la fusion, en 2013, du "Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'ouest" (Mujao), très présent dans le nord du Mali et des "Signataires par le sang" de Mokhtar Relmokhtar, auteur de nombreuses attaques contre les Français, de la prise d'otages du complexe d'In Ameras (Algérie) aux attentats-suicide d'Arlit (Niger).

 

 

 

 

4814486_3_956b_les-hommes-qui-ont-attaque-l-hotel-radisson_04a22c033457d4792149d6df59d6eca6.jpg

 

 

 

Zones hors contrôle

 

Près de trois ans après l'intervention militaire française, alors couronnée de succès, des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Les attaques djihadistes se sont étendues depuis le début de l'année vers le centre, puis le sud du pays. Dans un enregistrement remontant à octobre, le chef d'Ansar Dine, groupe allié d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dénonçait l'accord de paix signé en mai-juin entre le camp gouvernemental et la rébellion et appelait à frapper la France "croisée".

 

 

 

 

4814110_3_dd55_des-soldats-maliens-ont-pris-position-autour-de_14cc11a904bccf22a302c81d6dce4622.jpg

 

 

 

 

 

 

 

Trois ans de guerre au Sahel

 

Simple coïncidence ? L'attaque de l'hôtel Radisson a été lancée le jour d'une réunion à N'Dnjamena du "G5 Sahel", qui regroupe les cinq pays accueillant des bases militaires françaises (Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger et Mauritanie), créées pour mener la guerre contre le terrorisme au Sahel... Cette guerre a véritablement commencé il y a trois ans, le 11 janvier 2013, lorsque la France a lancé l'opération Serval.

 

 

 

Objectif : stopper l'avancée vers Bamako des islamistes venus du nord du Mali, qu'ils contrôlaient depuis des mois. Objectif atteint et au-delà fin janvier, quand les islamistes doivent abandonner Gao, Tombouctou, Kidal. Le 2 février, Hollande est ovationné par la foule de Bamako : "La journée la plus importante de ma vie politique", dit-il. Mais la guerre n'est pas finie. Les attaques terroristes continuent, jusqu'au centre de Bamako en mars dernier, contre le bar "La Terrasse" fréquenté par les expatriés. La force "Barkhane", qui a remplacé Serval, menait justement cette semaine une grande offensive dans le nord du Mali, dans le but d'empêcher les forces islamistes de se reformer.

 

 

 

 

 QUESTIONS à Bernard de COURREGES D'USTOU

 

 

Général, directeur de l'Institut des hautes études de défense nationale

 

 

 

 

"Nos dirigeants n'ont pas pris suffisamment tôt toute la mesure de la menace"

 

 

 

 

 

Le déclenchement de cette guerre, n'est-ce pas l'échec d'une politique ?

 

C'est forcément un échec de la politique de nos dirigeants dans le monde. On n'est pas face à un ennemi qui s'en prend uniquement à la France. Aujourd'hui, c'est un ennemi qui s'en prend aussi aux Etats-Unis, à la Russie et aussi à la Chine. Nos dirigeants ont une responsabilité collective, car ils n'ont pas pris suffisamment tôt toute la mesure de la menace du djihadiste radical. Il y a eu une prise de conscience insuffisante face à un ennemi qui a développé ses moyens au cours de ces dernières années. Et aujourd'hui, cet ennemi est capable d'utiliser tous les leviers, armés et médiatiques, pour atteindre ses objectifs de déstabilisation.

 

 

 

 

Le président de la République a évoqué la mise en place d'une Garde nationale. L'IHEDN l'avait déjà suggéré en 2009. Qu'en pensez-vous ?

 

 

C'est une piste sur laquelle il faut bien réfléchir Je crois qu'il faut accorder un rôle plus important aux réserves militaires. Mais il faut que les réservistes soient formés et mis à niveau car aujourd'hui, nous avons affaire à des terroristes très bien armés et très bien entraînés. Il serait criminel d'envoyer des réservistes mal formé à l'abattoir. Je crois qu'ils peuvent participer à la protection des Français en appuyant certaines opérations de l'armée professionnelle.

 

 

 

 

Etes-vous favorable au rétablissement du service national ?

 

Non. Aujourd'hui, il faudrait intégrer les garçons et les filles, soit 700 000 à 800 000 jeunes à encadrer chaque année. Quelles missions leur donner ? Il ne faut pas refaire ce qui se faisait avant. La France a surtout besoin d'une armée professionnelle qui est aujourd'hui d'un très bon niveau.

 

 

 

 

Pourtant vous prônez l'esprit de défense notamment chez les jeunes ?

 

Oui, je crois qu'il est plus nécessaire que jamais de bien faire comprendre à nos concitoyens ce qui nous rassemble, c'est-à-dire notre territoire et les Français eux-mêmes. Il y a aussi les valeurs de la République à défendre mais aussi notre patrimoine scientifique et technologique face à l'espionnage. Il faut être vigilant dans tous les domaines. Cette mission visant à mieux promouvoir cet esprit de défense passe par notre association qui travaille beaucoup avec des jeunes et notamment provenant de territoires fragiles. Mais nous travaillons aussi en lien avec l'Education nationale au sein des écoles, des collèges et lycées avec les acteurs de la sécurité. Recueillis par Vincent Rocken

 

 

 

 

dawa.jpg

 

 

 

 

 

QUESTIONS à Julien SUAUDEAU

 

 

Ecrivain, auteur de "Dawa" (éd. Robert-Laffont, 2014)

 

 

 

 

"Si les terroristes lisaient des livres, ils ne seraient pas terroristes"

 

 

 

 

 

Des commandos djihadistes, six attaques simultanées à Paris, un 13 novembre, c'est ce que vous décrivez dans Dawa...

 

 

Je le vis très mal, comme tout le monde. De surcroît parce que je ne suis pas à Paris mais aux Etats-Unis. C'est très douloureux, j'ai l'impression d'être dans une espèce de réserve de la République, en dehors de l'Histoire au moment où elle se fait, et de ne pas être au côté des victimes.

 

 

 

 

 

Quelles étaient les racines de ce polar socio-politique ?

 

Dans l'écriture, la distance que j'ai mise avec la France m'a aidée La France me manquait, et depuis ce poste d'observation privilégié, un certain nombre de choses m'ont sauté aux yeux : les émeutes (2005), l'identité nationale. Tous ces débats qui sont montés dans les quinze dernières années, je les ai mis en rapport dans "Dawa", je voulais leur donner du sens et éclairer cette chose très hétérogène et hybride qu'on appelle la France Tout est connecté. L'idée était de raconter la France, avec Paris comme métaphore de la France, avec ce qui se trame des deux côtés du périphérique, chez les riches, les pauvres, dans les administrations, au coeur de l'Etat, et dans ces territoires qui sont désertés par l'Etat. On ne peut pas avoir une compréhension globale avec un seul aspect des choses...

 

 

 

 

C'est la description d'une société qui va mal jusqu'au chaos, un certain 13 novembre...

 

Oui On n'écrit pas pour écrire l'avenir, sauf si on écrit des romans d'anticipation ou science-fiction. Ce n'est pas mon truc. Chaque année, quand je revenais en France, la situation s'était encore dégradée et je sentais plus de tensions. Des gens de plus en plus arc-boutés sur leur identité, qu'elle soit politique, religieuse, culturelle, est cette espèce de grand désordre communautaire et identitaire, c'est la matrice des problèmes qui remontent à la surface de manière ultra-violente et tragique.

 

 

 

 

 

Votre livre aurait-il pu constituer une source d'inspiration pour les terroristes?

 

Je pense que les terroristes ne lisent pas de livres, et s'ils lisaient des livres, ils ne seraient pas terroristes. Il n'y a pas de stéréotype de djihadistes, comme on se l'est longtemps raconté parce que c'était plus commode de penser qu'ils venaient de l'étranger, motivés par une vision radicale de l'islam qui n'avait rien à voir avec les conditions de vie, soci-économiques et politiques. On se rend compte maintenant que ce sont surtout des petits Français comme vous et moi. La religiosité est toujours mise en avant par Daech, mais l'attrait, la séduction vénéneuse de Daech sur les jeunes qui se laissent tenter n'est pas de nature religieuse, c'est la séduction de la juste cause, de l'idéal et qui sonne du sens à une vie de m....

 

 

 

 

Etes-vous optimiste sur l'avenir de la France ?

 

L'optimisme viendra de chaque individu, on remarque déjà une certaine forme de résilience dans les réactions à Paris. Le gouvernement fait ce qu'il peut, mais je crois malheureusement qu'on en est qu'au début, et qu'il va falloir apprendre à vivre avec ça... Recueilli par Xavier Frère

 



21/11/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 59 autres membres