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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du mardi 2 août 2016

 

 

POLITIQUE - ERDOGAN MENACE DE ROMPRE L'ACCORD SUR LES RÉFUGIÉS

 

 

 

La Turquie met les Européens au défi

 

 

Faites ce que nous voulons, sinon vous serez envahis de réfugiés syriens, dit en substance le président turc aux Européens. Un chantage redoutable, qui reste à cette heure sans réponse.

 

 

 

S

imple et brutal : "Si la libéralisation des visas ne se concrétise pas, nous seront forcés de faire marche arrière sur l'accord sur les réfugiés", vient de menacer le gouvernement turc. C'est à dire en clair aux Européens  laissez les Turcs voyager en Europe, faites ce que nous demandons, sinon vous serez envahis de réfugiés syriens et afghans...

 

 

 

Un accord à six milliards

 

Le parfait chantage, exercé par un Erdogan plus fort que jamais depuis l'échec du putsch... L'Union européenne pensait pourtant avoir trouvé, grâce à la Turquie, la solution miracle à son principal problème : la crise des réfugiés. L'accord conclu le 18 mars, engageait la Turquie à contenir sur son territoire les centaines de milliers de migrants qui la traversaient  vers la Grèce et l'Allemagne ; en contrepartie, l'Union promettait six milliards d'euros, la libre entrée pour les citoyens turcs, et une relance du processus d'adhésion à l'Union pour le pays.

 

 

 

"Inacceptable", dit l'Union

 

Cela a d'abord bien fonctionné. Les arrivées de migrants ont diminué, malgré les passages par la Méditerranée. Mais quatre mois et un pustch plus tard, le bel édifice menace de s'effondrer, et l'Europe se retrouve démunie face aux nouvelles exigences d'Erdogan.

 

 

Elle lui avait apporté son soutien contre les putschistes, mais elle a changé de ton devant la brutalité de la reprise en main. "Inacceptable !" a lancé Frederica Mogherini, responsable de la diplomatie européenne. D'où la réplique du président turc : "Occupez-vous de vos affaires!".

 

 

Ces polémiques sur l'État de droit retardent d'autant la libéralisation des passeports. La Turquie la souhaite en octobre, le commissaire Güther Öttinger ne la voit pas avant l'année prochaine...

 

 

 

Le test de la peine de mort

 

L'inquiétude monte sur les conséquences du bras de fer. "Le risque est grand, le succès de cet accord est fragile", reconnaît le président de la Commission Jean-Claude Juncker. Et aucun dirigeant européen ne peut ignorer que les partisans du Brexit ont gagné en surfant sur la double peur des migrants, et d'une adhésion de la Turquie à l'Union. Le président turc paraît décidé à ne pas reculer. Il montre les dents à l'Allemagne, qui accueille 1,5 millions de Turcs, trois millions avec les Allemands d'origine turque. Il s'en prend même aux États-Unis, alors que la Turquie est membre de l'Otan, exigeant qu'ils lui livrent Fethullah Gülen...

 

 

Erdogan veut-il vraiment la rupture ? Le test pourrait être le rétablissement de la peine de mort. Il s'en est dit partisan, sachant que c'est inacceptable par l'Union européenne. S'il franchit le pas, l'accord sera mort. Et l'Union devra chercher une autre solution pour résoudre la crise des réfugiés - entre autres problèmes. Francis Brochet

 

 

44,5 % C'est la part de l'Union européenne dans les exportations de la Turquie (en 2015), dont 9,3% pour l'Allemagne, premier client de l'économie turque. La Russie a rétrogradé de la 8e à la 10e place. Côté importations, la Chine arrive devant l'Allemagne et la Russie.

 

 

 

 

Rendez-vous à Saint-Pétersbourg

 

 

Ils vont s'embrasser, après avoir été tout près de se faire la guerre : Vladimir Poutine accueille le 9 août à Saint-Pétersbourg Recep Tayyip Erdogan. En novembre dernier, après qu'un bombardier russe avait été abattu par l'armée turque à la frontière syrienne. Le président russe imposait des sanctions économiques à la Turquie, la privant notamment de manne financière de ses touristes. Ce revirement est motivé par les liens économiques très forts entre les deux pays.

 

 

Mais il doit aussi beaucoup à l'Union européenne : les deux présidents ne goûtent guère les leçons démocratiques de l'Europe, et le "occupez-vous de vos affaires !" lancé par Erdogan aux Européens a rempli d'aise Poutine. Les intérêts de la Russie et de la Turquie commencent également à converger en Syrie : Erdogan, d'abord allié des États-Unis et de l'Arabie Saoudite dont le combat contre Bachar el-Assad, privilégie de plus en plus la lutte contre les kurdes, dont l'autonomie croissante en Syrie fait rêver leurs frères de Turquie. Une évolution qui ne peut que satisfaire les Russes, premier soutien de Bachar, avec I'ran.

 

 

 

 

 

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  • Novembre 2002

 

L'AKP (Parti de la justice et du développement) remporte les législatives. En novembre 2015, il regagne la majorité absolue perdue en juin.

 

 

  • 3 octobre 2005

 

L'Union européenne ouvre les négociations d'adhésion avec Ankara. Depuis les discussions patinent et Ankara s'impatiente régulièrement.

 

 

  • 2008

 

Le port du voile autorisé dans les universités

 

 

  • Juin 2013

 

La longue mobilisation, place Taksim à Istanbul, contre un projet immobilier, est violemment réprimée par le gouvernement d'Erdogan.

 

 

 

  • 10 août 2014

 

L'ex-Premier ministre Recep Tayyip Erdogan est élu président de la République en Turquie.

 

 

 

  • 18 mars 2016

 

Signature de l'accord UE-Turquie sur les réfugiés à l'instigation de la chancelière Angela Merkel.

 

 

 

  • Nuit du 15 au 16 juillet

 

Une fraction de l'armée se soulève contre le pouvoir à Ankara et Istanbul. Le Président appelle à son peuple à résister et le 16, il rentre triomphant à l'aéroport d'Istanbul.

 

 

 

  • 20 juillet

 

L'état d'urgence est instauré. C'est le début des purges (armée, justice, éducation, médias) et des mises en prison.

 

 

 

 

Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble

 

 

"Une réorganisation complète de l'État"

 

 

 

 

Deux semaines après, en sait-on un peu plus sur le putsch du 15 juillet ?

 

Le coup est parti de l'intérieur de l'armée. Il rassemblait principalement des gens liés au mouvement Gülen, mais aussi tous les opposants d'Erdogan, notamment d'anciens kémalistes purs et durs, et beaucoup d'élèves des académies militaires. Il y a donc bien eu un coup, contrairement aux rumeurs complotistes. Et la première cible était Erdogan lui-même, en vacances dans un hôtel à Marmaris - cela s'est joué à un quart d'heure près. Mais une incertitude demeure sur l'objectif des conjurés.

 

 

 

Erdogan met-il en place une dictature ?

 

La reprise en main est impressionnante : on n'assiste pas seulement à la répression d'un coup d'État, mais à une réorganisation complète de l'État et de la société. On va donc vers un régime autoritaire présidentialisé, et même un État-AKP. Mais je ne parlerai pas de dictature, il y a une sorte de spécificité turque. Il faut ainsi noter une convergence assez surprenante autour de l'appel à la réconciliation nationale, qui établit comme un modus videndi entre le gouvernement et l'opposition kémaliste, qui a manifesté avec l'AKP. Même le parti kurde (HDP) a signé la déclaration conjointe du Parlement contre le coup d'État.

 

 

 

Est-ce un régime islamiste ?

 

Les manifestations pro-Erdogan ont eu un caractère religieux, avec l'appui de l'appareil sunnite. Mais Erdogan n'a pas mis en avant la question religieuse. C'est un "ottomaniste", partisan d'un islam nationaliste étroitement contrôlé par l'État, un islam au service du politique pour faire respecter les valeurs dans la société. C'est un conservateur musulman. Recueilli par F.B.

 



02/08/2016
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