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L'AIR DU TEMPS

Franceinfo - le vendredi 21 décembre 2018

 

 

Arrestation de Peter Cherif : "C'est une capture très importante, d'un vétéran du jihadisme"

 

 

 

Peter Cherif, alias Abou Hamza, avait rejoint Al-Qaïda au Yémen, où il était "cadre moyen", a expliqué le spécialiste Abdelasiem El Difraoui

 

 

 

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 Le jihadiste français Peter Cherif, lors du début de son procès à Paris, le 26 janvier 2011.  (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

 

 

 

Le jihadiste Peter Cherif est "un vétéran du jihadisme", qui avait "rejoint Al-Qaïda au Yémen, où il était cadre moyen. Il a été très longtemps sous les radars des services français", a expliqué vendredi 21 décembre sur franceinfo Abdelasiem El Difraoui, politologue, spécialiste du jihadisme et qui a rencontré des proches de Peter Cherif. Ce dernier a été arrêté à Djibouti, c'est un proche des frères Kouachi. "C'est une capture très importante parce qu'il a été responsable de beaucoup de relations internationales" pour Al-Qaïda.

 

 

 

franceinfo : Qui est Peter Cherif, dont vous avez rencontré les proches, et qui vient d'être arrêté ?

 

 

Abdelasiem El Difraoui : C'est un vétéran du jihadisme, mais ce n'est pas un jihadiste de la première génération. La première génération, c'est le combattant de l'Afghanistan, comme la génération d'Oussama Ben Laden et de ses compagnons, qui sont aujourd'hui incarcérés, pour la plupart, ou morts. Peter Cherif, c'est clairement la deuxième ou troisième génération du jihadisme. Il s'est radicalisé vers 2005 à travers la filière des Buttes-Chaumont, parallèlement à la guerre en Irak, la guerre contre Saddam Hussein. Il était très proche des frères Kouachi dans le sens où c'était toute une orbite aux Buttes-Chaumont autour de Farid Benyettou, autoproclamé émir du groupe qui aujourd'hui est soi-disant repenti.

 

 

 

Comment Peter Cherif bascule-t-il dans une idéologie radicale ?

 

 

Il est d'origine afro-caribéenne et tunisienne. Il avait traversé une grande crise d'identité et était dégoûté par les images de la souffrance des enfants irakiens. Il s'enfermait pendant des heures dans sa chambre pour regarder des vidéos. Il avait déjà eu affaire à la justice et essayait de se racheter avec cette idéologie mensongère. Pour sa mère, c'est Farid Benyettou qui l'a entraîné dans le jihadisme en lui disant que s'il voulait se sauver, il devait devenir jihadiste, aller vers la "vraie foi" pour que ses péchés soient pardonnés. Dans l'interview que j'ai faite de sa copine, elle explique que même une affiche dans la rue où on voyait une femme en bikini était pour lui devenu péché. Il s'est peu à peu éloigné de sa copine par peur de pécher. Au début, il avait une relation normale et peu à peu il a exigé de sa copine qu'elle se mette de l'autre côté de la pièce, que sa mère soit présente quand ils se voient et puis il a rompu. C'était vraiment un processus psychologique.

 

 

 

Le croyez-vous capable de commanditer, d'organiser un attentat comme celui de janvier 2015 ?

 

 

Il a peut-être co-organisé l'attentat. Je ne pense pas que lui-même l'ait organisé. Il ne s'est jamais joint à l'État islamique. Suite à une arrestation d'abord en Syrie, à un procès en France, il a disparu et il a rejoint Al-Qaïda au Yémen, où il était cadre moyen. Il a été très longtemps sous les radars des services français. Depuis deux semaines, les gens du service me disaient que l'étau se resserrait autour de Peter. C'est une capture très importante parce que comme cadre moyen, il a été responsable de beaucoup de relations internationales. Il a aussi servi comme intermédiaire d'Al-Qaïda pour la libération des otages français détenus au Yémen.

 

 

 

 

Attentat contre "Charlie Hebdo" : qui est le jihadiste français Peter Cherif, l'ami des frères Kouachi arrêté à Djibouti ?

 

 

 

Ce proche des auteurs de l'attentat contre "Charlie Hebdo", le 7 janvier 2015, a été arrêté dimanche à Djibouti

 

 

 

 

Il est connu comme l'un des amis proches des frères Saïd et Cherif Kouachi, qui ont tué 12 personnes dans l'attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Le jihadiste français Peter Cherif a été arrêté à Djibouti, dimanche 16 décembre. L'homme est également connu sous le pseudonyme d'Abou Hamza. Une source judiciaire précise néanmoins qu'il "n'est pas, à ce stade, retenu dans le cadre d'une procédure judiciaire française", mais le parquet de Paris "suit avec attention l'évolution de sa situation".

 

 

 

"C'est une très bonne nouvelle, a réagi la ministre des Armées, Florence Parly, vendredi matin sur RTL. Cela prouve que la lutte contre le terrorisme est une action de longue haleine." De la filière jihadiste des Buttes-Chaumont au Yémen, qui est Peter Cherif ? 

 

 

 

 

De la petite délinquance à la radicalisation à Paris

 

Peter Cherif passe sa jeunesse dans le 19e arrondissement. Son père meurt dans un accident de la route alors que le garçon n'a que 14 ans, rapporte Paris Match. Au fil des années, il tombe dans la petite délinquance, et est accusé de plusieurs braquages et vols à main armée. Selon L'Express, adolescent, il est incarcéré six mois à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). 

 

 

 

Le jeune homme rencontre les frères Saïd et Cherif Kouachi dans son quartier du 19e arrondissement de Paris, près du parc des Buttes-Chaumont, à la fin des années 1990, rappelle Le Figaro. Peter Cherif multiplie les petits boulots et passe peu à peu de la délinquance de droit commun à la radicalisation. En 2003, la guerre en Irak l'interpelle, et le jeune Français commence à suivre les discours religieux de Farid Benyettou, relate France Inter. Ce dernier est au cœur de la filière des Buttes-Chaumont, dont le but est d'envoyer des jihadistes en Irak. Peter Cherif l'intègre, tout comme les frères Kouachi

 

 

 

Sa mère évoque un véritable "lavage de cerveau" à l'époque, relève L'Express"J'ai eu l'impression qu'il suivait aveuglément des personnes qui l'avaient lobotomisé", raconte également son amie Barbara. Peter Cherif force, entre autres, sa mère à prier cinq fois par jour, et regarde des vidéos de combats jihadistes. A 22 ans, en 2004, il décide de partir en Irak. 

 

 

 

 

Dans les rangs d'Al-Qaïda en Irak

 

Selon France Inter, Peter Cherif a assuré à ses proches qu'il partait étudier l'arabe et le Coran en Syrie. Il franchit en réalité la frontière irakienne à l'été 2004, pour combattre les troupes américaines, précise L'Express. Sa disparition est signalée par ses proches à l'ambassade de France en Syrie au mois d'octobre.

 

 

 

Pendant plusieurs mois, le Français combat sous les directives d'Abou Moussab al-Zarkaoui, l'un des responsables d'Al-Qaïda en Irak, relate L'Express. Blessé par des éclats de mortier au visage et à la jambe, d'après le magazine, il est arrêté en décembre 2004 à Falloujah, dans le centre de l'Irak.

 

 

 

Peter Cherif est détenu dans le sud du pays, puis rejoint la prison d'Abou Ghraib, non loin de la capitale irakienne. Il y restera un an, selon L'Union. Condamné à 15 ans de prison, il est ensuite incarcéré à la prison de Badoush, près de Mossoul, dans le nord du pays, à une centaine de kilomètres de la frontière syrienne. Le jihadiste parvient à s'y échapper avec 150 autres détenus en mars 2007, lors de l'attaque de la prison par un commando. Il se rend en Syrie, son point de départ, et signale aux autorités françaises qu'il s'y trouve. Peter Cherif est alors extradé et arrive sur le sol français en février 2008. 

 

 

 

 

Un procès, puis la fuite vers le Yémen

 

De retour en France, Peter Cherif est incarcéré pendant 18 mois, puis libéré. D'après L'Union, il suit ensuite une formation "transport de marchandises" à l'auto-école de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) – où aura lieu l'assaut contre les frères Kouachi, le 9 janvier 2015. Interrogé par L'Union, son formateur relate que plusieurs élèves avaient été séduits par le discours de Peter Cherif sur l'islam. "Tout ce qui ne correspondait pas à l’idée qu’il s’était fait de la vie, par rapport au Coran, était à proscrire, à bannir, à détruire", raconte-t-il. Il l'a même entendu dire, en pleine formation, qu'il souhaitait passer l'autorisation de transport de matières dangereuses, "pour faire sauter une citerne de gaz dans Paris"

 

 

 

Début 2011, Peter Cherif est jugé dans le cadre de son appartenance à la filière des Buttes-Chaumont. Lors de sa comparution, le jihadiste évoque simplement "une pratique [de la religion] très proche des textes" et assure que son départ pour l'Irak a été un "coup de tête" face à la situation du peuple irakien. "C'est une période que j'essaie d'oublier", assure-t-il alors. Il ne se présente pas pour le dernier jour de son procès, en mars 2011. Il est condamné à cinq ans de prison et disparaît. Peter Cherif s'enfuit au Yémen, où il invite les frères Kouachi quatre mois plus tard, d'après Le Figaro. Le jihadiste, qui rejoint les rangs d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), compte les entraîner au tir. 

 

 

 

 

En lien avec les attentats de janvier 2015 ? 

 

En avril 2012, Peter Cherif est élevé au rang de cadre d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Les services de renseignement français le soupçonnent alors "d'organiser, depuis le Yémen, une filière d'acheminement de jihadistes susceptible d'impliquer" Cherif Kouachi. Ce dernier est présenté comme "l'un des contacts en France" du jihadiste. Courant 2012, des courriels sont échangés entre le Yémen et un cybercafé voisin de l'appartement de Cherif Kouachi. La police enquête également sur des recherches menées par ce dernier, "sur une éventuelle colocation d'une chambre dans la ville d'Al Jouf" (Arabie saoudite), le fief d'Aqpa. 

 

 

 

Après l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015, Peter Cherif est inscrit sur la liste noire des "combattants terroristes étrangers". Mais, à ce stade, il n'est pas "retenu dans le cadre de la procédure judiciaire française", précise une source judiciaire, qui rappelle qu'il n'est pas non plus "visé par un mandat d'arrêt". Le parquet de Paris a annoncé ce vendredi qu'il requérait, à l'issue de l'enquête sur les attentats de janvier 2015, le renvoi de 14 personnes devant une cour d'assises spéciale. Peter Cherif n'en fait pas partie. 

 

 

 

"Ce type ne doit pas une nouvelle fois passer entre les mailles du filet judiciaire", a réagi sur franceinfo Gérard Chemla, avocat de nombreuses victimes du terrorisme. "On sait que c'est un terroriste français, on sait qu'il avait demandé que cet attentat ait lieu, assure-t-il. Le débat qu'on va avoir, c'est de savoir si la justice a les moyens de le confondre." Et de préciser : "Il va falloir que les juges se posent la question de savoir si on a des éléments qui permettent de [le] rattacher avec solidité à ce dossier-là."

 

 



21/12/2018
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