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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du samedi 10 décembre 2016

 

 

 

HISTOIRE - SECONDE GUERRE MONDIALE

 

 

LA FRANCE REND HOMMAGE AUX 45 000 MORTS DE FAIM DANS LES ASILES

 

 

Lors de cette cérémonie, ce matin, François Hollande appellera à une société "qui vieille fraternellement sur chacun des siens".

 

 

Entre 1940 et 1945, environ 45 000 malades mentaux sont morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques français. Cette page sombre de l'Occupation est rouverte ce matin par François Hollande sur l'esplanade des Droits de l'Homme au Trocadéro pour un hommage et l'inauguration d'une dalle commémorative où chaque mot a été posé. Car cette histoire dans l'histoire des années sombres de la France n'a "jamais cicatrisé", remarque Charles Gardou, à l'origine de cet hommage.

 

 

 

Ce professeur d'anthropologie de l'université Lyon II, a lancé en novembre 2013 une pétition sur change.org "pour un mémorial en hommage aux personnes handicapées victimes du régime nazi et de Vichy". Elle a rassemblé 80 000 signataires parmi lesquels une centaine de personnalités dont Axel Kahn, Tahar Ben Jelloun, Edgar Morin, Patrick Poivre d'Arvor, Marcel Rufo, ou encore les réalisateurs d'Intouchables, Olivier Nakache et Eric Toledano. "Je partage votre volonté [...] qu'à ce délaissement de la République ne s'ajoute pas le silence de l'oubli", lui répond en février 2015, François Hollande, qui charge l'historien spécialiste de Vichy, Jean-Pierre Azéma, d'une mission "afin de définir les gestes mémoriels à accomplir [...] pour honorer ces victimes".

 

 

 

Famine lente ou programmée ?

 

Car la référence au "régime nazi et de Vichy" rappelle qu'une polémique est née trente ans plus tôt entre les défenseurs d'une extermination "programmée" et ceux d'une "famine lente" non délibérée. C'est la thèse d'Isabelle von Bueltzingsloewen, auteur de l'Hécatombe des fous, "ouvrage de référence" et dont les recherches sont "parfaitement fiables" aux yeux de Jean-Pierre Azéma. Cette historienne est la grande absente de la pétition. "Je n'ai aucun problème avec ce mouvement mais en tant que scientifique, je ne pouvais pas signer ce texte qui mettait en parallèle le scénario français et le scénario allemand", nous a expliqué Isabelle von Bueltzingsloewen dont les recherches se sont en fait étendues à l'ensemble des "exclus" de la société morts de faim pendant cette période. "Pourquoi isoler les malades mentaux ? S'ils ont été moins touchés proportionnellement, on compte également 50 000 morts de faim dans les hospices de vieillards", souligne l'historienne, vice-présidente de l'université Lyon II.

 

 

 

Plaidoyer pour une société incluant les plus fragiles

 

Aujourd'hui, Charles Gardou regrette le parallèle évoqué dans la pétition et souligne qu'au-delà de l'aspect mémoriel, il s'agit de "donner un signe pour le temps présent". Ainsi, l'hommage de ce jour, hybride, honore aussi le souvenir des "300 000 victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale en France" et appelle à "construire une société toujours plus respectueuse des droits humains, qui veille fraternellement sur chacun des siens".

 

 

C'est l'objet du "Mouvement pour une société inclusive" fondé par Charles Gardou qui souhaite créer une "plateforme nationale consacrée aux multiples formes de fragilité, de l'enfance au grand âge". Car dans une société de plus en plus clivante où "beaucoup de gens de trouvent refoulés, marginalisés, ça peut recommencer si on n'installe pas des contre-feux", prévient Charles Gardou. Comme en 2003 où la canicule a tué 15 000 personnes âgées isolées. Sylvie Montaron

 

 

 

Camille Claudel, Séraphine Louis et A. Artaud ont subi cette famine

 

Héroïne du film aux 7 César Séraphine, la peintre Séraphine Louis qui cueillait "de l'herbe pour manger la nuit" et mangeait "des détritus" est morte de faim, le 11 décembre 1942 comme plus de 3 000 malades internés à l'hôpital psychiatrique de Clermont d'Oise. Si Camille Claudel est morte, elle, d'une attaque cérébrale le 19 octobre 1942, la famine avait fortement affaibli de son organisme fragilisé.

 

 

Deux mois avant son décès, son frère Paul rapportait ces mots du directeur de l'asile de Montdevergues (Vaucluse) : "Mes fous meurent littéralement de faim : 800 sur 2 000". Quant à Antonin Artaud, il doit sans doute son salut à son ami Robert Desnos qui parvient, en 1943, à le faire transférer de l'asile de Ville-Evrard, alors qu'il ne pèse plus due 52 kilos, à celui de Rodez (Aveyron) où le médecin-chef, le Dr Ferdière, est frappé par son "horrible" maigreur et saleté. Il y reprendra 13 kilos avant sa sortie en 1946.

 



11/12/2016
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