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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du samedi 12 novembre 2016

 

 

 

TERRORISME - SÉCURITÉ, ÉTAT D'URGENCE, DÉBATS SUR L'ISLAM, INQUIÉTUDES ÉCONOMIQUES

 

 

Pourquoi les attentats ont changé la France

 

 

Après avoir répliqué par l'unité aux attaques contre Charlie Hebdo, la société française a été ébranlée par le choc du 13 novembre. Un an après, le pays reste profondément bouleversé par cette nuit sanglante.

 

 

Le 13 novembre 2015, la France bascule dans l'horreur. 130 morts, aux terrasses des cafés du coeur de Paris, dans la salle de concert du Bataclan et au Stade de France. Les cicatrices des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hper Cacher de janvier se refermaient à peine. Le choc n'en est que plus violent.

 

 

 

Sécurité

 

Militaires en patrouille dans les rues, exercices anti-intrusion terroriste dans les écoles, contrôles renforcés à l'entrée des lieux public... Depuis le 13 novembre, les Français ont appris à vivre avec la menace. L'opération Sentinelle mobilise toujours 10 000 hommes sur l'ensemble du territoire pour surveiller les endroits à risque. Ils recevront l'aide des réservistes, nombreux à s'être portés candidats à rejoindre la garde nationale après les attentas. Les formations aux premiers secours ont, elles aussi, fait le plein.

 

 

 

État d'urgence

 

Le pays vit toujours sous l'état d'urgence, promulgué pour la première fois depuis la guerre d'Algérie. Ce régime d'exception permet à l'autorité administrative (préfet, police) de prendre des mesures restreignant les libertés individuelles sans passer par l'autorité judiciaire. Selon le ministère de l'Intérieur, 4 000 perquisitions ont été réalisées dans ce cadre et 89 personnes sont encore assignée à résidence.

 

 

 

Débat politique

 

Après les attaques, le président Hollande a annoncé une extension de la déchéance de nationalité avant d'être contraint d'y renoncer après s'être aliéné une partie de sa majorité. Ce débat, qui a déchiré la gauche, marque le durcissement politique sur les questions de terrorisme, sécurité, et par extension islam et immigration. Le débat sur la lutte antiterroriste s'est encore envenimé entre la droite et la gauche après le carnage de Nice du 14 juillet 2016.

 

 

 

Islam

 

Un autre sujet s'est imposé dans le débat public : la place de l'islam dans la société. Les crispations sont plus exacerbées que jamais, comme la controverse autour du burkini l'a montré cet été.

 

 

 

Économie

 

Les attentats ont porté un coup à l'économie, surtout dans deux secteurs : le tourisme et la culture. Les salles de spectacles et restaurants n'ont pas renoué avec la fréquentation d'avant les attentats, pas plus que les hôtels et boutiques de luxe, souvent boudés par les touristes étrangers, avec une baisse de 23 % des arrivées de Chine et de 40 % en provenance du Japon depuis début 2016. Paris et l'Ile-de-France ont perdu pas loin de deux millions de touristes en un an. Pour l'ensemble de l'Hexagone, les arrivées internationales entre le 1er janvier et le 31 octobre ont chuté de 8,1 %.

 

 

 

 
 
Antoine Garapon - magistrat 
Auteur de Démocraties sous stress, les défis du terrorisme globlal (PUF)
 
 
"Un risque de renoncer à nos libertés"
 
 
En quoi les attentats du 13 novembre ont bousculé notre démocratie ?
 
Ces attentats sont différents de ceux que nous avions vécus auparavant - autonomistes corses ou basques, ou commis par le FLN algérien. Ces derniers avaient en commun la revendication de la souveraineté sur une terre. Aujourd'hui, les attentats sont un mélange d'affiliation à une structure étrangère hostile à la France, Daech, et de malaise personnel. Cette hybridité est terriblement angoissante. Nous sommes en contact avec une violence extrême que nous ne comprenons pas et contre laquelle nous ne savons pas nous organiser.
 
 
 
Ce qui met notre démocratie en tension ?
 
Nous vivons dans un état qui n'est ni la guerre, ni vraiment la paix. Un état stressant. Le djihadisme joue avec nos peurs. Et la recherche de la sécurité présente un risque majeur, celui de renoncer, de nous-mêmes, à nos libertés. Prenons deux exemples : les fiches S, et les retours de Syrie. Vouloir enfermer tous les fichés S n'a aucun sens : cela priverait la police d'éléments pour mieux comprendre ce qui est en train de se passer sur le terrain. Et cela soulève une question : comment condamner des gens avant qu'ils n'aient commis quoi que ce soit ? Par ailleurs, ce la signifierait que l'officier de police classant un individu dans une fiche S le condamnerait immédiatement, en court-circuitant le processus classique du jugement. C'est arbitraire et contraire à l'État de droit. Même contradiction avec les Français qui reviennent de Syrie. Que faire de ces personnes ? Concrètement, elles n'ont peut-être rien commis de répréhensible. Mais elles ont rejoint une organisation qui nous est hostile et qui commet des attentats sur notre sol. Nous sommes pris dans une contradiction entre la nécessité d'éviter un nouvel attentat et nos principes. Si nous voulons respecter nos principes, il est difficile de les condamner sans motif juridique valable... Par ailleurs, en les condamnant, nous ajoutons à leur ressentiment.
 
 
 
De quelle manière ?
 
Un détenu, que je vois dans un groupe de paroles avec des jeunes radicalisés en prison, m'a dit un jour : "on est partis en Syrie parce qu'on était des sous-citoyens, on est rentrés et on a découvert qu'on était des sous-prisonniers". Les enfermer nous protège à court terme, mais est potentiellement explosif à long terme, avec des gens qui auront ressassé leur haine pendant des années en prison.
 
 
 
Comment rendre la justice dans le cadre des attentats ?
 
Ces attentats sont injugeables, car il n'y a pas de manière à juger : les personnes qui les commettent se suppriment en même temps qu'elles tuent, à l'exception de Salah Abdeslam. L'autre problème est que pour pouvoir juger, il faut un terrain commun. Là, le nihilisme rend tout dialogue impossible. Nous n'avons aucune prise, beaucoup de mal à comprendre cette forme de violence et pas de terrain pour y mettre fin. Recueilli par Élodie Bécu
 
 
 
 


13/11/2016
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