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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 27 novembre 2016

 

 

 

DISPARITION - LE DIRIGEANT POLITIQUE CUBAIN EST DÉCÉDÉ VENDREDI SOIR À L'ÂGE DE 90 ANS

 

 

 

Fidel Castro, une icône révolutionnaire et un dictateur

 

 

La mort du leader Maximo clôt à la Havane une épopée au retentissement universel. Celle d'un lumineux guérillero, porteur des plus hautes espérances, qui finit par devenir un très ordinaire autocrate...

 

 

S'agissant d'entretenir sa propre légende, il mettait la paquet. À l'entendre, Jupiter et Neptune se déchaînèrent sur son berceau : "Je suis né par une nuit de cyclone, au milieu du tonnerre, des éclairs et des pluies torrentielles". Un cadeau du ciel, en somme. Rendant l'âme 90 ans plus tard, on se demande encore si c'est à dieu ou à diable. Libérateur lumineux, tyran démonique ? Les deux, mon Comandante.

 

 

Héros, Fidel Castro le fut en janvier 1959, lorsqu'il entre victorieusement à la Havane avec ses "barbudos" et prend les rênes d'un pays meurtri par la dictature de Batista. Il était grand, il était beau, il allait purifier par la flamme de sa foi révolutionnaire l'île corrompue des Caraïbes. Et transformer "le bordel des États-Unis" en une Arcadie virginale, un roc sur lequel se briseraient les complots impérialistes. Devant le guérillero à barbe christique descendu de la Sierra Maestra, les foules se pâmaient. À Cuba, et bien au-delà. Renforcé par le mythe d'Eernesto Che Guevara, son compagnon d'armes argentin, Castro rayonna bientôt à travers les cinq continents. Tout le porte alors à se jeter dans le bras de l'Union soviétique. La réaction paranoïaque des États-Unis, le tenant pour "Satan" à abattre en pleine Guerre froide, ne fera que précipiter le mouvement.

 

 

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Fidel Castro - avril 1959

 

 

 

Une icône internationale

 

 

Il refuse de se soumettre aux diktats américains et réchappe à plusieurs attentats ourdis par la CIA. De quoi le transformer en icône internationale. Castro, castrisme : Fidel est l'un des rares chef d'État dont le patronyme se décline à l'étranger. Le terrible embargo, imposé par Washington à Cuba depuis 1961, augmente la sympathie que suscite l'inépuisable "fumeur de cigare". On admire sa constance à rejeter "les cochonneries du capitalisme". Même après la chute du Mur, lorsque Moscou ne suit plus ? Contraint et forcé, le Leader Maximo lâche un peu du lest. Les paysans sont désormais autorisés à vendre sur les marchés. Le tourisme fait un bond colossal dans l'île, avec la prostitution comme "produit d'appel". Pourtant, l'immigration clandestine vers la Floride se poursuit à un rythme soutenu.

 

 

C'est qu'à Cuba, le paradis jadis promis reste introuvable. Le projet initial d'une économie sans propriété privée a échoué. À la place : pénurie, corruption, parti unique et ordre policier. Castro, devenu autocrate ordinaire, a comblé l'écart entre le rêve communiste et la réalité par la répression. Celle des "ennemis de la révolution", mais aussi des homosexuels et des libres penseurs. Et bientôt celle de ses ex-amis guérilleros, coupables de s'en tenir aux valeurs humanistes des origines.

 

 

 

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Des discours-fleuves pour noyer l'évidence

 

 

Au-delà de l'exotisme et des harangues enflammées, Cuba est devenu un camp. En matière de santé et d'éducation, gratuitement dispensées à tous, le pays offre certes un aimable visage égalitaire. Mais sans gommer l'étouffement bureaucratique, l'incarcération des dissidents, la censure généralisée. Ni la pauvreté endémique qui frappe les populations, n'empêche, cramponné à une idéologie battue en brèche de toutes parts. Fidel a continué à faire comme si... Et pendant un demi-siècle ! Élevé chez les Jésuites, ce manipulateur hors pair ergote à n'en plus finir. Son talent de tribun lui permet de sauver les apparences. Ainsi, à l'en croire, "Cuba est une étoile qui diffuse sa propre lumière".

 

 

Les Cubains qui osent prétendre le contraire, aussitôt qualifiés de "traîtres", n'ont qu'à aller méditer en prison. Au fil des décennies, l'aveugle volontaire nie obstinément l'évidence. Ou plutôt la noie dans ses fameux "discours-fleuves"... Multipliant les pirouettes verbales, il finit par atteindre une sorte d'absolu dans l'absurde. Tout va mal, à qui la faute ? Aux États-Unis, point barre. Sans leur "blocus", tout irait bien... Kafka règne sur la Havane.

 

 

Seule la maladie, début 2008, le poussera à abandonner le pouvoir. Il le confie alors à son frère Raul, charge à lui de maintenir l'utopie castriste. À coups de trique, si nécessaire ! L'idéal révolutionnaire des années 50 s'est banalement dissous dans un régime autoritaire. Comme Fidel Castro, il a mal vieilli. Gilles Debernardi

 

 

 

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Fidel Castro (à gauche), Che Guevara (au centre) et d'autres leaders révolutionnaires marchant pour protester contre l'explosion de la Coubre, 5 mars 1960.

 

 

 

 

 

L'HOMME QUI DÉFIAIT L'ONCLE SAM

 

 

 

Castro, l'ennemi de l'Amérique

 

 

Cinquante années durant, Fidel Castro a nargué l'Oncle Sam. Le leader Maximo a résisté à l'invasion américaine et pactisé avec l'URSS, un défi pour son tout petit pays.

 

 

 

Il a d'abord eu le tord de chasser Batista, ce dictateur avec qui Washington arrivait à s'entendre. Puis il a nationalisé les biens américains présents à Cuba. Voilà comment Fidel Castro, dès 1959, a agacé prodigieusement l'oncle Sam.

 

 

En 50 ans de pouvoir, le leader Maximo a eu le temps d'user pas moins de dix présidents US. Républicains ou démocrates, aucun d'eux n'a jamais voulu, durant cette période, rétablir les relations diplomatiques avec son régime. On n'efface pas si facilement l'affront de la baie de s Cochons et la crise des missiles.

 

 

Ah, si seulement la CIA n'avait pas tenté le diable en essayant de renverser Castro un beau jour d'avril 1961 ! Mais en ces temps de Guerre froide, laisser l'île tomber dans le giron de Moscou était impensable. Mieux valait envoyer un millier d'anti-castristes débarquer dans la baie des Cochons. Échec retentissant. L'Amérique incapable d'imposer sa volonté à un pays 87 fois plus petit qu'elle... Une humiliation qui fit rire Castro, jusqu'à un certain point. Et si cela avait réussi ? Le trublion choisit définitivement son camp : à l'Est toute ! Bonne pioche.

 

 

Le leader soviétique Nikita Khrouchtchev s'inquiétait alors des 176 fusées nucléaires US pouvant atteindre l'URSS. Lui n'en avait que 20 pouvant faire le chemin inverse. À moins d'utiliser Cuba comme plate-forme. Castro donna son accord, "parce que cela renforçait l'URSS et constituait une garantie pour nous".

 

 

 

Un interminable embargo

 

La colère de Kennedy quand il découvrit le pot aux roses ? Même pas peur. Khrouchtchev en était encore à hésiter devant se spectre de guerre, que Fidel priait le Soviétique de ne surtout pas laisser les Américains tirer les premiers ! Quitte à ouvrir le feu. Il ne sera pas dit que Castro a reculé devant la colère US.

 

 

Celle-ci a été implacable. Si Moscou a repris ses missiles, Cuba a payé la note avec un interminable embargo, encore dénoncé par l'Onu par une 22e résolution... en 2013 ! Plus long que le règne du Leader, parti à la retraite en 2008. À quoi s'occupait le vieillard depuis ? À titiller chaque président américain, pardi ! Difficile d'exister sans ses ennemis.

 

 

Encore plus difficile, si le 11e président en question quitte son bureau ovale pour venir sur votre île déclarer à votre président de frère son envie "d'enterrer le dernier vestige de la Guerre froide". C'était en mars dernier. Fidel n'avait alors pu s'empêcher d'ironiser sur les "paroles sirupeuses du frère Obama". Un dernier petit coup de griffe contre l'oncle Sam... Sylvaine Romanaz

 

 

 

HOMMAGES

 

 

Neuf jours de deuil

 

Les autorités cubaines ont décrété hier neuf jours de deuil national après la mort de Fidel Castro. Drapeaux en berne, annulation des spectacles publics, recueillement général... Le corps du dirigeant devait être incinéré dans les heures qui ont suivi sa mort. Le régime exclut ainsi toute exposition du corps du "Leader Maximo" au public. Au terme des jours de deuil, ses funérailles auront lieu le 4 décembre. Les cendres du "Comandante" seront enterrés à Santiago de Cuba.

 

 

 

 

Réactions internationales

 

 

Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'Onu

 

"Sous l'ancien président Castro, Cuba a fait des avancées dans les domaines de l'éducation, de l'alphabétisation et de la santé".

 

 

Vladimir Poutine, président russe

 

"Cet homme d'État émérite est à juste titre considéré comme le symbole d'une époque de l'Histoire moderne du monde".

 

 

Nicolas Maduro, président du Venezuela

 

"Tous les révolutionnaires du monde, nous devons poursuivre son héritage et reprendre le flambeau de l'indépendance, du socialisme, de la patrie humaine".

 

 

Barack Obama, président des États-Unis

 

"L'Histoire jugera l'impact énorme".

 

 

Xi Jinping, président chinois

 

"Le camarade Castro vivra éternellement".

 

 

 

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APRÈS LA MORT DE FIDEL CASTRO

 

 

Cuba-États-Uns : et maintenant ?

 

 

 

La disparition du leader Maximo intervient au moment où Donald Trump s'apprête à entrer dans la Maison Blanche, avec un programme nettement moins apaisé que celui de Barack Obama. Après le réchauffement des dernières années, le retour à la glaciation ?

 

 

 

Fidel Castro a passé le témoin à son frère Raul voici déjà dix ans, et a officiellement abandonné toutes ses fonctions deux ans plus tard, en 2008. Mais il est loin d'avoir disparu pour autant. D'abord, il a pris le soin de céder le pouvoir à son frère cadet (on reste en famille). Ensuite, même si on ne le voyait plus que par intermittence, il est resté LA figure tutélaire de Cuba.

 

 

 

Donald Trump violent

 

Sa disparition intervient juste après le réchauffement des relations avec les États-Unis - dossier dans lequel il apparaissait moins enthousiaste que son frère Raul. Elle intervient aussi au moment où le président américain Obama, promoteur de ce réchauffement, va quitter la Maison Blanche pour céder la place à Donald Trump, qui a multiplié les attaques contre le régime cubain pendant sa campagne électorale. Et tout particulièrement en Floride, où les exilés cubains hostiles à Fidel Castro sont des centaines de milliers, et où leur vote a été crucial pour gagner la course à la Maison Blanche.

 

 

Trump s'est montré très cassant, hier, affirmant qu'il fera "tout ce (qu'il) pourra pour s'assurer que le peuple cubain puisse enfin commencer son cheminement vers la prospérité et la liberté". Le nouveau président américain ne s'est pas montré tendre avec Fidel Castro : "L'héritage, ce sont les pelotons d'exécution, le vol, des souffrances inimaginables, la pauvreté et le déni des droits de l'Homme. Aujourd'hui, le monde apprend le décès d'un dictateur brutal, qui a opprimé son propre peuple pendant près de six décennies".

 

 

Peut-on basculer en quelques semaines du réchauffement, qui a pris des années, vers une nouvelle glaciation ? Comme pour tous les dossiers internationaux qui vont échoir à Trump (Israël, Iran, Syrie), tout est envisageable. L'imprévu est de rigueur. Un pas supplémentaire vers la détente semble cependant exclu. Obama n'a pas réussi à faire lever l'embargo contre Cuba, le Congrès à majorité républicaine refusant son feu vert. Un feu vert que Trump se gardera bien de lui réclamer !

 

 

Le plus probable est que l'on reste dans un entre-deux (ni guerre, ni paix) encore pendant une bonne année. Au moins jusqu'en février 2018, date du renouvellement de l'Assemblée nationale cubaine : Raul Castro, qui a rapproché Cuba des États-Unis, annonce son départ à cette occasion.

 

 

 

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Il est certes plus jeune que son frère, mais il a tout de même 85 ans ! Il a accompagné Fidel pendant toute sa marche vers le pouvoir et pendant tout son "règne", avant de prendre le manche lui-même. Il complète en quelque sorte l'image symbolique de Fidel.

 

 

 

Le vrai moment de vérité

 

Son départ annoncé - maintiendra-il la date ? - mettra fin à la dynastie Castro et finira de tourner la page de la révolution. Même si son successeur est déjà désigné (il s'agit de Miguel Diaz-Canel, premier vice-président du conseil), ce sera le vrai moment du saut de Cuba dans l'inconnu.

 

 

Face à Trump, qui parle haut, Cuba pouvait se rappeler les fortes paroles et les coups de menton de Fidel Castro. Le Leader Maximo savait galvaniser ses concitoyens et ils aurait sans nul doute aimé défier le nouveau président US, comme il a défié ses onze prédécesseurs !

 

 

Trump-Castro, c'était l'affiche rêvée des "grandes gueules". Même à la retraite, Fidel aurait su user de son aura. L'icône décédée, les Cubains ont de quoi se sentir un peu orphelins face au nouvel Oncle Sam. Patrick Fluckiger

 

 

 

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Miguel Diaz-Canel

 



30/11/2016
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