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L'AIR DU TEMPS

la tribune du jeudi 15 janvier 2015

 

 

TERRORISME – Les Kouachi manipulés depuis le Yémen. L’ordre d’attaquer CHARLIE HEBDO émanait d’Al-Zawahiri, le chef d’Al-Quida selon une vidéo authentifiée par les Américains. Al-Quaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa), aussi appelé Al-Quaïda Yémen, a officiellement revendiqué la meurtrière attaque des frères Kouachi contre Charlie Hebdo.

 

 

 

6 complices pourraient avoir participé à la cellule djihadiste des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. La police judiciaire recherche notamment Hayat Boumedienne, la concubine de Coulibaly, deux frères franco-algériens, Mohamed et Mehdi Belhoucine, ainsi qu’un homme vu dans la Mini Cooper de Boumedienne. Tous pourraient avoir fui en Syrie.

 

 

 

« Vous ne serez pas sécurité tant que vous combattrez Allah, son messager et les croyants ». Harith al-Nadhari, un responsable religieux appartenant à Al-Quïda dans la péninsule arabique

 

 

« Des héros ont été recrutés et ils ont agi. Ils ont promis et son passés à l’acte à la grande satisfaction des musulmans » : c’est par ces mots diffusés dans une vidéo de onze minute sur un site islamiste que Nasser al-Ansi, un responsable d’Al-Quaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) a revendiqué hier l’attentat des frères Kouachi contre Charlie Hebdo. « L’opération a été menée sur ordre de note émir général Ayman al-Zawahiri et conformément à la volonté posthume d’Oussama Ben Laden », précise Nasser al-Ansi.

 

 

 

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Les frères Kouachi s’étaient réclamés d’Al-Quaïda au Yémen, d’abord mercredi en braquant un automobiliste à Paris après la tuerie de Charlie Hebdo, puis par téléphone à une chaîne de télévision en continu lors du siège de Dammatin-en-Goële, vendredi.

 

 

 

Dix millions de dollars de mise à prix

 

Moins connu en France qu’Al-Quaïda au Magrhreb islamique (Aqmi), Al-Quaïda dans la péninsule arabique est jugé plus dangereux par les services américains. Wasington offre dix millions de dollars pour toute information conduisant à la localisation de son chef, le Yéménite Nasser Al-Wahychi, et de sept autres dirigeants du groupe. Al-Whaychi a proclamé en juillet 2011 sont allégeance à l’Egyptien Ayman Al-Zawahiri, le nouveau chef d’Al-Quaïda, depuis la mort d’Oussama Ben Laden, tué par les Américains en mai 2011 au Pakistan.

 

 

 

La France dans le viseur

 

L’ombre d’Aqpa plane sur de nombreux attentats à travers le monde et sur le sol yéménite. Aqpa mène régulièrement des attaques meurtrières contre les forces de l’ordre. Le jour même de l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris, une attaque a tué 40 policiers à Sanaa.

 

 

Aqpa a inscrit en 2013 le dessinateur Charb, directeur de Charlie Hebdo, sur la liste des personnes à abattre, et s’en prend régulièrement à la France, coupable à ses yeux d’intervenir au Mali et en Irak.

 

 

 

Les frères Kouachi au Yémen

 

Comment les frères Kouachi sont-ils entrés en contact avec ces djihadistes basés à des milliers de kilomètres de la France ? Des témoignages font état de la présence de Saïd Kouachi, l’aîné, au Yémen dès 2009. Selon le Figaro, il suivait des cours d’arabe à la Sanaa Language school où il a rencontré un étudiant nigérian. Umar Farouk Abdulmutallab. Ce dernier purge actuellement une peine de prison à vie aux Etats-Unis pour avoir tenté de faire exploser l’avion Amsterdam-Détroit le 25 décembre 2009. Chérif Kouachi a rejoint son frère en juillet 2011 via le sultanat d’Oman voisin. Selon un haut responsable yéménite, ils y ont y ont rencontré le prédicateur extrémiste Anouar Al-Aoulaki (cité par Chérif Kouachi lors du siège de Dammartin-en Goële, la semaine dernière) et ont été formés au maniement des armes dans le désert de Marib. Ils sont retournés à Oman, qu’ils ont quitté le 15 août 2011 pour regagner la France.

 

 

 

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 Une ville du Yémen

 

 

 

Contrôle judiciaire

 

Si les voyages en direction de cette région du Globe sont libres, Chérif Kouachi n’aurait jamais dû pourvoir embarquer en 2011 dans un avion pour Mascate, la capitale du sultanat d’Oman. Il était alors sous le coup d’un contrôle judiciaire après avoir été écroué en 2010 dans l’enquête portant sur la tentative d’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l’attentat du RER C en 1995. Ce « raté » à la frontière ne manque pas d’interpeller, tout le fait que Chérif (et Saïd) Kouachi étaient fichés par les services anti-terroristes américains. En France ils ont réussi à se faire oublier malgré un passé chargé !. P.F.

 

 

 

 

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Au moins six personnes dans la cellule

 

Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly auraient pu appartenir à une cellule terroriste composée d’au moins six autres personnes, selon l’agence Associated Press. Les autorités turques reconnaissent officiellement que Hayat Boumedienne, 26 ans, la concubine de Coulibaly, a rejoint la Syrie via Istanbul, probablement le 8 janvier, c’est-à-dire au lendemain de l’attaque contre Charlie Hebdo. Elle aurait quitté la France dès le 2 janvier, c’est-à-dire avant l’attaque, par Madrid.

 

 

 

L’homme a la Mini Cooper

 

La police judiciaire est également à la recherche d’un homme qui a été vu en région parisienne, au volant d’une Mini Cooper appartenant à Hayat Boumedienne. Le beau-frère de Chérif Kouachi, Mourad Hamyd, qui s’est présenté de lui-même à la police de Charleville-Mézières où il est lycéen, a été mis hors de cause définitivement.

 

 

 

Hollande veut suspendre la réduction de militaires

 

Changement, voire suspension, de la réduction du nombre de soldats ? C’est le souhait de François Hollande. Lors de ses vœux aux Armées, sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, le chef de l’Etat a annoncé que la « situation que nous connaissons doit conduire à revenir sur le rythme de réduction des effectifs programmé pour les trois prochaines années dans le cadre de la loi de programmation militaire. Je demande au ministre de la Défense de me faire des propositions d'ici la fin de la semaine, en tenant compte évidemment de nécessités budgétaires". Il tiendra un conseil de Défense sur cette question mercredi prochain et "prendra aussitôt la décision".

 

 

 

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Porte avion Charles-de-Gaulle

 

 

 

Votée en décembre 2013, la loi de programmation prévoit 190 milliards d'euros de crédits pour la période 2014-2019, avec un budget annuel maintenu à 31,4 milliards d'euros. Le texte prévoyait la suppression de 34 000 postes dans les armées en six ans, dont 7 881 en 2014.

 

 

 

 

QUESTIONS A YVES BONNET

 

 

Ancien patron de la surveillance du territoire

 

 

 

« Ils reviennent du Yémen avec une vraie formation »

 

 

 

Qu’est-ce qui a changé au cours de ces trente dernières années ?

 

A l’époque, le terrorisme répondait à une logique identitaire, en aucun cas messianique. Pour vous dire, on ne s’intéressait que très peu aux mosquées. Certes dans le modus operandi, les actes n’ont pas véritablement évolué, mais désormais nous faisons face à un fanatisme qui n’existait pas avant. Aujourd’hui, la vie des terroristes ne compte plus à leurs yeux. Dès lors, l’adversaire s’avère plus dangereux et imprévisible. Naguère, ces personnes se ménageaient des portes de sortie, ils les ferment sur eux dorénavant. On a complètement changé de dimension.

 

 

 

L’armement n’est-il pas une autre évolution ?

 

On peut dire que celui des policiers n’a, globalement, pas tellement changé contrairement à ces terroristes. Lesquels reviennent de Syrie, d’Irak et surtout du Yémen avec une vraie formation militaire. Ils ont appris à se servir des armes qui leur sont distribuées. Ce qui pose la problématique de la formation des forces de l’ordre par rapport à certaines situations d’urgence. Voilà qui me paraît plus urgent que de nouveaux décrets venant assortir un arsenal législatif suffisant.

 

 

 

En quoi la menace a-t-elle évoluée ?

 

En ce qui concerne les Français, elle se limitait à l’époque, pour ainsi dire, aux activistes d’Action directe. Elle est aujourd’hui beaucoup plus prégnante avec le départ de centaines de jeunes. Là aussi, la dimension est tout autre. Il est beaucoup plus difficile qu’auparavant de traiter les individus compte tenu de leur nombre. En ce sens, je considère que le problème des moyens n’est pas suffisamment pris en compte. Plutôt que mettre des effectifs en faction devant les monuments, ce qui à mon sens ne sert à rien, on ferait mieux de consacrer cet argent à des recrutements et des formations. Recueilli par Sébastien Michaux

 

 

 

 

REPERES

 

 

Le président yéménite solidaire

 

Le président Abd Rabbo Mansour Hadi a exprimé la « solidarité totale de son pays avec le peuple français ». Mais, a-t-il ajouté, « nous tenons à souligner que le Yémen est très affecté par le terrorisme qui lui vient de l’extérieur et qu’il ne réexporte pas, comme le prétendent certain » . « Le jour même (de l’attaque à Paris), le Yémen a souffert d’un crime terroriste », a indiqué M. Hadi, à propos d’un attentat à Sanaa qui a fait 40 morts.

 

 

 

Mauvaise coopération

 

Des responsables des services de sécurité yéménites se sont plaints d’un manque de coopération des Français et des Américains, affirmant n’avoir pas été informés que les frères Kouachi étaient sous surveillance.

 

 

 

Au bord du chaos

 

Le Yémen est un pays au bord du chaos, avec des violences provoquées non seulement par Al-Quaïda mais aussi par des miliciens chiites qui contrôlent la capitale Sanaa depuis septembre.

 

 

 

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 Sanaa

 

 

Le Yémen abcès de pauvreté

 

Le Yémen était autrefois décrit comme « l’Arabie heureuse ». Le temps est loin… Depuis cinquante ans, le pays a été traversé par toutes les tensions du monde moderne, y compris la guerre froide. Le nord, longtemps contrôlé par l’empire Ottoman, a connu une âpre lutte, dans les années 1960, entre républicains et monarchistes soutenus par l’Arabie saoudite voisine. C’est la république qui a gagné, mais l’autocratie incarnée par le président Saleh qui a triomphé.

 

 

 

Le sud, sous coupe anglaise, est devenu, à son indépendance en 1967, une république populaire de type soviétique. A l’entrée de la Mer Rouge qui mène au canal de Suez, le Yémen occupe, pour son malheur, une position stratégique. Unifié en 1990, le pays (qui est presque aussi grand que la France avec ses 526 000 km2) a sombré dans des guerres civiles en 1994, 2004 et 2006. En jeu, l’autonomie du sud longtemps défendues, bien que teintée de socialiste, par l’Egypte, la Grande-Bretagne ou encore la Russie contre le nord conservateur appuyé par l’Arabie saoudite (et les USA), mais aussi des querelles tribales et religieuses.

 

 

 

En 2004, la « guerre du Saada » a opposé la minorité chiite zaydite des montagnes qui longent l’Arabie saoudite au régime sunnite du président Saleh. Entouré des riches voisins saoudien et omanais, le Yémen est le parent pauvre de la péninsule arabique et s’est petit à petit transformé en foyer islamiste dont les répercussions se font sentir dans le sultanat voisin d’Oman. Un seul exemple, vécu dans un avion intérieur omanais reliant Mascate à Salallah, non loin de la frontière yéménite : au départ, les hôtesses sont habillées comme n’importe quel équipage du monde. A l’approche de l’atterrissage, elles revêtent les voile islamique… Avec l’aide du nouveau président Hadi, les Américains mènent au Yémen une guerre de drones qui a déjà fait des centaines de morts « ciblés ».

 

 

 

 

TERRORISME - Apologie : multiplication des peines. La ministre de la Justice demande l'intransigeance en s'appuyant sur la loi de septembre 2014. Face à l'apologie et à la menace d'actes terroristes, le gouvernement et les magistrats ont choisi fermeté et exemplarité.

 

 

 

54 procédures

 

D'ordinaire bien lente, la justice applique la loi dite Cazeneuve du 18 septembre 2014 avec célérité, multipliant poursuites et comparutions immédiates : 54 procédures engagées, une trentaine de jugements prononcés et des peines de prison ferme qui tombent.

 

 

 

Hier encore un homme de 28 ans qui avait crié à l'adresse de policiers "Ils ont tué Charlie, moi j'ai bien rigolé", a été condamné à six mois de prison ferme à Bourgoin-Jallieu (Isère). Un autre de 22 ans a écopé d'un an de prison ferme pour avoir posté et commenté positivement la vidéo sur laquelle on voit Chérif Kouachi abattre le policier Ahmed Merabet. Une adolescente de 14 ans est mise en examen à Nantes pour avoir lancé dans un tram : "On est les soeurs Coulibaly, on va sortir les kalachnikov".

 

 

 

Dix-huit procédures ont également été ouvertes pour des tags, dix pour des dégradations sur des mosquées, onze pour des tracts anti-musulmans, 19 pour des infractions commises contre les forces de l'ordre et quatorze pour des cyber-attaques. La circulaire de la ministre de la justice Christiane Taubira, qui donne des consignes de réactivité et d'intransigeance est donc appliquée.

 

 

 

101 C'est le nombre de procédures ouvertes depuis mercredi 7 janvier pour apologie de terrorisme, dégradations volontaires de lieux de culte, actes ou propos à caractère raciste et antisémite Toutes en lien avec les attentats.

 

 

 

 

QUESTIONS à Jacqueline COSTA LASCOUX

 

 

 

Sociologue, ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration

 

 

 

"Il y a des milliers de Kouachi en puissance"

 

 

 

Les attentats signent-ils l'échec de l'intégration à la Française ?

 

 

L'intégration est un processus par lequel des personnes ou des groupes différents travaillent ensemble à créer une société nouvelle. En France, cette philosophie a perdu son sens quand elle s'est inspirée des catégories ethniques à l'anglo-saxonne et s'est transformée en une "assimilation soft". En ciblant sur des publics spécifiques, elle a renforcé le communautarisme, les discriminations et les inégalités.

 

 

 

L'école a été ébranlée par les minutes de silence perturbées...

 

Depuis des années, j'alerte sur ce qui se passe dans les établissements scolaires. Les tensions se cristallisent autour de la laïcité. L'institution est gênée dans sa réponse. Face à un élève qui arrive en djellaba dans un atelier de mécanique, on s'interroge s'il s'agit d'un signe d'appartenance religieuse  ou pas [...] il faut reprendre les choses à la base, en discutant avec les élèves : sur les notions de liberté, d'égalité entre les garçons et lies filles... Derrière, ils ont souvent une grande ignorance de la religion et un immense désarroi. L'heure n'est pas à la réforme des programmes ni au changement des notes. L'urgence est ailleurs. Les élèves se sentent humiliés et se réfugient dans une violence contre tout ce qui incarne l'institution.

 

 

 

Etes-vous pessimiste ?

 

Si la classe politique, l'école, les syndicats et les associations institutionnalisées ne sont pas à la hauteur des attentes, le danger est grand [...] Ne cédons pas à la répression, et construisons une intelligence collective pour intégrer ces jeunes qui se sentent humiliés dans la République. Il y a des milliers de Kouachi et Coulibaly en puissance. Si nous ne changeons pas radicalement d'approche, ce qui s'est produit peut se reproduire et nous serons dans ce que certains ont appelé le "troisième conflit mondial". Recueilli par Elodie Bécu

 

 

 



16/01/2015
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