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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le mercredi 3 janvier 2018

 

 

"Le manque d'espoir et la déprime sont de plus en plus forts" : des Iraniens racontent pourquoi ils manifestent

 

 

 

Décembre 2017. (MEHR NEWS / AFP)

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Margaux Duguet France Télévisions

 

Depuis plusieurs jours, ce pays de 83 millions d'habitants est le théâtre de violentes protestations contre les difficultés économiques et le pouvoir politique. Joints par franceinfo, des Iraniens témoignent de l'ambiance qui règne chez eux

 

 

"Tout est compliqué ici, soupire un étudiant de Téhéran. J'ai appris que certains de mes amis ont été arrêtés pour avoir fait ce genre de choses." Il n'en dira pas plus. "Ce genre de choses", c'est-à-dire parler à un média étranger, peut coûter très cher en Iran. Surtout en ce moment. Depuis le 28 décembre, le pays est secoué par des manifestations contre le coût de la vie et le régime. Vingt et une personnes, dont 16 manifestants, ont été tuées durant ces rassemblements, les plus importants depuis la contestation contre la réélection de l'ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009. En réaction, le gouvernement du président Hassan Rohani et les autorités religieuses ont accusé des puissances étrangères, dont les Etats-Unis, d'agir en coulisses.

 

 

 

L'accès aux réseaux sociaux comme Instagram ou aux messageries chiffrées comme Telegram a été restreint. Les conversations sont extrêmement contrôlées. "Tous nos messages sont sous étroite surveillance et n'importe quoi, même un simple mot, peut entraîner des conséquences judiciaires graves, raconte un Iranien terrorisé. Nous avons aussi reçu des menaces nous intimant de ne pas participer aux manifestations ou de ne pas partager d'informations avec qui que ce soit." Malgré la peur, des Iraniens ont accepté d'expliquer à franceinfo ce qui se passe dans leur pays et pourquoi certains d'entre eux ont choisi de descendre dans la rue. 

 

 

 

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"Un jour viendra où je n'aurai plus de travail"

 

Il en rigolerait presque. Au beau milieu de la conversation, sur WhatsApp, Ali* glisse un "moi, je n'ai pas peur de parler. Mais s'ils m'arrêtent demain, vous saurez pourquoi". Cet ingénieur manifeste presque tous les soirs depuis le début du mouvement dans sa ville d'Ispahan, dans le centre de l'Iran. Les conditions économiques se sont tellement dégradées qu'il n'a pas hésité à se mobiliser. 

 

 

 

Je travaille pour une société privée et ça fait cinq mois qu'on ne me verse pas mon salaire. C'est difficile, trop difficile.

Ali*, ingénieur à Ispahan

à franceinfo

 

 

Pour joindre les deux bouts, en plus de son travail, Ali rénove des halls d'immeubles et rêve d'"émigrer". "En ce moment, il y a beaucoup de problèmes. Les prix augmentent de plus en plus. Il y a beaucoup de jeunes qui ont étudié à l'université, mais il n'y a pas de travail pour eux, détaille-t-il. La situation est pire qu'en 2009. A l'époque, les manifestations n'étaient que politiques mais là, elles sont aussi une réaction à la situation économique. Et puis, en 2009, les pauvres étaient avec Ahmadinejad. Maintenant, ils sont dans l'opposition."

 

 

Les Iraniens des classes populaires et moyennes ne ressentent pas, en effet, les retombées de la politique du président Hassan Rohani, en particulier celles attendues après l'accord de 2015 qui a levé les sanctions économiques en échange de l'arrêt du programme nucléaire de Téhéran

 

 

Ali sent qu'il n'aura bientôt plus rien à perdre. "Si les prix augmentent encore, un jour viendra où je n'aurai plus de travail et plus d'argent. Si le gouvernement ne change pas sa politique, ce sera bientôt", pronostique-t-il. Mardi soir encore, il était dans la rue malgré "les policiers beaucoup plus nombreux" qu'auparavant. Avec une amie, il continue de filmer la colère de ses compatriotes.

 

 

 

"La situation devient de pire en pire"

 

D'autres Iraniens attendent cependant d'y voir plus clair avant de rejoindre le mouvement. C'est le cas d'Hamif*, 33 ans et manager à Téhéran. Ancien étudiant activiste ayant participé aux manifestations de 2009, il reste un peu sceptique sur ces nouvelles protestations. "Je préfère attendre et ne pas participer pour l'instant. Leurs revendications ne sont pas très claires. Ils savent ce qu'ils ne veulent pas, mais ils ne savent pas ce qu'ils veulent. Et puis, il n'y a pas de leadership pour le moment", regrette-t-il au bout du fil. 

 

 

Hamif est néanmoins bien conscient du danger de la situation. "Le gouvernement d'Ahmadinejad a passé beaucoup de contrats avec des sociétés privées et maintenant, le gouvernement actuel a beaucoup de dettes envers ce secteur privé. Et il ne peut pas payer. Conséquence : les entreprises ne peuvent plus verser leurs salaires aux travailleurs, explique ce féru de philosophie. Cela devient de pire en pire."

 

 

 

La situation est très fragile. A la moindre étincelle, tout peut s'embraser.

Hamif*, manager à Téhéran

à franceinfo

 

 

Hamif dit encore "craindre pour l'avenir". "J'ai peur parce qu'aucun pays dans le monde n'a obtenu la liberté et la démocratie sans la violence et la révolution", assure-t-il. 

 

 

 

Soif de démocratie

 

Une crainte qu'a décidé d'ignorer Pouria*, étudiant à Ispahan. A 27 ans, il est descendu deux fois dans la rue, pas plus, car "nous sommes en pleine période d'examens". Il affirme ne pas avoir peur de manifester. "Je sais quand je peux y aller, où je peux me placer et quand il est temps de partir", explique-t-il. Lui proteste surtout pour plus de démocratie et rêve de "liberté d'expression, de droits pour les femmes et de réformes de l'économie et de la politique étrangère".

 

 



04/01/2018
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