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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 15 novembre 2015

 

 

 

TERRORISME - Les Français en deuil, les Français sous le choc, les Français en guerre. Les attentats de vendredi ont fait au moins 129 morts, 352 blessés. Ces attaques sont "un acte de guerre" pour le président de la République. Daech a revendiqué les terrifiants attentats à la bombe et les attaques kamikazes meurtrières au Stade de France et à Paris vendredi soir impliquant sept terroristes répartis dans trois équipes. Tous étaient équipés d'armes de combat type Kalachnikov et de ceintures d'explosifs.

 

 

 

Le bilan devrait s'alourdir compte tenu du nombre important de blessés graves :  le pronostic restait très réservé pour 99 personnes sur 352 encore hospitalisées hier soir. S'ils ne sont pas parvenus à atteindre leur objectif au stade de France, les terroristes ont en revanche semé la terreur dans un quartier animé de Paris et en plusieurs endroits, notamment à la salle de concert du Bataclan. Récit d'une nuit de guerre à Paris.

 

 

 

Saint-Denis, Stade de France. Le cauchemar du vendredi 13 novembre commence très précisément à la 16e minutes du match France-Allemagne. Deux détonations saccadées couvrent les clameurs des tribunes. Les 80 000 spectateurs s'étonnent, s'interrogent, détournent le regard un instant. Le match reprend son cours, la foule acclame le but de Giroud. Mi-temps. Fin du football et début de l'angoisse. Les smartphones, les familles qui appellent, le bouche à oreille racontent déjà la terreur qui répand son cortège de sang, de douleurs et de larmes dans les rues de Paris dans le fracas des balles et les éclats de bombes. De 21 h 20 à 22 h 30, c'est l'horreur, la mort qui avancent dans les rues du coeur de Paris portée par cinq machines à tuer, kalach' en bandoulière, baskets au pied, gilets d'explosifs sous leurs blousons.

 

 

 

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Paris, zone de guerre

 

Dans ce quartier du centre, comme un vendredi soir ordinaire, bars et restaurants accueillent des familles, des groupes d'amis qui profitent en terrasse de l'étrange douceur de ce mois de novembre. Dans la salle très renommée du Bataclan, boulevard Voltaire, résonne un concert de rock californien mêlant deux générations. Les tueurs sont sortis arme au poing d'une Seat Leon noire immatriculée en Belgique à l'angle de la rue Bichat et de la rue Alibert. Ils tirent aveuglement à 30 reprises, en rafale, sur les clients du Petit Cambodge. Au moins 15 morts.

 

 

 

A 600 mètres plus au sud, rue de Charonne, un scénario identique par sa mécanique de mort au restaurant La Bonne Bière. Eleonore a échappé aux balles qui ont transpercé sa voiture : "J'ai eu de la chance. Ils tiraient tellement. J'ai vu son regard. Il voulait tuer". Cinq morts, 100 douilles retrouvées.

 

 

 

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Carnage au Bataclan

 

Vers 21 h 40, trois terroristes sortent d'une Volkswagen Polo noire devant le Bataclan, bondé par 1 500 personnes. Les spectateurs croient à des pétards quand les explosions retentissent. Jusqu'à découvrir face à eux le visage des assaillants. Ils tirent. Pendant plus d'une heure, des spectateurs otages entourés de morts, des blessés font face à trois tueurs. Quand un téléphone sonne, quand un blessé râle, ils tirent dans le dos ou même au sol. Quand la police donne le l'assaut à 0 h 20, trois kamikazes actionnent leurs ceintures d'explosifs. Comme les deux du stade de France, tués avec leur bombe sans faire de victimes, aux portes de l'enceinte, où le maintien du match a évité une panique à risques.

 

 

 

Au Bataclan, en revanche, c'est un immonde carnage. "On marchait sur des corps, un amas de cadavres enchevêtrés", décrit un journalistes d'Europe 1 qui assistait au concert. Au moins 89 morts et des blessés soignés à même la rue où gyrophares et sirènes d'ambulance ajoutent au chaos dans lequel des médecins tentent de mettre de l'ordre. Un tireur aurait crié aux spectateurs dans la fosse : "Ce qui vous arrive, c'est de votre faute. On vient venger nos frères de Syrie". Un Français radicalisé de 30 ans aurait été identifié parmi les auteurs. Ces trois équipes de terroristes, résolus, équipés d'explosifs sophistiqués, de kalachnikov, étaient coordonnées. L'une venait semble-t-il de Belgique, avec trois individus pas connus des services français. De même un kamikaze détenteur d'un passeport syrien n'était pas fiché.

 

 

 

 

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Daech revendique

 

Dans la journée d'hier, Daech a revendiqué les attaques. En recul sur son territoire en Syrie et en Irak, Daech, comme Al-Qaïda en 2001, réplique par la terreur dans le monde musulman (jeudi à Beyrouth), comme en Occident. Après un conseil de défense et un conseil des ministres, le président Hollande juste avant la revendication avait dénoncé "un acte planifié de l'extérieur et avec des complicités intérieures. La France sera impitoyable à l'égard des barbares de Daech. Je lance un appel à l'unité et au sang-froid".

 

 

 

Comme le 7 janvier devant l'immeuble de Charlie, une heure après l'attaque, le Président et ses ministres se sont rendus au Bataclan, situé sur ce boulevard Voltaire, où, terrible rappel de l'histoire, le 11 janvier, François Hollande, les chefs d'Etat du monde entier ont défilé après les attentats à Charlie et l'HyperCacher. Au matin, devant le rideaux de fer fermé du restaurant Le Petit Cambodge, de part et d'autre du sol jonché de sable pour absorber les mares de sang, des passants déposent bougies et bouquets dans un silence aussi inquiétant que les regards et le déploiement des policiers dans le quartier.

 

 

 

"On ne se rend pas compte. On n'est pas nés avec la guerre. On aurait tous pu être dans ces bars, à cette salle. J'y étais le mois dernier", commente un quinquagénaire. La ville semble immobile avec les grands magasins, les cinémas, les commerces fermés, les boulevards vides, la Tour Eiffel sans lumière.

 

 

 

 

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Des civils visés

 

Le voile noir du deuil et une chape plombée d'effroi recouvrent Paris et toute la France. "C'était inévitable, imparable et ce n'est pas terminé", constatent les spécialistes du renseignement. "170 attentats ont été déjoués depuis le début de l'année", rappelait le ministère de l'Intérieur. Cette guerre ne met plus en danger des soldats, des cibles plus ou moins symboliques de valeurs de tolérance ou de différence insupportables à ceux qui prônent l'obscurantisme et la violence. Et état de choc, en état d'urgence, la France est surtout en état de guerre. Pascal Jalabert

 

 

 

 

Pourquoi la France ?

 

 

L'opération Chammal en Irak et en Syrie

 

"C'est la faute du président François Hollande, il n'a pas à intervenir en Syrie !". Au Bataclan, les terroristes ont mis en cause l'engagement militaire de la France en Syrie, dont les raids aériens ciblent Daech, des camps d'entraînement et des sites pétroliers. La France a lancé depuis le 19 septembre 2014 l'opération Chammal, en coordination avec les alliés présents dans la région, pour assurer un soutien aérien aux forces armées irakiennes dans leur lutte contre le groupe terroriste autoproclamé Daech.

 

 

 

Des symboles de laïcité

 

Daech a non seulement accusé Paris de "frapper avec ses avions les musulmans en terre de califat", mais aussi "d'insulter le Prophète" et de "combattre l'islam en France". L'Etat islamique entend punir les discriminations dont elle estime que la minorité musulmane dans le pays est la cible. La laïcité a conduit à l'interdiction du foulard musulman dans les écoles françaises en 2004, puis à l'interdiction du port du voile intégral en 2010.

 

 

 

 

DANS LES RUES DE LA CAPITALE - Paris, les yeux rougis et la peur. L'effroi et la tristesse après les attentats. Soumise à des mesures de sécurité renforcée, Paris a pleuré hier les morts des attaques terroristes. Les grands magasins et la Tour Eiffel étaient fermés. Les hommages se sont multipliés sur les lieux des drames.

 

 

 

 

Deuil national et prières

 

"Le pays est dans la peine". Le président de la République a décrété trois jours de deuil national au lendemain des attentats. Dès hier, les drapeaux ont été mis en berne et hissés à mi-mât sur les édifices publics. Une minute de silence sera observée demain à midi, partout en France.

 

 

 

Jamais, dans l'histoire de la Ve République n'avait décrété un deuil aussi long. Si c'est la sixième fois que cette mesure exceptionnelle est prise, elle n'avait duré qu'une journée. La dernière remonte au 8 janvier dernier, au lendemain de la fusillade au siège de Charlie Hebdo, à Paris en hommage aux douze personne tuées dans l'attentat contre le journal satirique.

 

 

 

Auparavant, les attentas du 11 Septembre 2001, les décès de Mitterrand, Pompidou et De Gaulle, les inondations de 1930 avaient été décrétées deuil national. A Paris, hier, la Tour Eiffel était éteinte en signe de deuil. De nombreuses personnes ont déposé des fleurs sur les lieux des attaques. Ce soir, une messe sera célébrée à Notre-Dame, où sonnera le glas. Le Conseil français du culte musulman en France, a de son côté appelé les "musulmans de France à prier pour que la France puisse faire face à cette terrible épreuve dans le calme et dans la dignité".

 

 

 

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LES MESURES DE SECURITE

 

 

L'Etat d'urgence

 

L'Etat d'urgence n'avait plus été instauré depuis 2005, circonscrit alors à l'Ile-de-France après les violences dans les banlieues. Il a été décrété vendredi sur l'ensemble du territoire. Les préfets sont en première ligne et pourront prendre différentes mesures en cas de risques de troubles de l'ordre public : couvre-feu ; réquisitions de biens ou de personnes ; établissement de périmètres de protection autour des bâtiments publics et des édifices privés ; fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boisson et divers lieux de réunions ; interdiction de toute manifestation à risque. A Paris et dans les départements limitrophes, le préfet de police a interdit toute manifestation sur la voie publique jusqu'à jeudi prochain. Les préfets des départements de la grande couronne ont décidé de la même interdiction jusqu'à demain.

 

 

 

 

 

Le contrôle aux frontières

 

Avec le rétablissement des contrôles aux frontières et les services des douanes opèrent des contrôles stricts en 61 principaux points de passage. D'autres points, moins sensibles, sont contrôlés par les compagnies de CRS et la gendarmerie. La police de l'air et des frontières a été déployée dans les gares frontalières et sur les lignes transnationales, en coopération avec nos voisins européens.

 

 

 

Ceux-ci vont aider la France dans le contrôle des passagers voyageant en train ou par avion, également pour le contrôle routier des frontières. Les ports font aussi l'objet de mesures de sûreté, de même que les gares parisiennes internationales et les aéroports.

 

 

 

 

Les forces mobilisée

 

L'Etat a renforcé les forces de sécurité sur le terrain. A Paris, deux sections du GIGN sont prêtes à intervenir et 230 gendarmes sont à la disposition de la préfecture de police. L'armée est mobilisée, avec 1 000 militaires supplémentaires en patrouille dans Paris dans les prochains jours. Cet effectif appuie les forces déjà engagées. Depuis plusieurs mois, en France, 30 000 policiers, gendarmes et militaires assurent la protection de 5 000 lieux sensibles sur l'ensemble du territoire, dans le cadre du plan Vigipirate.

 

 

 

 

QUESTION à Alain CHOUET

 

 

Ancien officier de renseignement

 

 

 

"Des gens à vocation kamikaze en France, c'est nouveau"

 

 

 

 

Pouvait-on imaginer une attaque d'une telle ampleur ?

 

Ca fait presque un an que les services de renseignements et un certain nombre d'experts agitent le drapeau d'alerte : le jour où l'Etat islamique perdrait pied militairement sur son territoire, il dégénérerait stratégiquement comme Al-Qaïda l'a fait dans la période 1998-2001. Qu'il dériverait vers des formes de terrorisme international pour conserver une crédibilité, exister politiquement et recevoir des soutiens extérieurs.

 

 

 

L'intervention russe a profondément déstabilisé les groupes terroristes sur le terrain, l'Etat islamique recule, il a besoin de passer à un autre stade pour exister. C'est dans la suite logique de l'avion russe en Egypte, des attentats à Bagdad, Ankara ou Beyrouth. La stratégie de l'Etat islamique, comme Al-Qaïda auparavant, est de rendre les musulmans haïssables aux yeux des Occidentaux, de façon à ce qu'ils leur tapent dessus, et créer un affrontement communautaire en Europe.

 

 

 

 

On a affaire cette fois à un attentat méticuleusement préparé...

Ce n'est plus le loup solitaire, on a changé de registre, on fait la guerre. Et à la guerre, il y a des morts, et il y en aura encore probablement. Les gens formés à vocation kamikaze - ce que n'étaient pas les précédents -, qui ne se tirent pas dans le pied ou qui vont acheter des couteaux sur Colissimo. On a affaire à des pros.

 

 

 

 

Peut-on d'ores et déjà imaginer des failles du renseignement sur les auteurs ?

 

On est dans un pays démocratique, libéral, où l'on ne met pas un gendarme derrière chaque citoyen. Malheureusement, huit personnes peuvent facilement frapper un vendredi soir dans les rues de Paris. Il y a néanmoins une faille dans le renseignement par voie technique, d'écoute, au détriment du renseignement humain qui est long, coûteux. Là, on a affaire  des gens qui connaissent aussi le système et qui évitent d'être décelés par des moyens techniques. On n'a plus de boîtes de conserve dans des barbelés qui font du bruit quand quelqu'un passe. Propos recueillis par Xavier Frère

 

 

 



15/11/2015
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