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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du mercredi 15 juin 2016

 

 

TERRORISME - L'AGRESSEUR A ÉTÉ ABATTU PAR LES POLICIERS DU RAID LUNDI SOIR À MAGNANVILLE (YVELINES)

 

 

Deux fonctionnaires de police tués au nom de Daech

 

 

Le pays est de nouveau sous le choc d'un double assassinat "aux motivations terroristes incontestables" Le tueur d'un policier et de sa compagne à Magnanville, un Français de 25 ans, originaire de la région parisienne, avait prêté allégeance à l'État islamique avant de commettre le crime.

 

 

 

À

Magnaville, personne n'osait imaginer que le terrorisme frapperait un jour. Depuis hier,  cette petite ville de 6 000 habitants est en état de sidération. Comme tous les Français. D'autant que beaucoup de questions demeurent sans réponse après le drame qui s'est noué dans cette maison des Yvelines, peu après 20 heures lundi. Larossi Abballa, l'homme qui a tué deux fonctionnaires de police à leur domicile a-t-il bénéficié de complicités? Cet individu surveillé, écouté par le renseignement est-il réellement un "loup solitaire" ?

 

 

Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, un commandant adjoint du chef de la Brigade de sûreté urbaine des Mureaux a reçu neuf coups de couteau de la part de son agresseur qui l'attendait derrière le portail. Il n'a pas survécu.

 

 

Dans la foulée, le tueur égorge la compagne de l'officier, Jessica Schneider, 36 ans, qu'il retenait en otage, avant de se mettre en scène, en direct et pendant 13 minutes, sur Facebook pour revendiquer son acte de barbarie.

 

 

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Message à François Hollande

 

Il se dit guidé par l'appel du chef de Daech demandant de "tuer des mécréants, chez eux, avec leur famille". Il y réaffirme son allégeance à Daech et promet d'autres "surprises" pendant l'Euro de football : "Nous aussi Hollande nous serons impitoyables", défie-t-il le président français. À cet instant, l'assaillant ne sait pas encore quel sort il va réserver à l'enfant du couple, Mathieu, 3 ans, qui assiste impuissant à ce déchaînement de violence.

 

 

Les voisins du couple, qui ont donné l'alerte et tenté en vain de ranimer le commandant Salvaing, sont sur le qui-vive. Vers minuit, le Raid, après une ultime tentative de négociation, décide de donner l'assaut. Un plan d'action qui a probablement permis de sauver la vie du garçonnet qui a aussitôt été hospitalisé à l'hôpital Necker après avoir été pris en charge par ses grands-parents. Abballa, quant à lui, a été abattu.

 

 

 

Une revendication et une liste de personnes à abattre

 

Lorsque, quelques heures plus tard, l'agence Amaq, filiale de Daech, affirme sur internet qu'un "combattant de l'État islamique" a tué le couple près de Paris, il n'y a plus de doute : il s'agit bien d'un acte terroriste, prémédité, programmé. Abballa savait que ses victimes appartenaient à la police. Il est même probable qu'il les connaissait.

 

 

Dans la journée, les investigations menées dans le véhicule du tueur, stationné à proximité, ainsi que sur les lieux du crime, ont permis la découverte de trois couteaux ensanglantés et d'autres indices abondant dans ce sens comme cette "liste de cibles mentionnant des personnalités ou des professions (rappeurs, journalistes, policiers)". Hier soir, trois hommes de 27,29 et 44 ans, dont deux avaient été condamnés avec Abballa il y a trois ans dans des affaires en lien avec le terrorisme étaient toujours en garde à vue. Fabrice Veysseyre-Redon

 

 

 

 

 

"Il y avait la fatigue, maintenant il y a la peur"

 

"Chaque policier, en se levant ce matin, a eu une mise en garde de sa famille...". Pour Céline Berthon (syndicat des commissaires de la police), on a "changé d'ère" avec l'assassinat du commandant Jean-Baptiste Salvaing, officier qu'elle connaissait personnellement. On saura vite, dit-elle, si "au-delà de la motivation terroriste, il y avait une vindicte personnelle, mais ce qui s'est passé bouleverse les codes après l'attaque à son domicile".

 

 

La représentante du SCPN, reçue hier soir, avec les autres représentants syndicaux de policiers place Beauvau, parle "d'écoeurement, de sidération et d'émotion démultipliée". Selon elle, "il est évident que la colère va gronder dans les rangs. On est inquiet sur la dilution de nos missions, on s'interroge sur l'inefficacité de la procédure pénale". Avec l'État d'urgence, les manifestations, l'Euro, "il y avait la fatigue, maintenant il y a la peur".

 

 

Au ministre de l'Intérieur, Nicolas Comte (Unité SGP Police FO) a réclamé "la pérennisation du port de l'arme au-delà de l'État d'urgence". Après Charlie Hebdo, où deux policiers avaient trouvé la mort, certains conseils de prudence avaient été donnés aux policiers : ne plus porter l'uniforme en dehors du service, être très discret sur les réseaux sociaux... "On n'est pas encore dans la psychose, mais dans l'inquiétude de tous les instants qui peut créer un désordre psychologique", remarque Jean-Marc Bailleul (syndicat national des officiers de police). "L'émotion est grande parce qu'on a touché à notre vie de famille, et le domicile était un sanctuaire". Les policiers, dit-il, redoutent un impact sur leur vie privée. "Comment vont faire les enfants de policiers dans les écoles ?".

 

 

Pour son collègue Michel-Antoine Thiers (syndicat des cadres de la sécurité intérieure), guet-apens meurtrier à Magnaville est "une surprise qui n'en est pas une". Daech avait depuis longtemps ciblé les forces de l'ordre, mais "rien n'a alerté sur l'urgence de la menace. Des progrès doivent être réalisés en amont dans la surveillance et la gestion du risque. Pourquoi pas un système de géolocalisation des djihadistes : parmi ceux qui ont commis des attentats depuis Charlie, tous étaient connu des services !".

 

 

 

Armes autorisées en permanence

 

L'autorisation pour les policiers d'être armés en permanence, y compris hors service et sur la base du volontariat, sera prolongée au-delà de l'état d'urgence, en vigueur jusqu'au 26 juillet, ont annoncé les responsables des syndicats de policiers à l'issue d'une rencontre avec le ministre de l'Intérieur.

 

 

 

 

L'ASSASSIN - LAROSSI ABBALLA AVAIT "SOIF DE SANG"

 

Le tueur des deux fonctionnaires de police, délinquant français de banlieue parisienne, voulait mener le djihad au Pakistan. Puis un jour, il s'est rabattu sur la France. En 2013, il avait été condamné pour terrorisme.

 Un deux-roues, une petite affaire de restauration rapide aux Mureaux en début d'année... Larossi Abballa, né à Mantes-la-Jolie il y a 25 ans, avait à première vue tout du livreur de sandwich hallal plutôt tranquille. Au Val Fourré, dans ce quartier réputé sensible, à une demie-heure à l'ouest de Paris, les voisins n'ont d'ailleurs à priori pas grand-chose à reprocher à ce garçon qui travaille surtout la nuit. Le jour, il alimente sa page Facebook sur laquelle il partage la théorie du complot.

 

 

Le jeune homme, de nationalité française, nourrit pourtant depuis plusieurs années une haine grandissante : "J'ai soif de sang. Allah m'en est témoin", confie-t-il à l'un des ses comparses en 2011. Deux ans plus tard, il est condamné à 36 mois de prison dont six avec sursis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes" dans le cadre du procès d'une filière d'acheminement de djihadistes vers le Pakistan et l'Afghanistan.

 

 

 

Il rêvait de djihad

 

Lorsqu'elle l'interpelle en mai 2011, la police, qui le connaît déjà pour des faits de vol, recel, chantage ou violence le soupçonne de recruter, d'endoctriner et de préparer dans les parcs de la Courneuve et d'Argenteuil de jeunes gens susceptibles de partir mener le djihad dans les zones tribales entre Kaboul et le Pakistan. Il espère pouvoir un jour s'y rendre lui-même - il n'y parviendra pas - et participe en attendant son heure à des entraînements au cours desquels ont égorge des lapins.

 

 

Ayant purgé l'essentiel de sa peine de prison en détention préventive durant laquelle il se distingue par on radicalisme religieux, il ressort quelques jours après son procès. Depuis, il avait été "fiché S" (procédure réservée aux individus menaçant potentiellement la sécurité nationale) et placé sur écoutes téléphoniques. Mais les interceptions "n'ont pas permis à ce jour de déceler le moindre élément de préparation et un passage à l'acte violent", a expliqué hier le procureur François Molins, qui a par ailleurs révélé que le terroriste était aussi impliqué dans une enquête judiciaire ouverte en février dernier sur une filière djihadiste en Syrie.

 

 

 

"Imprévisible et dissimulateur"

 

 

C'était "un bonhomme comme il en pullule dans les dossiers islamistes, imprévisible, dissimulateur", se souvient dans Le Figaro le juge Marc Trévidic qui l'avait interrogé en 2011. "Il voulait faire le djihad, c'est certain. Il s'était entraîné en France non pas militairement, mais physiquement [...] Ses comparses les plus impliqués dans le réseau s'étaient évertués à le dédouaner. Et comme il était resté sagement en France..." À chaque fois qu'il apparaît dans une nouvelle affaire, on retient de lui qu'il est "limité intellectuellement, basique, influençable. Aucunement décideur", note Hervé Denis, l'un des avocats des prévenus en 2013.

 

 

Pourtant, le jeune homme qui, à plusieurs reprises, affirmait aux enquêteurs ne pas être croyant, chemine chaque jour un peu plus vers Daech. Jusqu'à lui prêter serment il y a trois semaines. Fabrice Veysseyre-Redon

 

 

 

 

ANALYSE - DAECH, LA STRATÉGIE DU DJIHAD EN DIRECT

 

 

En grande difficulté sur ses territoires d'Irak et de Syrie, Daech multiplie les appels à frapper les Occidentaux chez eux sur les réseaux sociaux et ses médias.

 

 

 

U

N DJIHAD "on line". En diffusant sa macabre mise en scène en direct sur le réseau social Facebook Live, Larossi Abballa a franchi un pas dans l'horreur. Une dramatisation à l'excès, une instantanéité mondiale. Rien de surprenant devant les efforts de médiatisation développés par Daech depuis son éclosion en Syrie et en Irak : exécutions en direct dans des films digne de Hollywood, messages de menaces dans toutes les langues... Sans compter son efficacité virale sur les réseaux sociaux.

 

 

 

Mimétisme avec Orlando

 

"Nous allons faire de l'Euro un cimetière", lance Abballa dans son livre morbide, vu en direct par 98 personnes sur Facebook, avant d'être supprimé. Il a néanmoins eu le temps de transmettre une vidéo, qui a servi de revendication hier après-midi à l'organisation terroriste. Dans celle-ci, le terroriste français dit prêter allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de Daech, dont la rumeur de la mort a circulé ces dernières heures.

 

 

Les massacres d'Orlando et de Magnanville - le retentissement du premier aurait pus pousser à l'acte le second, selon certains experts - suivent en tous cas les recommandations affichées par Daech le 22 septembre 2014, puis le 21 mai dernier. À l'automne 2014, Mohammed Al-Adnani,  porte-parole de Daech en charge "des opérations extérieures" et plus recherché par les États-Unis que Al-Baghdadi lui-même, avait incité les "soldats" du califat à attaquer les forces de l'ordre, ou tout représentant de l'État, et par "tous les moyens".

 

 

Cet appel a sans doute motivé bon nombre de ceux qu'on décrit comme des loups solitaires. Au printemps dernier, le même Al-Adnani, décrit comme "le ministre des attentats", a proféré de nouvelles menaces contre l'Europe et l'Amérique, expliquant qu'il fallait frapper durant les périodes conjuguées de l'Euro 2016 et du ramadan.

 

 

Pour un impact planétaire, une surmédiatisation d'un djihad menacé sur terres moyen-orientales, affaibli par les frappes de la coalition et des Russes. Les autorités françaises, comme européennes, ont martelé ces dernières semaines que le risque d'attentat était au plus haut niveau. Une "alerte" qui se vérifie aujourd'hui et qui ne sera pas levée avant un moment. Xavier Frère

 



15/06/2016
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