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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du mardi 20 décembre 2016

 

 

 

LES DEUX PAYS SE SONT RÉCEMMENT MIS D'ACCORD POUR L'ÉVACUATION D'ALEP-EST

 

 

L'ambassadeur russe assassiné à Ankara

 

 

Andreï Karlov, qui inaugurait une exposition, a été tué par un policier turc. Le tireur a évoqué une vengeance pour Alep, alors que le rapprochement récent entre les deux pays a permis l'évacuation de la ville.

 

 

Qui a intérêt à saboter le rapprochement entre la Russie et la Turquie, deux pays très impliqués dans le conflit syrien ? C'est la question qui se pose après l'assassinat, hier en fin d'après-midi, d'Andreï Karlov, ambassadeur russe (le dernier assassinat d'un ambassadeur russe remonterait à 1922, et la mort de Piotr Voykov, tué à Varsovie - Pologne) en poste en Turquie depuis juillet 2013. Le diplomate inaugurait, au Centre d'art contemporain du quartier de Cankaya à Ankara, une exposition intitulée "La Russie à travers les yeux turcs". Alors qu'il prononçait un discours derrière un pupitre, un policier en costume, positionné juste derrière lui, a sorti une arme de poing et lui a tiré à plusieurs reprises dans le dos. Cet officier de police de 22 ans était-il affecté à la protection du diplomate ? Entré en 2012 dans la police, il était à priori plutôt intégré aux forces anti-émeutes, selon plusieurs sources turques.

 

 

 

"Un acte terroriste"

 

Andreï Karlov a succombé à ses blessures, et trois autres personnes ont été blessées par les tirs. L'assaillant a été tué. Des journalistes, présents à cette inauguration, se sont cachés, mais ont laissé leurs caméras tourner. Le meurtre a été filmé, la vidéo est devenue virale sur Twitter, et certaines chaînes, notamment américaines, l'ont diffusée. Ces images ont permis non seulement d'identifier le tireur comme Mevlût Mert Altintas, 22 ans, originaire de Söke, près d'Izmir, mais aussi de décrypter ses messages en arabes, puis en turc. "Allahu Akbar, n'oubliez pas Alep, n'oubliez pas la Syrie !", a-t-til crié en levant le poing, "tant que notre pays ne sera pas en sécurité, vous ne le serez pas non plus ! Tous ceux qui prennent part à cette tyrannie rendront des comptes, un par un".

 

 

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a évoqué "un acte terroriste". Les États-Unis ont condamné "cet acte de violence, quelle qu'en soit l'origine". L'Union européenne a aussi dénoncé l'attaque. François Hollande a condamné "avec la plus grande énergie". Âgé de 62 ans, Andreï Karlov, marié et père d'un garçon, auparavant en poste en Corée du Nord, avait servi d'intermédiaire entre les deux pays en novembre 2015, lorsqu'un avion russe avait été abattu par l'aviation turque. Il avait néanmoins accusé Ankara "d'encourager une campagne anti-russe".

 

 

Cette grave crise diplomatique a été suivie d'un léger réchauffement entre les deux pays, qui ne soutiennent pas les mêmes forces dans le conflit syrien voisin. Moscou reste le principal allié du régime syrien, et au côté de milices chiites iraniennes et du Hezbollah, l'armée russe est accusée d'avoir assiégé des milliers de Syriens et des rebelles à Alep-est pour reprendre la ville. La Turquie a longtemps soutenu les rebelles contre Bachar el-Assad. Hier soir, le président turc a appelé son homologue russe Vladimir Poutine pour "lui donner des informations sur l'attaque". Xavier Frère

 

 

 

 

 

Dorothée Schmid, chercheuse à l'Ifri (Turquie/Moyen-Orient)

 

 

 

"Erdogan ne tient plus son pays"

 

 

 

 

La guerre syrienne s'invite encore de manière tragique en Turquie...

 

Les conséquences de la guerre en Syrie sont croissantes chez le voisin turc. On s'approche d'une désagrégation totale de la cohérence étatique.

 

 

 

Quelle est la perception, en Turquie, de la crise à Alep ?

 

Je n'imaginais pas qu'il y avait une si forte résonance. Mais on sait qu'il y a trois millions de réfugiés syriens en Turquie. On sait aussi que la Turquie a longtemps soutenu l'opposition à Assad. Depuis, le président Erdogan a laissé les mains libres aux Russes et à Assad pour reprendre Alep-est. Erdogan risque de payer cher les contradictions de sa politique...

 

 

 

Selon les premières informations, l'assaillant était un policier...

 

Si c'est confirmé, cela veut dire que les purges menées par l'AKP (le parti au pouvoir) n'ont servi à rien. Quoi qu'il en soit, Erdogan ne tient plus son pays.

 

 

 

Peut-on penser que Daech est impliqué dans l'attaque ?

 

Cela sera compliqué de démêler les responsabilités entre les différents groupes terroristes actifs en Turquie. De toute évidence, beaucoup de cadres de Daech y sont présents, mais là encore il faut rester prudent.

 

 

 

Est-ce que l'on va vers une nouvelle crise entre Moscou et Ankara ?

 

Je ne le pense pas. Les Russes ne vont pas laisser ce meurtre impuni. Cela veut donc dire qu'ils vont mettre sous tutelle les services de sécurité turcs. La Turquie était déjà en voie de vassalisation à la Russie. Après ce meurtre, Erdogan sera contraint de répondre à toutes les demandes de Poutine. Recueilli par Ryad Benaidji

 



21/12/2016
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