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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du mardi 9 août 2016

 

 

LE PRÉSIDENT TURC ET LE PRÉSIDENT RUSSE À SAINT-PÉTERSBOURG

 

 

ERDOGAN-POUTINE, sultan et tsar alliés face à l'Occident

 

 

Face à un Occident qui leur inflige des leçons de droits de l'Homme, les hommes forts de la Turquie et de la Russie vont sceller aujourd'hui leur réconciliation et se poser en interlocuteurs incontournables.

 

 

 

M

ême génération, même exercice du pouvoir sans partage, méthodes différentes mais tout aussi expéditives pour éradiquer l'opposition... Les similitudes et approches communes ne manquent pas entre l'islamiste Recep Tayyip Erdogan et le maître du Kremlin Vladimir Poutine. Ils ne crachent pas sur le luxe : leur fortune reste un mystère, leurs palais bling-bling en mettent plein la vue à leurs hôtes. Ils cultivent à l'occasion le culte de la personnalité : Poutine pose en champion de judo, pectoraux en avant, Erdogan met en scène le sauvetage personnel d'un suicidaire sur un pont.

 

 

 

La grandeur de deux empires

 

À l'aube du XXIe siècle, Recep Tayyip Erdogan en 2003  et Vladimir Poutine en 1999 ont conquis et gardé le pouvoir par le suffrage universel. Ils l'incarnent de façon personnelle et absolue. En successeurs des régimes communiste en Russie, militariste et laïciste pour la Turquie de Mustapha Kemal Ataturk.

 

 

Par un synchronisme de l'histoire, ces régimes révolutionnaires, qui ont mis fin aux empires pendant la première guerre mondiale (1915 en Turquie, 1917 en Russie), se sont épuisés au bout du XXe siècle dans l'usure, la corruption des élites, la désespérance des populations. Cela ne signifiait pas que les peuples russe et turc renonçaient à leur splendeur passée. L'islamiste Erdogan, ami des magnats de la construction, des officiers du renseignement, de quelques banquiers locaux, et le politicien Poutine sorti du KGB, soutenu par les oligarques de l'église ortodoxe, ont saisi cette aspiration de grandeur et d'honneur. Tout en mettant la main sur les réseaux qui comptent dans leurs pays.

 

 

 

Le défi permanent à l'Occident

 

Ils ont cultivé le sentiment national turc et russe, face aux minorités kurdes et caucasiennes, mais surtout par le défi permanent à cet Occident qui leur donne des leçons de droits de l'Homme. Poutine n'a pas hésité à déstabiliser l'Ukraine, coupable d'avoir signé un accord avec l'UE, Erdogan a ralenti l'avancée des milices kurdes face à Daech au nord de la Syrie.

 

 

Profitant d'une croissance soutenue par l'énergie en Russie, le commerce, le tourisme, le bâtiment en Turquie, les hommes forts ont replacé leurs pays sur la scène internationale. Leur économie souffre, ce qui explique en partie leur rapprochement, car outre l'amitié virile entre les deux dirigeants et les intérêts communs face à l'Occident, les échanges soutenus dans l'énergie (oléoduc Turkstreram), le tourisme ou l'agriculture ont rapproché le président sultan né à Istanbul et le président tsar venu de Saint-Pétersbourg.

 

 

La crise syrienne a brisé l'amitié (Poutine soutient Assad, ennemi juré des Turcs sunnites) et l'avion russe abattu par l'armée turque a provoqué un divorce fracassant et coûteux (baisse des échanges de 44 %), ravivant les luttes d'influence bimillénaire entre les deux puissances autour de la mer Noire et du Moyen-Orient.

 

 

 

Partenaires obligés

 

"La détérioration des relations avec les puissances occidentales depuis le putsch manqué d'Ankara accélère un rapprochement" estimait hier un diplomate de l'UE, forcé de reconnaître que "l'Europe ne peut les contourner". Rien n'est en effet possible contre Daech sans la Turquie, membre de l'Otan et Moscou. La question des réfugiés ne peut être gérée sans Ankara : l'Europe a négocié un accord à 6 milliards d'euros sur 3 ans pour que la Turquie filtre les passages.

 

 

Enfin, en Europe, l'agriculture, l'industrie, les services notamment le secteur bancaire se lassent de perdre des marchés dans ces deux pays en raison des embargos diplomatiques. Nous sommes de nouveau amis et vous avez besoin de nous, vont affirmer aujourd'hui à l'Occident Erdogan et Poutine. Froidement. Pascal Jalabert

 



12/08/2016
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