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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du samedi 10 décembre 2016

 

 

 

L'ONU A APPELÉ HIER SOIR À LA FIN DU CARNAGE SUR ALEP

 

 

Basem, rebelle à Alep : "Je me cramponne à ma terre"

 

 

Alors que les Occidentaux se réunissent aujourd'hui à Genève et Paris sur la Syrie, à Alep-est, la population souffre, les derniers "rebelles" s'organisent. Nous avons joint Basem, 23 ans, dans le secteur assiégé.

 

 

Il affiche un large sourire sur presque toutes les photos de son mur Facebook, des selfies souvent. Parfois, il fait le V de la victoire, porte un enfant, caresse un chat.

 

 

À 23 ans, Basem Ayoubi pourrait ressembler à n'importe quel jeune homme, occidental ou pas, féru d'images et de réseaux sociaux. À une différence près, majeure : il montre, de l'intérieur, la vie à Alep-est, la survie au coeur d'un quartier assiégé, d'une ville bombardée, en ruines. Et "oubliée", dit-il, "avec des nations occidentales aveugles sur ce qu'il se passe vraiment ici".

 

 

Basem est né à Alep, deuxième ville de Syrie, y a grandi avec sa famille. Elle, raconte-t-il, "a choisi l'exode". Inenvisageable pour le jeune adulte. Dès les premiers jour de la "Révolution", il décide de rester, et résister. "Je ne voulais pas partir parce que je suis  le fils de cette terre, je me cramponne à elle, je ne voulais pas l'abandonner".

 

 

 

"Rebelle" d'une armée fragmentée

 

Sur son profil Facebook, Basem n'a jamais d'armes en main. Plutôt un appareil photo, avec lequel il prend des combattants, une caméra, ou... une fleur. Il se veut "témoin", tout en revendiquant sa filiation à la Révolution. "Je suis un rebelle" soutient-il, et "l'Armée syrienne libre représente un espoir". Cette "ASL" (FSA en anglais), soutenue au début du conflit par les Occidentaux et les puissances du golfe, a vu sa réputation ternie, pour de possibles rapprochements avec des mouvements djihadistes.

 

 

En quelques années, cette "armée" s'est fragmentée. "Elle s'est transformée en une multitude de brigades régionales ou locales, souvent commandées par des chefs autoproclamés réticents à toute ingérence intérieure", estimait en mars dernier l'universitaire d'origine syrienne Ziad Majed.

 

 

Depuis plus de cent jours maintenant, Alep-est vit dans la tenaille du régime syrien. 85 % des quartiers rebelles ont été repris par l'armée de Barchar al-Assad. Plusieurs centaines de morts, dont de nombreux enfants, ont encore été recensées cette semaine.

 

 

"La situation médicale est très mauvaise", décrit Basem, "le régime et les Russes ont bombardé tous les hôpitaux (NDLR : le cinquième et dernier a été détruit le 28 novembre) : nous avons beaucoup de morts dus au manque de soins". Les ambulances se font rares, en raison de "la pénurie d'essence". "Nous portons les blessés sur le dos, ou dans des chariots de légumes".

 

 

 

Marié au début du siège

 

Au quotidien, évidemment, les besoins "en tout" se ressentent. "L'alimentation est très limitée, et il n'y a plus aucun fruit ni légume". Cette vie sous l'état de siège, dans le plus grand dénuement, Basem la dévoile sans filtre. Sur Facebook, chaque jour, il se fend, grâce "aux antennes turques et systèmes internet mobile", d'une vidéo "live". C'est devenu "un besoin vital" pour lui de partager avec une partie de la communauté alépine exilée, notamment en Europe. Hier, il racontait les péripéties pour s'acheter et boire un bol de café. Mais admet-il le soir, "la situation s'aggrave et devient terrifiante".

 

 

"Ni larmes, ni tristesse pourtant dans ses messages. Il nous raconte qu'au début du siège d'Alep-est, il s'est même marié. Comme pour ouvrir le chapitre d'une nouvelle vie, malgré le conflit, et l'issue de ces prochains jours, alors que Bachar al-Assad considère déjà "la victoire" à Alep comme "une étape énorme" vers la fin de la guerre. "Je n'ai pas peur que le "système" s'empare d'Alep-est, je défendrai ma terre jusqu'à la mort", conclut Basem, "et s'ils nous chassent, nous reviendrons un jour et gagnerons". Xavier Frère

 

 

 

 

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QUI COMBAT QUI EN SYRIE ?

 

 

Déclenché le 15 mars 2011, le conflit en Syrie n'a cessé de se complexifier et de s'internationaliser. Quelles sont les forces en présence ?

 

 

■ Régime contre rebelles

 

C'est le principal front. L'armée (300 000 hommes) et ses alliés (Iran, Hezbollah chiite libanais...) combattent une myriade de groupes rebelles (issus de l'Armée syrienne libre) alliés à des djihadistes syriens et étrangers. La plus importante alliance anti-régime est l'Armée de la conquête, qui rassemble des islamistes et des djihadistes notamment le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra, qui a renoncé à son rattachement à Al-Qaïda).

 

 

 

■ Régime contre EI

 

Le régime a chassé fin mars l'EI de la cité antique de Palmyre (centre), mais n'a pu le déloger de Tabqa, dans la province de Raqa (nord).

 

 

 

■ Régime contre Kurdes

 

L'aviation syrienne a frappé les Kurdes pour la première fois à la mi-août. Elle a visé Hassaké (nord-est) mais les forces kurdes se sont emparées de 90 % de la cité.

 

 

 

■ Kurdes contre EI

 

Depuis janvier 2015, les Kurdes ont chassé le groupe EI des villes clés de Kobané et Minbej dans la province d'Alep, de Tall Abyad dans la province de Raqa et de localités de la province de Hassaké. Les Kurdes ont établi dès 2012 une semi-autonomie dans le nord et le nord-est, où ils ont leur propre police (Assayech).

 

 

 

■ EI contre rebelles

 

Les rebelles ont été les premières à combattre l'EI avant d'être défaits par les ultra-radicaux. Ces derniers menacent toujours leur fief de Marea, dans la province d'Alep.

 

 

 

 

 

 

EN CHIFFRES

 

 

- Entre 250 000 et 300 000 : le nombre de personnes assiégées à Alep-est il y a quelques mois, sur une ville qui en comptait au total 2,3 millions en 2005.

 

 

- Près de 300 000 : le nombre de morts en Syrie depuis mars 2011.

 

 

- 4,8 millions de réfugiés syriens, selon le Haut Commissariat aux réfugiés (juin 2016), répartis prioritairement dans trois pays voisins : la Turquie (2,5 millions de réfugiés syriens), le Liban (1,06 million) et la Jordanie (628 000).

 

 

- 200 milliards de dollars : le coût estimé pour la reconstruction de la Syrie. Le régime de Bachar al-Assad contrôle aujourd'hui près de 35 % du territoire syrien (et 60 % de la population), l'EI près de 35 %, les Kurdes 18 %, les groupes rebelles et djihadistes 12 %.

 

 

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10/12/2016
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