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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le vendredi 6 décembre 2019

 

 

"Un air de Mai-68 en hiver" : des syndicalistes se souviennent des grandes grèves de 1995

 

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Vincent MatalonFrance Télévisions

 

 

Alors qu'un mouvement important de mobilisation contre la réforme des retraites a débuté jeudi, franceinfo revient sur la grève majeure qui avait paralysé une partie de la France durant près d'un mois, il y a 24 ans

 

 

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De membres de la CGT et de Force ouvrière défilent contre la réforme des retraites et de la Sécurité sociale, le 5 décembre 1995, à Paris. (CHAMUSSY / SIPA / SIPA)

 

 

 

"Je me souviens d'interminables trajets à vélo dans Paris, dans un froid terrible. Il avait même neigé !" Comme Maria, professeure des écoles parisienne, aujourd'hui âgée de 57 ans, de nombreux Français gardent un vif souvenir des grandes grèves de fin novembre et décembre 1995. Tandis qu'une mobilisation importante contre la réforme des retraites a débuté, jeudi 5 décembre, franceinfo a interrogé des syndicalistes mobilisés à l'époque. Jusqu'à deux millions de personnes avaient alors défilé dans les rues pour réclamer la fin du "plan Juppé", qui combinait une réforme de la Sécurité sociale à celle – déjà – du système des retraites.

 

 

>> Transports perturbés, évolution de la mobilisation... Suivez la grève du 6 décembre contre la réforme des retraites

 

 

 

"Un fort soutien de la population"

Lorsqu'on lui demande si les grèves à la SNCF et la RATP avaient provoqué un fort agacement dans la population, Christian Mahieux n'hésite pas longtemps. "On l'entend à chaque mobilisation", répond celui qui a cofondé SUD-Rail, l'année suivante. "C'est vrai qu'à partir du moment où on fait un boulot utile socialement, et que ce travail s'arrête subitement, c'est une vraie gêne pour la collectivité", reconnaît l'ancien cheminot parisien, qui travaillait au guichet de la gare de Lyon en 1995. Pourtant, "ça n'a pas empêché, à l'époque, de constater un fort soutien et la compréhension de la population".

 

 

 

Un cheminot brandit un fumigène, lors d\'une manifestation contre le plan Juppé, le 5 décembre 1995, à Paris.

Un cheminot brandit un fumigène, lors d'une manifestation contre le plan Juppé, le 5 décembre 1995, à Paris. (PASCAL GUYOT / AFP)



Alors syndiqué à la CFDT, le sexagénaire retraité garde le souvenir d'une période "très forte, en termes de lutte" à la SNCF. "Pour nous, 1995 s'inscrivait dans l'héritage direct de la grève qui a duré de décembre 1986 à janvier 1987", rappelle Christian Mahieux. C'est là qu'étaient apparues, à la SNCF, "des pratiques démocratiques qui ont fait date, comme les assemblées générales, service par service, et l'ouverture des discussions aux sujets politiques", détaille celui est aujourd'hui engagé au sein de l'Union syndicale Solidaires.

 

 

Pour l'ancien cheminot, le mouvement actuel part plus fort qu'en 1995, quand les syndicats appelaient chacun à la mobilisation à une date différente, sans qu'il soit question de grève illimitée. "Cette fois, on voit des appels syndicaux et interprofessionnels à une grève reconductible, dès le 5, note Christian Mahieux. Toute la question sera de trouver la capacité à lancer une vraie dynamique, pour durer comme en 1995", analyse ce syndicaliste chevronné, pour qui une des solutions pourrait venir d'une convergence avec les "gilets jaunes". "L'enjeu va consister à nouer un vrai lien avec ceux qui occupaient les ronds-points partout en France", estime-t-il.

 

 

 

"On huait la secrétaire générale de la CFDT !"

Comme Christian Mahieux, Jean-François a participé à ces impressionnantes manifestations interprofessionnelles, dans les rues de Paris. "On entendait des tambours, les cheminots avaient ramené des torches… Ça tranchait avec l'ambiance qu'on connaissait jusqu'alors", sourit l'ancien instituteur, qui se présente comme un "dinosaure de 65 ans".

 

 

On traversait Paris à pied pour assister à de grands débats, autour de la Pitié-Salpêtrière, puis on se retrouvait autour de braseros à la gare d'Austerlitz. Je finissais mes journées épuisé. Jean-François à franceinfo

 

 

A l'époque, lui aussi était membre de la CFDT. Cette période lui a laissé un souvenir syndical amer. La secrétaire générale d'alors, Nicole "s'était prononcée contre le volet 'retraites' du plan Juppé, tout en approuvant le volet qui concernait la Sécu !", se remémore le retraité. Une position "inacceptable", pour Jean-François et plusieurs de ses "camarades", qui décident alors d'empêcher Nicole Notat d'accéder à la manifestation parisienne du 24 novembre. "On la huait, on criait à la trahison, on appelait à sa démission !", raconte l'ancien instituteur.

 

 

 

 

 

 

"Nicole Notat a finalement réussi à regagner sa bagnole, raconte-t-il encore, mais la situation a un peu chauffé avec les membres de son service d'ordre." Parmi eux, François Chérèque, qui succédera à Nicole Notat en 2002. Avec le recul, Jean-François revoit dans ce moment une scène "déterminante, dans l'histoire du divorce entre la CFDT et une frange de ses adhérents", partis ensuite gonfler les rangs de la CGT et de SUD.

 

 

 

"La dernière victoire syndicale d'ampleur"

Cette culture du débat syndical et politique a marqué Maria, au moins autant que les trajets à vélo dans un Paris glacé. "Je me rappelle d'AG enthousiasmantes à la gare du Nord", sourit celle qui était alors conseillère principale d'éducation dans un collège de la capitale, sans engagement syndical. "Des personnes précaires ou non syndiquées prenaient la parole au milieu de cheminots en grève", détaille-t-elle.

 

 

Alors que le mouvement était parti des transports, on assistait peu à peu à une fusion des différentes revendications. Maria à franceinfo

 

 

La quinquagénaire avait alors "le sentiment d'assister à un Mai-68 en plein hiver" (c'était en réalité la fin de l'automne). Elle garde un souvenir d'autant plus puissant de cette fin d'automne 1995 que la saison s'est conclue par une reculade du gouvernement d'Alain Juppé, sur le dossier des retraites. Un synonyme de "victoire". "J'étais vraiment heureuse de le voir, tout penaud, retirer sa réforme", raconte la professeure des écoles. "En plus, c'est dans mon souvenir la dernière victoire syndicale d'ampleur", croit Maria, qui rappelle tout de même le recul du gouvernement, en 2006, sur le contrat première embauche (CPE), lui aussi vivement contesté.

 

 

"La principale différence, c'est qu'aujourd'hui, la mobilisation s'inscrit après une série de gifles sociales", continue Maria, citant en exemple les réformes du code du travail, entamées sous le quinquennat de François Hollande. "Je sens tout de même un vrai souffle, qui vient d'une partie de la population : celle qui subit, qui est dans la précarité ou la galère, et qui veut faire bouger les choses."

 



06/12/2019
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