le Progrès du mercredi 6 juillet 2016
TERRORISME - UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE PROPOSE DE REVOIR L'ORGANISA- TION DES SERVICES
Attentats de Paris : des failles dans le renseignement
La création d'une agence nationale antiterroriste sur le modèle américain est urgente. La commission d'enquête parlementaire sur la lutte antiterroriste pointe des dysfonctionnements dans le renseignement avant les attentats de 2015 et confirme que le déploiement militaire dans le pays n'est pas efficace.
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es attentats de 2015 auraient-ils pu être évités ? La commission d'enquête parlementaire sur la lutte antiterroriste ne répond pas directement à cette question, mais elle pointe une série de dysfonctionnements, surtout avant les attaques. "Nos services de renseignement ont failli", observe Georges Fenech, député LR du Rhône et président de la commission qui a rendu son rapport hier. "Les trois terroristes du Bataclan, comme ceux de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher étaient tous connus et fichés. Certains avaient été condamnés. Les responsables des services eux-mêmes ont reconnu que ces attentats sont un échec du renseignement. Il faut revoir l'organisation actuelle".
La commission propose donc de créer une agence nationale antiterroriste sur le modèle de celle mise en place aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. "Il n'y a pas de patron de l'antiterrorisme en France", déplore Sébastien Pietrasanta (PS, Hauts-de-Seine), le rapporteur de la commission.
Une "guerre des polices"
Une fois de plus, la commission constate un manque de coordination entre les services, quand il ne s'agit pas carrément d'une "guerre des polices". Ainsi en marge du rapport, les députés s'interrogent sur l'opportunité de maintenir trois unités d'élite "qui font la même chose" :
- le GIGN (gendarmerie)
- le Raid (police)
- et la BRI (police judiciaire)
L'exemple d'Amedy Coulibaly, le terroriste de l'Hyper Cacher est cité : "On sait qu'il est radicalisé mais il sort de prison sans être suivi par un service de renseignement car aucune information n'a été transmise par l'administration pénitentiaire", observe Sébastien Pietrasanta.
Comment Abseslam a pu échapper aux gendarmes
Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta racontent aussi comment Salah Abdeslam a pu repartir libre après un contrôle de gendarmerie à Cambrai (Nord) le lendemain des attentats du 13 novembre à cause d'un fichier mal renseigné par les autorités belges. "Les gendarmes qui avaient eu du flair n'ont su qu'une heure après qu'il était surveillé pour radicalisation violente. Quand l'ordre d'interpellation est arrivé, il était trop tard" décrivent les députés.
De la même manière, Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats du 13 novembre, a pu échapper à un coup de filet de la police grecque en janvier 2015 à Athènes car la Belgique n'a prévenu la Grèce qu'une demi-heure avant de lancer l'assaut contre une cellule terroriste à Verviers qui était en contact avec lui.
"Pas de défaillance de la protection au Bataclan"
En revanche, les deux députés estiment qu'il n'y a pas eu de défaillance dans la protection du Bataclan. La salle avait bien été citée comme une cible possible après l'attentat du Caire de février 2009 qui a coûté la vie à une Française mais son nom n'apparaissait plus en 2015 dans les auditions de djihadistes repentis.
La commission parlementaire est sévère avec l'opération Sentinelle qui mobilise 10 000 militaires. "À quoi sert-elle si elle ne peut pas intervenir ?" s'interroge Geroges Fenech.
Des Famas inutiles
Le soir de la tuerie du Bataclan, huit soldats de Sentinelle arrivés devant la salle n'ont pas reçu l'ordre d'intervenir. Quand les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) leur ont demandé leurs fusils Famas, ils ont refusé, n'ayant pas le droit de se séparer de leurs armes.
Depuis, les règles semblent avoir changé. les militaires de Sentinelle peuvent désormais faire feu en cas de tuerie de masse ou de périple meurtrier. La commission d'enquête recommande toutefois une diminution progressive de leurs effectifs pour revenir aux 700 militaires qui surveillaient certains points stratégiques dans la cadre de Vigipirate. Luc Chaillot
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
- créer une agence nationale de lutte antiterroriste rattachée directement au Premier ministre
- fusionner le service central du renseignement territorial (SCRT) dépendant de la police et de la Sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) dépendant de la gendarmerie pour créer une nouvelle direction générale du renseignement territorial rattachée directement au ministre de l'Intérieur
- constituer au plus vite sur l'ensemble du territoire national des colonnes d'extraction des victimes en zone d'exclusion composées de secouristes intervenant sous la protection des forces d'intervention
Les mesures pour la justice
- Exclure les personnes condamnées pour des actes de terroristes du bénéfice de la réduction de la réduction de peine automatique
- Engager une réflexion avec les collectivités territoriales sur la sécurisation des accès des équipements scolaires et de petite enfance
- Lancer un troisième plan de lutte antiterroriste pour le recrutement de 2000 policiers et gendarmes afin de tenir la posture du plan Vigipirate dans la durée
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