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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le samedi 21 juillet 2018

 

 

"Il n'était pas considéré comme n'importe qui" : le rôle trouble d'Alexandre Benalla auprès de la police

 

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Elise LambertFrance Télévisions

 

 

 

L'homme de 26 ans a été filmé en train de violenter un manifestant lors d'un rassemblement à Paris le 1er-Mai. Ce chargé de mission de l'Elysée a participé à de nombreuses manifestations publiques aux côtés des forces de l'ordre, dans des circonstances qui restent encore à déterminer

 

 

 

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Alexandre Benalla accompagne Emmanuel Macron lors d'un déplacement à Villers-Cotterêts (Aisne), le 17 mars 2017. (PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS)

 

 

 

Quel était exactement le rôle d'Alexandre Benalla ? Après les révélations du Monde sur l'adjoint au chef de cabinet d'Emmanuel Macron, plusieurs fonctionnaires de police expriment leur stupéfaction et leur colère au regard de la place accordée à cet "observateur" de l'Élysée dans leurs rangs. À de nombreuses reprises, Alexandre Benalla a participé à des manifestations publiques auprès de la police, sans que son rôle ne soit clairement défini.

 

 

Aujourd'hui sous le feu des projecteurs, l'homme a été repéré à plusieurs reprises lors d'actions sécuritaires. Le 1er-Mai, il est filmé en train de brutaliser un jeune homme et une jeune femme lors d'un rassemblement place de la Contrescarpe dans le 5e arrondissement de Paris. Lors d'un meeting à Caen, en mars 2017, il aurait soulevé, selon Le Monde, un photographe local qui s'était approché un peu trop près – à son goût – du candidat Macron. Il a également participé à la panthéonisation de Simone Veil et il sécurise l'arrivée des Bleus à l'Elysée après la Coupe du monde. Officiellement, il n'est pourtant "que" "chargé de mission" pour l'Elysée.

 

 

Un observateur qui "avait en partie la main"

 

Le visage d'Alexandre Benalla semble être connu de nombreux fonctionnaires de police, mais peu d'entre eux connaissaient son nom il y a encore deux jours. Le 1er-Mai, il est intégré à la manifestation auprès de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) – alors qu'il est en congés – à la demande de l'Elysée, sans l'intervention du ministère de l'Intérieur, note Le Monde. "Je l'ai vu lors de déplacements présidentiels, il s'occupait souvent de Brigitte Macron, quand elle sortait, allait voir ses enfants, raconte Axel Ronde, secrétaire général CGT-Police Ile-de-France à franceinfo. Je n'ai pas fait très attention à lui. Au départ, on pensait qu’il faisait partie du dispositif de sécurité, qu’il était un gradé de la police nationale."

 

 

"Il était connu de la police. Lors des dispositifs, il avait en partie la main, ce qui énervait une partie du GSPR [Groupe de sécurité de la présidence de la République, chargé de la sécurité du président] et les policiers locaux... Sa mission n'était pas très claire, renchérit Alexandre Langlois, secrétaire général de la CGT-Police à franceinfo. Là, on avait un intermédiaire qui faisait doublon avec le travail du GSPR."

 

 

Normalement, on ne peut pas recevoir d'ordre de quelqu'un qui n'est pas policier, mais il y avait un flou autour de son identité.Alexandre Langlois, CGT-Policeà franceinfo

 

 

Le 1er-Mai, Alexandre Benalla accompagne les policiers en tant qu'"observateur", une position accordée occasionnellement à des personnes extérieures : journalistes, chercheurs, magistrats... En revanche, "il assez rare que ce soit un membre de ministère ou de l’Elysée, même si ce n’est pas une hérésie", précise Patrice Ribeiro du syndicat de police Synergie-officiers au Monde. Sur place, l'observateur est encadré par le commissaire de la DOPC Philippe Mizerski, précise Buzzfeed. Le secteur est placé sous l'autorité déléguée du commissaire Maxence Creusat, membre de l'état-major de la DOPC, dirigé par Alain Gibelin.

 

 

"Ce n'est pas la première fois qu'il vient sur un service d'ordre ou qu'il vient se mêler à des services de police", renchérit David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) à franceinfo. Il est "régulièrement sur les dispositifs opérationnels, il pilote différentes choses, sans qu'on sache qui l'a mandaté pour ça".

 

 

Équipé comme un policier

 

Selon les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, Alexandre Benalla porte une veste sombre, un casque de police, mais aussi un brassard de police et un talkie-walkie. Un équipement peu habituel pour un "observateur", selon plusieurs fonctionnaires. "On peut donner un casque aux observateurs pour les protéger physiquement, mais certainement pas un brassard, cela a été fait pour tromper les personnes autour de lui, s'indigne Alexandre Langlois. Les observateurs restent toujours derrière les policiers et n'interviennent pas." 

 

 

Autre interrogation, l'équipement de sa voiture de fonction. Selon une photographie que BFMTV a pu se procurer, la véhicule d'Alexandre Benalla est doté de dispositifs lumineux à l'avant de la voiture et derrière le pare-brise. "Ce genre de dispositifs est utilisé sur les voitures de police ou de personnalités, comme le président, les ministres... Là, il s'agit sûrement d'une voiture mise à disposition par l'Élysée et qui appartient au ministère de l'Intérieur", reprend Axel Ronde. Franceinfo n'a pas pu vérifier dans quelles conditions Alexandre Benalla avait obtenu ce véhicule, ni s'il le conduisait lui-même.

 

 

On ne donne pas un véhicule de cette gamme-là à n’importe qui, même un directeur de police n’a pas ce véhicule-là. Cela prouve qu'il n'était pas considéré comme n'importe qui.Axel Ronde, CGT-Policeà franceinfo

 

 

"On est en plein dans le schéma d'une police parallèle"

 

Pour beaucoup, Alexandre Benalla a pu agir en toute impunité à cause de ses liens avec l'Élysée. "Il suffit d’avoir une carte de l'Élysée pour que tout le monde trembleconfie un syndicaliste à franceinfo. "L’Élysée, ça fout la trouille à tout le monde", lâche au Monde Philippe Capon, du syndicat de gardiens de la paix Unsa-Police.

 

 

Une "révérence" telle que peu de policiers auraient osé poser de questions sur son identité. "Comme il était accompagné de supérieurs, les policiers sur le terrain ne se sont sans doute pas posé de questions. Et puis, les équipes de CRS bougent sans cesse, elles ne connaissent pas forcément tout le monde, explique Yves Lefebvre, secrétaire général unité SGP Police FO à franceinfo. Je suis convaincu que si les CRS avaient su que cet individu n’était pas un policier, l'affaire aurait fuité depuis longtemps !"

 

 

Puisqu'il est avec le chef de service, personne ne va se permettre de lui demander qui il est. Pour les policiers, il est manifestement un haut responsable de la police nationale.Yves Lefebvre, Unité SGP-Police FOà franceinfo

 

 

Pour ces membres des forces de l'ordre, la vraie question est de savoir qui a autorisé Alexandre Benalla à porter les insignes de policier et à agir aux côtés des forces de l'ordre comme un des leurs. "On est en plein dans le schéma d'une police parallèle, avec une personne qui semble agir comme un policier et avoir la protection de la haute hiérarchie policière", s'indigne Yves Lefebvre. 

 

 

Après deux jours de polémique, Alexandre Benalla a été placé en garde à vue vendredi pour violences en réunion par personne chargée d'une mission de service publique, usurpation de fonctions, port illégal d’insignes réservés à l'autorité publique, complicité de détournement d'images issues d'un système de vidéoprotection. 

 

 

La veille, trois policiers de la préfecture de police de Paris ont été suspendus. Un commissaire, un commandant et un contrôleur général sont soupçonnés d’avoir copié des extraits d’images de caméras de vidéosurveillance, qui appartiennent à la préfecture de police de Paris et de les avoir transmis à Alexandre Benalla. "C'est la première fois que j'entends parler de ça en trente-six ans de police, s'exclame Yves Lefebvre. Et pourtant j'ai été flic au temps du SAC ![le service d'action civique, au service du général de Gaulle]."

 



21/07/2018
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