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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du samedi 16 janvier 2016

 

 

SYRIE - Témoignage. "Chez Daech, les femmes ne sont que des ventres". C'est l'une des rares Françaises à être revenue, avec son fils de quatre ans, de l'enfer de Daech. Sophie Kasiki témoigne (à lire son livre "Dans la nuit de Daech, confession d'une repentie" - éd. Robert Laffont) pour empêcher, dit-elle, que d'autres ne succombent aux "mensonges".

 

 

 

Elle est une "repentie" pour les autorités françaises, un traître pour les djihadistes, Sophie Kasiki - prénom d'emprunt - a vécu de février à avril 2015 à Raqqa, capitale de l'Etat islamique en Syrie. Cette trentenaire, éducatrice spécialisée en région parisienne d'origine congolaise, avait été "embrigadée" par trois jeunes. Grâce au soutien de sa famille et à l'appui de l'armée libre syrienne, elle a réussi à s'enfuir pour l'amour de son fils de quatre ans.

 

 

 

 

Comment avez-vous été amenée à partir en Syrie ?

 

J'ai encore du mal à accepter ce que j'ai fait, et comprendre comment j'ai pu céder à leurs sirènes. Jusqu'au dernier moment, j'avais hésité à partir pour ce voyage et cette mission que j'imaginais d'abord humanitaire. A aucun moment, je ne pensais aller vers la mort.

 

 

 

Vers quoi pensiez-vous aller ?

 

Vers un idéal, vivre quelque chose d'intense quand ma vie ici ne me satisfaisait plus, qui m'aurait donné un sens à ma vie... De montrer aussi à mon fils que la vie n'est pas aussi rose que le cocon qu'on a ici.

 

 

 

 

La religion était le moteur ?

 

Je crois que dès le début de ma conversion, j'avais une idée très enjolivée de l'islam. Je pratiquais quand j'en avais envie. Je lisais quelques versets, et comme ni mon mari ni mon fils n'étaient musulmans, j'achetais même du porc. Cette recherche était tellement personnelle et intime que ce n'était pas pour la religion que j'allais là-bas.. Et je ne pratique plus du tout aujourd'hui. Mais eux n'ont pas la même interprétation des textes religieux. S'ils essaient au départ de l'appliquer correctement, ensuite, c'est dévoyé.

 

 

 

 

Quand avez-vous réalisé que votre vie n'était plus là-bas ?

 

Quand je me suis rendu compte que notre vie n'avait pas d'importance pour eux, et qu'ils étaient prêts à tuer. J'avais des ennemis en face de moi, j'essayais d'appeler ces jeunes - qui ont tous des noms de combattants - par leurs vrais prénoms pour les faire réagir, mais ça n'a jamais marché. Aucun combattant ne pouvait m'aider, il fallait que je fuie les étrangers, surtout les Occidentaux. Ils font la loi à Raqqa...

 

 

 

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Votre fuite, à moto, pourrait en inspirer d'autres...

 

Il a fallu donner des preuves de notre fuite, montrer aux gens de l'armée syrienne libre et à mes beaux-parents que nous étions vivants. Ils ont payé une grosse somme pour nous libérer... Après notre fuite, tous les cybercafés de Raqqa ont été inspectés, et certaines femmes ont été placées sur les check points pour surveiller les femmes. Je reste en contact avec ceux qui m'ont sauvée, avec des Kurdes. Dès que je suis rentrée en France, mon premier réflexe était de vouloir repartir combattre Daech auprès de ces courageuses combattantes kurdes...

 

 

 

 

Quelle est la place de la femme au sein de Daech ?

 

Elles servent de ventres pour la reproduction, sinon elles restent enfermées. Elles doivent éviter tout contact avec les Syriens, jugés dangereux ! J'ai rencontré plusieurs femmes francophones là-bas, mais je n'avais pas confiance. Elles règnent en maîtresses. Daech mise beaucoup sur la délation. N'importe qui peut être exécuté, c'est monnaie courante...

 

 

 

 

Pourquoi de plus en plus de femmes rejoignent Daech ?

 

Je ne comprends pas. Depuis mon retour, j'ai eu des appels de familles de jeunes filles qui sont là-bas, qui souhaitent revenir, mais ne peuvent pas. Elles sont emprisonnées parce qu'elles ne veulent pas se marier, se rendent compte que rien ne correspond à leurs aspirations dans ce pseudo-Etat islamique.

 

 

 

 

Pensez-vous que Daech peut être vaincu ?

 

Je suis assez pessimiste. Daech s'étend en Irak, en Afrique, et même chez nous ici. Ce qui me fait peur, ce n'est pas la menace directe du groupe, mais celle portée par ceux qui empruntent leurs idées, qui adhèrent à leurs messages, à leurs idéaux, et ils sont nombreux. Propos recueillis par Xavier Frère

 

 

 

 

220 Françaises figurent parmi les 550 femmes occidentales qui combattent au sein de Daech. Il s'agit du plus gros "contingent" au sein de l'organisation djihadiste, et le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur depuis deux ans. Un tiers d'entre elles sont des converties, souvent des adolescentes. Elles sont à la fois destinées à être "des génitrices pour perpétuer l'avenir du Califat", et en suivant les règles imposées par la charia, selon le rapport du think tank Strategic Dialogue, mais aussi à "faire de la propagande".

 



16/01/2016
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