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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le jeudi 10 octobre 2019

 

 

L'article à lire pour comprendre l'affaire ukrainienne qui a enclenché une procédure de destitution contre Donald Trump

 

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Marie-Violette BernardFrance Télévisions
 

 

 

Les démocrates ont lancé la première étape d'une action d'"impeachment" contre le président américain parce qu'il a demandé à son homologue ukrainien d'enquêter sur l'un de ses rivaux

 

 

 

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Donald Trump sur le perron de la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 2 octobre 2019. (STEFANI REYNOLDS / CONSOLIDATED NEWS PHOTOS / AFP)

 

 

 

"Les démocrates qui ne font rien (...) ne devraient pas perdre le temps et l'énergie de tout le monde pour des conneries." Donald Trump a, une fois de plus, vivement attaqué l'opposition dans un tweet publié mercredi 2 octobre. L'origine de sa colère ? L'ouverture d'une enquête sur des soupçons de collusion avec l'Ukraine, première étape d'une procédure de destitution visant le président des Etats-Unis.

 

 

Que reproche-t-on à Donald Trump ? Va-t-il vraiment être destitué ? Quel est le rapport entre l'Ukraine et Joe Biden, candidat à la primaire démocrate ? Voici l'article à lire pour tout comprendre de cette affaire.

 

 

 

Qu'est-ce qu'on reproche à Donald Trump ?

Les démocrates accusent Donald Trump d'avoir fait pression sur son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour qu'il lance une enquête sur Joe Biden, candidat à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de 2020. Une retranscription d'un appel entre les deux dirigeants, passé le 25 juillet, confirme que le milliardaire lui a demandé à plusieurs reprises de "s'intéresser" au clan Biden.

 

 

Capture d\'écran de la retranscription de la conversation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky.

Capture d'écran de la retranscription de la conversation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. (WHITE HOUSE)

 

 

Surtout, le président a effectué cette demande alors qu'il retardait le versement d'une aide de 400 millions de dollars à l'Ukraine, note Vox (en anglais). Certains observateurs s'interrogent sur ce retard, qu'ils considèrent comme une tentative de contraindre Volodymyr Zelensky à accéder à cette requête. Les républicains rétorquent qu'à aucun moment durant l'échange, le président n'a explicitement conditionné cette aide à l'ouverture d'une enquête, ajoute NPR (en anglais).

 

 

Les démocrates accusent par ailleurs l'exécutif d'avoir voulu dissimuler le contenu de cette conversation. Dans une plainte déposée le 12 août, le lanceur de l'alerte à l'origine de l'enquête affirme en effet que la retranscription de cet appel a été stockée "dans un système informatique habituellement utilisé pour les informations classifiées, alors que ce document ne l'était pas", rapporte Politico (en anglais)"C'est une tentative d'étouffer l'affaire", a estimé la cheffe de file de l'opposition, Nancy Pelosi, après ces rélévations.

 

 

 

Quel est le rapport entre l'Ukraine et Joe Biden ?

Donald Trump a demandé à Volodymyr Zelensky d'enquêter sur une rumeur concernant Joe Biden. En 2015, celui qui était alors vice-président de Barack Obama a fait pression sur l'Ukraine pour qu'elle limoge un procureur accusé d'être trop complaisant dans les affaires de corruption, explique le magazine Time (en anglais). A l'époque, d'autres responsables européens et le FMI portaient le même discours. Les détracteurs de Joe Biden affirment qu'il a demandé la tête du magistrat pour protéger son fils, Hunter, qui siégeait alors au conseil de surveillance du groupe gazier ukrainien Burisma, visé par une enquête.

 

 

 

Barack Obama, Joe Biden et Hunter Biden lors d\'un match de basket à Washington (Etats-Unis), le 30 janvier 2010.

Barack Obama, Joe Biden et Hunter Biden lors d'un match de basket à Washington (Etats-Unis), le 30 janvier 2010. (MITCHELL LAYTON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

 

 

Mais cette théorie ne tient pas la route, assure Bloomberg (en anglais), puisque l'investigation sur Burisma était au point mort depuis un an lorsque Joe Biden a demandé le départ du procureur Viktor Shokin. Par ailleurs, aucun élément ne prouve que Hunter Biden était visé par l'enquête. Le parquet ukrainien a ainsi déclaré, vendredi 4 octobre, qu'il n'avait "aucune information" à charge contre le fils du candidat à la primaire démocrate. Le procureur a toutefois indiqué qu'il réexaminait des dossiers sur Burisma, afin de déterminer s'ils avaient été classés légalement.

 

 

 

Pourquoi est-ce que l'affaire éclate seulement maintenant ?

Un lanceur d'alerte, agent de la CIA détaché à la Maison Blanche, a effectué un signalement sur l'appel entre Trump et Zelensky, le 12 août. Il y affirme que plusieurs responsables de la Maison Blanche peuvent témoigner que le président à "abusé de sa fonction pour son gain personnel". La plainte a été transmise au ministère de la Justice, qui l'a classée sans suite. "La division criminelle du ministère a étudié l'affaire et a conclu qu'il n'y avait aucun motif pour une enquête sur le comportement de Donald Trump", précise le New York Times (en anglais).

 

 

L'autorité judiciaire a estimé que rien, dans la retranscription de l'appel, ne montrait que le président avait violé la loi sur les campagnes électorales. Celle-ci interdit d'accepter ou de demander à un ressortissant étranger d'intervenir dans une campagne via une "contribution, un don ou une chose de valeur". Sauf que des éléments pouvant discréditer un candidat, comme les conclusions d'une enquête pour corruption, peuvent être considérées comme une "chose de valeur", pointe Mother Jones (en anglais). 

 

 

Autre problème : le directeur du renseignement américain, Joseph Maguire, devait informer les commissions parlementaires appropriées de l'existence de cette plainte sous une semaine. Et il n'en a rien fait, note le New York Magazine (en anglais). Estimant que l'affaire était "urgente", son subordonné qui avait reçu le signalement du lanceur d'alerte a décidé, début septembre, d'avertir le Congrès de cette plainte.

 

 

Dimanche 6 octobre, Mark Zaid, l'avocat du lanceur d'alerte, a annoncé l'existence d'un deuxième informateur. Il s'agit d'un agent des services de renseignement. Il ou elle a "également fait une déposition protégée par la loi, a expliqué l'avocat. Ce lanceur d'alerte a des informations de première main", a-t-il assuré. Un autre avocat du cabinet de Mark Zaid a laissé entendre que le nombre de lanceurs d'alerte sur cette affaire ukrainienne pourrait encore augmenter.

 

 

 

Comment se défend Donald Trump ?

Sans surprise, pour le président américain, la meilleure défense, c'est l'attaque. Donald Trump a accusé les démocrates de répandre "une intox", de mener "la plus grande chasse aux sorcières de l'histoire américaine" et de perpétrer un "coup d'Etat", rapporte Politico (en anglais). Selon lui, Joe Biden est "corrompu", tout comme les médias qui couvrent l'affaire. 

 

 

 

 

Après avoir déclaré qu'il cherchait à identifier le lanceur d'alerte de la CIA (dont l'anonymat est pourtant protégé par une loi fédérale), il a suggéré d'arrêter le président de la commission sur le renseignement pour "trahison". Donald Trump a accusé l'élu démocrate d'avoir "menti" sur le contenu de son échange avec Volodymyr Zelensky (une allégation contestée par CNN), ce qui mériterait qu'il "soit interrogé au plus haut niveau" selon le président.

 

 

Surtout, Donald Trump argue que son échange avec le dirigeant ukrainien était "parfait". Le président ne voit rien de répréhensible dans sa demande (qui pose tout de même la question de la séparation des pouvoirs et de l'implication d'une puissance étrangère dans une élection américaine), car il n'a "jamais menacé" son homologue. Sa requête lui semble si irréprochable qu'il l'a renouvelée en direct à la télévision, jeudi 3 octobre. "La Chine devrait lancer une investigation sur les Biden", a-t-il insisté, défendant son "droit absolu" d'enquêter sur la corruption, quitte à "demander ou de proposer à d'autres pays de nous aider".

 

 

 

 

Mercredi 9 octobre, Donald Trump s'est montré encore plus offensif et a carrément déclaré la guerre au Congrès. La Maison Blanche a annoncé qu'elle refusait de coopérer à l'enquête en cours, en vue d'une éventuelle procédure de destitution. Argument central de l'exécutif américain : les investigations menées par les élus démocrates de la Chambre des représentants sur l'affaire ukrainienne ne sont ni légitimes ni impartiales. Il met aussi en avant l'absence de vote formel à la Chambre pour déclencher ce processus.

 

 

 

Que vient faire l'ancien maire de New York dans cette affaire ?

Le nom de Rudy Giuliani, avocat personnel de Donald Trump, s'est vite trouvé au cœur de l'affaire ukrainienne. Dans sa plainte, le lanceur d'alerte affirme que l'ancien maire de New York a tenté durant plusieurs mois de convaincre Kiev d'enquêter sur Joe Biden, rapporte le Guardian (en anglais). La tentative du président américain d'impliquer l'Ukraine dans l'élection ne daterait donc pas de juillet, puisque l'un de ses plus proches conseillers creusait déjà cette piste. Lors d'une interview avec CNN vendredi 20 septembre, Rudy Giuliani a démenti, puis reconnu qu'il avait œuvré en ce sens.

 

 

 

 

 

 

L'avocat est aussi au premier plan de la stratégie de défense de Donald Trump. Depuis l'annonce de l'enquête pour impeachment, il a donné plusieurs interviews pour défendre son client, rappelle le quotidien britannique (en anglais). Les démocrates ont déjà indiqué que Rudy Giuliani pourrait être cité à comparaître devant la commission parlementaire sur le renseignement, qui enquête sur l'affaire ukrainienne.

 

 

 

Quelles sont les étapes de l'"impeachment" ?

Nancy Pelosi a activé la première étape de la procédure de destitution de Donald Trump. Les six commissions de la Chambre des représentants, qui enquêtaient déjà sur Donald Trump, vont intensifier leur action : Adam Schiff, président de la commission du renseignement, a indiqué à CNN (en anglais) que des auditions de témoins (dont le lanceur d'alerte) allaient avoir lieu "aussi prestement que possible". Plusieurs responsables de l'administration Trump, dont le secrétaire d'Etat Mike Pompeo, ont également été cités à comparaître.

 

 

 

Les élus démocrates Adam Schiff et Nancy Pelosi, meneurs de la procédure de destitution engagée contre Donald Trump, lors d\'une conférence de presse à Washington (Etats-Unis), le 2 octobre 2019.

Les élus démocrates Adam Schiff et Nancy Pelosi, meneurs de la procédure de destitution engagée contre Donald Trump, lors d'une conférence de presse à Washington (Etats-Unis), le 2 octobre 2019. (STEFANI REYNOLDS / CONSOLIDATED NEWS PHOTOS / AFP)


 

Si la Chambre dispose d'éléments incriminants à l'issue de cette enquête, elle rédigera une série d'articles de mise en accusation qui devront être soumis au vote en séance plénière. "Les démocrates élus dans des Etats traditionnellement conservateurs pourraient voter contre", estime CNN, qui précise qu'il est "difficile de savoir" si des républicains oseraient voter en faveur de l'impeachment d'un président issu de leur propre camp. Si la Chambre approuve ces mises en accusation, Donald Trump sera alors "empêché". Il faut toutefois que cette procédure soit validée par un procès au Sénat, seul à pouvoir décider de la destitution du président. Une majorité de 67 élus sur 100 est requise pour le condamner.

 

 

 

Donc Donald Trump peut vraiment être destitué ?

Rien n'est moins sûr. Même si la Chambre vote en faveur de la destitution d'un président, il peut être acquitté lors du procès au Sénat. Deux chefs d'Etat américains ont ainsi déjà été "empêchés" par la Chambre : Andrew Johnson et Bill Clinton. Tous deux sont restés en fonction jusqu'à la fin prévue de leur mandat, rappelle CNN (en anglais).

 

 

Le premier a fait l'objet d'une procédure d'impeachment en 1868, après avoir démis un membre de son cabinet dont la nomination avait été soutenue par le Congrès (ce qui était à l'époque illégal). A l'issue des trois semaines de procès au Sénat, Andrew Johnson a échappé de justesse à la destitution : pour trois des charges retenues contre lui, il a manqué un vote pour atteindre la majorité requise. Bill Clinton a, lui, été empêché en 1998 pour parjure et obstruction de la justice, dans le cadre de l'affaire Monica Lewinsky. Un procès pour destitution a débuté en janvier 1999 au Sénat, mais le démocrate a été acquitté un mois plus tard.

 

 

 

Bill Clinton réagit à son acquittement par le Sénat à la fin d\'une procédure de destitution, le 12 février 1999.

Bill Clinton réagit à son acquittement par le Sénat à la fin d'une procédure de destitution, le 12 février 1999. (STEPHEN JAFFE / AFP)

 

 

 

Rien ne garantit donc que Donald Trump sera effectivement destitué si la Chambre vote son impeachment. Les républicains disposent de 53 sièges sur les 100 que compte le Sénat. Pour atteindre la majorité de 67 votes requise pour destituer le président, il faudrait donc que 20 élus conservateurs se retournent contre le milliardaire. "A ce stade, zéro sénateurs républicains ont dit quoi que ce soit" en faveur de l'impeachment, note CNN (en anglais).

 

 

 

Et la campagne présidentielle de 2020 dans tout ça ?

"C'est la première fois qu'une procédure d'impeachment coïncide avec une campagne présidentielle", note Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste de la politique américaine, interrogé par franceinfo. Difficile donc d'évaluer ses répercussions sur la primaire démocrate et sur l'élection présidentielle de 2020. Pour l'opposition, "il s'agit de mobiliser l'électorat démocrate, en lui offrant un motif de rassemblement et d'exaltation", détaille Corentin Sellin.

 

 

Cela permet de réunir le camp [démocrate], de le galvaniser et d'éliminer les éventuelles divisions.Corentin Sellin, spécialiste de la politique américaine à franceinfo

 

 

Mais "si la plainte sur l'Ukraine se révélait moins percutante que prévu, les élus démocrates seraient ridiculisés, relève l'historien. Cela porterait un coup terrible à leur crédibilité, tout en servant la cause de Donald Trump. Il serait renforcé dans la posture de victime dans laquelle il se place volontairement." Une position qui pourrait l'aider à remobiliser sa base en novembre 2020.

 

 

Donald Trump continue par ailleurs d'essayer de décrédibiliser son principal rival démocrate. "Pour l'instant, judiciairement, il n'y a rien contre Joe Biden, poursuit Corentin Sellin. Mais la mise en avant d'Hunter Biden est un défaut pour la candidature de son père." Les autres candidats à la primaire démocrate vont également tenter de tirer profit de cette affaire, conclut CNN"Ils sont outrés que Trump ait essayé de pousser l'Ukraine à enquêter sur Biden, mais ils ne veulent pas que la colère du public soit telle que [l'ancien vice-président] soit certain de remporter l'investiture", souligne la chaîne américaine.

 

 

 

J'ai la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ?

Les démocrates ont annoncé, mardi 24 septembre, l'ouverture d'une investigation pour impeachment contre Donald Trump. Ils accusent le président d'avoir fait pression sur son homologue ukrainien pour qu'il enquête sur son rival démocrate, Joe Biden. Selon la plainte du lanceur d'alerte de la CIA qui a déclenché l'affaire, l'exécutif a par ailleurs essayé de couvrir ses traces en classant secrète la retranscription de l'appel entre les deux dirigeants (alors qu'elle ne contenait aucun élement considéré comme sensible).

 

 

Si elle dispose d'éléments à charge à l'issue de l'enquête, la Chambre des représentants rédigera et votera des articles de mise en accusation de Donald Trump. Les démocrates disposant d'une large majorité, l'impeachment a de bonnes chances d'être approuvé. Cela ouvrirait alors la porte à un procès au Sénat : une majorité absolue de 67 élus y est nécessaire pour que le président soit destitué. Il y a toutefois peu de chances que les républicains, majoritaires à la Chambre haute, se retournent contre un chef d'Etat issu de leur parti. Il n'y a donc aucune certitude que la procédure aboutisse.

 

 

Il est sûr, en revanche, que les démocrates et Donald Trump tenteront de se servir de cette procédure pour mobiliser leurs électeurs durant la campagne présidentielle de 2020. Bref, cette procédure sera au cœur de la prochaine course à la Maison Blanche.

 



10/10/2019
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