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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le mercredi 22 mai 2019

 

 

"Ici, l'Europe est à la fois proche et lointaine" : Behren-lès-Forbach, ville frontalière de l'Allemagne et championne de l'abstention

 

 

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Noémie BonninRadio France
 

 

 

Les élections européennes font partie des scrutins qui mobilisent le moins les électeurs. À Behren-lès-Forbach, en Moselle, l'abstention a dépassé les 82% au dernier scrutin de 2014. Malgré la proximité de l'Allemagne, les habitants ne s'intéressent pas au scrutin européen

 

 

 

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La ville de Behren-lès-Forbach, en Moselle. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

On a un pied là, mais en un rien de temps on est là-bas. C'est un lien quotidien, fort, depuis des années, on est habitué à vivre avec l'Allemagne", témoigne un habitant, attablé au café de la Poste de Behren-lès-Forbach, petite commune populaire de 6 000 habitants, en Moselle. La frontière est à moins de dix kilomètres d'ici. "Je fais tous mes achats là-bas, c'est beaucoup moins cher. Sauf le pain, je l'achète ici", complète Michel. Le temps où l'on devait aller à Nancy, à 100 kilomètres de là, pour faire son visa, est bien loin : aujourd'hui, certains travaillent de l'autre côté de la frontière, beaucoup y font leurs courses, moins chères.

 

 

 

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Le café de la Poste de Behren-lès-Forbach. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

Oui, l'Europe a donc son intérêt pour les Behrenois. Mais les élections européennes ? "Non je ne veux pas en parler, de toute façon il n'y a rien qui changera", lance, bougonne, cette habitante. Aux dernières élections européennes de 2014, Behren-lès-Forbach a battu un record : c'est la ville de métropole qui s'est le moins mobilisée, avec 82,58% d'abstention. Cette année, l'abstention pourrait atteindre les 60%, selon les derniers sondages.

 

 

Dans les allées du marché, on ne peut effectivement pas dire que les habitants de Behren soient passionnés par cette campagne des européennes. "Ça ne m'intéresse pas", affirme Aïcha. Elle et son amie habitent ici depuis 1961. "C'est toujours des promesses, mais on n'a rien à la fin. On paie, on paie, on paie et on n'a pas de résultat. Surtout pour les retraités, mon mari et moi on n'arrive pas à joindre les deux bouts."

 

 

 

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Le marché de Behren-lès-Forbach, dans la partie "cité" de la ville.  (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

"Les gens sont devenus méfiants par rapport à 2005, quand les gens ont voté non au référendum. Jacques Chirac a quand même fait ce qu'il voulait. Moi je ne suis pas d'accord ! Je me suis déplacée, c'est du foutage de gueule", explique la dame, cabas remplis à la main. Aucune des deux voisines n'ira voter dimanche.

 

 

 

"Toujours les mêmes au pouvoir"

"Bonjour messieurs-dames ! Faut aller voter dimanche pour mettre une claque à Macron. Ce serait un beau geste pour la fête des mères, vous ne croyez pas ?" Ce sont les derniers jours avant l'élection, les dernières opérations de tractage aussi. Plusieurs militants de La France insoumise sont là. "L'accueil est plutôt bon. Mais ce qui ressort le plus, c'est un dégoût pour la politique de Macron et pour sa personne en lui-même. Il y a un rejet énorme", témoigne Jonathan Outomuro. "J'avais connu ça un peu avec François Hollande pendant la présidentielle, mais là c'est incomparable."

 

 

Les gens ont une haine pour Emmanuel Macron, en tant que militant je n'avais jamais connu ça. Dans de nombreux propos il a manqué de respect aux gens, ils ne le supportent plus.Jonathan Outomuro à franceinfo

 

 

Dégoût du chef de l'État ? Pas seulement, analyse le militant. "Il y a un dégoût général de la politique, ce qui explique aussi les taux d'abstention assez importants ici. Beaucoup de gens, notamment ici, sont désabusés et ne croient en rien. C'est difficile en tant que militant, mais on est là pour ça aussi et on fait le boulot", confie Jonathan.

 

 

 

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Des militants de La France insoumise en plein tractage au marché de Behren-lès-Forbach.  (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

Le Parti communiste est aussi présent au marché de Behren. "Un taux d'abstention si important, bien-sûr que ça alerte, c'est alarmant", juge Ralf Blindauer, l'un des colistiers communistes. "On voit à peu près de quoi ça vient : le sentiment que quoi qu'on fasse, c'est toujours les mêmes qui sont au pouvoir, c'est toujours la même politique qu'on fait. On change les têtes, mais les résultats concrets sur le terrain sont toujours les mêmes."

 

 

La politique s'est éloignée. Mais l'Europe ? "On la vit au quotidien ici. Mais le fait qu'on puisse peser sur les choix européens n'est pas encore rentré dans les consciences. L'Europe est à la fois proche et lointaine : proche par ce qu'on vit et lointaine par la distance qu'il y a par rapport aux prises de décisions", selon le militant communiste.

 

 

 

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Dialogue entre des habitants de Behren-lès-Forbach et des militants du Parti communiste. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

Une Europe "pratique" pour les enfants d'immigrés italiens et polonais

La ville de Behren-lès-Forbach a la spécificité d'être quasiment "coupée" en deux. On quitte le marché, dans la partie cité, pour rejoindre le village. On laisse les barres d'immeubles pour trouver des petites maisons résidentielles, c'est là que Michel Obiegala nous accueille. "Vous avez vu ? Ma maison est aux couleurs de la Pologne : rouge et blanc", confie dans un sourire l'ancien maire de la ville (2001-2008), petit-fils d'immigré polonais.

 

 

 

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L'ancien maire de Behren-lès-Forbach, Michel Obiegala. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

"Les banlieues ont cette caractéristique, donc Behren rentre dans la droite file de ce qu'on voit ailleurs, ici on est moins intéressé par les élections. Ce qui ne signifie pas qu'on ne soit pas intéressé par l'Europe. Elle nous intéresse de près même : elle permet aux ressortissants issus d'Italie, de Pologne, d'ex-Yougoslavie ou d'ailleurs en Europe d'avoir beaucoup plus de facilités aujourd'hui." Dans cette ville de mineurs, en plein bassin houiller, les vagues d'immigration se sont succédé : aux Italiens et Polonais entre les années 20 et 50 se sont ajoutés les Maghrébins, dans les décennies 50 et 60.

 

 

Les déplacements, la monnaie unique, le téléphone, tout est facilité en Europe aujourd'hui. C'est pratique pour nos familles, on n'a plus de tracasseries administratives.Michel Obiegala à franceinfo

 

 

"Par contre, le fait de voter pour quelqu'un… c'est autre chose. On ne se sent pas vraiment représentés", explique Michel Obiegala. "L'intérêt pour les élections, pour le fait électoral, c'est différent."

 

 

 

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La frontière est désormais symbolique entre la France et l'Allemagne. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

 

 

 

L'ancien maire a toujours connu cette abstention forte, à tous les scrutins quasiment – la présidentielle et les municipales étant un peu plus mobilisatrices. "Les gens se sentent oubliés, floués par les politiques en règle générale, ils n'y trouvent pas leur compte. C'est un peu le sentiment global au niveau de l'ensemble du département, dans le bassin houiller en particulier. Les anciens mineurs et leurs familles se sentent laissés pour compte. L'avenir des enfants des anciens mineurs n'a pas été assuré par les différentes instances politiques."

 

 

Les élections de ces dernières années ne donnent pas toutes les mêmes résultats. Si le Front national est arrivé en tête aux dernières européennes (2014) et législatives (juin 2017), Jean-Luc Mélenchon était arrivé largement en tête, devant Marine Le Pen, au premier tour de la présidentielle (avril 2017).

 



21/05/2019
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