www.l-air-du-temps-de-chantal.com

L'AIR DU TEMPS

le Progrès du lundi 11 juillet 2016

 

 

1936 - DANS LA MÉMOIRE DU MONDE

 

 

Quinze jours de congés rémunérés

 

 

Quinze jours pour se reposer, chanter, danser... en étant payés. À l'été 1936, un nouvel horizon s'ouvre à la classe ouvrière. Même s'il faudra attendre les années 1950 pour que les vacances se démocratisent vraiment. Enfin presque...

 

 

 

L

e soleil (enfin...), la mer souvent et surtout un air de liberté pendant une pause estivale. Tout un programme que juillettistes et aoûtiens répètent chaque année depuis... 80 ans et les premiers congés payés obligatoires. Mais combien seront-ils à se souvenir, au moment de s'allonger sur la plage les doigts de pied en éventail, que leurs aïeuls découvraient la mer pour la première fois à l'été 1936 ? Avant de plonger la belle bleue, retour sur cette conquête sociale historique qui a forgé la légende du Front populaire, révolutionné la vie des salariés et érigé la tourisme en industrie.

 

 

 

Napoléon III avant Blum

 

En réalité, le principe de congés payés n'a pas été créé par Léon Blum mais un décret impérial de Napoléon III en 1853 ! Même si jusqu'en 1936 et l'arrivée au pouvoir de la coalition de gauche, cela reste un privilège dont ne bénéficie qu'une partie de la classe laborieuse (fonctionnaires, salariés des entreprises électriques et gazières, employés de bureau et de commerce, ouvriers du livre).

 

 

La France ouvrière du secteur privé en est exclue, sauf en Alsace-Moselle où les "patrons sociaux" ont gardé le système bismarckien d'avant 1918. Bien sûr, les usines s'arrêtent parfois quelques jours en été mais le congé est sans solde. Cet été mythique a vite effacé une réalité : les congés payés, nés des accords de Matignon, n'étaient initialement pas la priorité du Front populaire, d'abord soucieux d'améliorer les conditions de travail.

 

 

journal-du-peuple-la-une-1936.jpg

 

 

Bains de mer, pique-nique

 

Surtout, les premiers "congés payés", qui ont débarqué sur les plages jusqu'ici fréquentées par l'aristocratie et la bourgeoisie, ne furent finalement pas si nombreux. Beaucoup n'en auront pas le réflexe, ou, plus prosaïquement, les moyens financiers. Quelque 600 000 citadins seulement oseront prendre le train des vacances, notamment grâce au fameux billet populaire de congés payés. Le "billet Lagrange", du nom du jeune sous-secrétaire d'État aux Sports et à l'organisation des loisirs Léo Lagrange, permet, dès le 3 août 36, de voyager en 3e classe pour un tarif réduit de 40 %. Direction le littoral normand ou breton et premiers bains de mer... pour les plus chanceux. D'autres se contenteront d'une visite à la famille de province... ou de quelques jours de repos à la campagne.

 

 

Pour la grande majorité des nouveaux vacanciers, le voyage ne durera qu'une journée - le temps d'un pique-nique sur les bords de l'eau, d'une excursion à vélo, d'une guinguette aux sons de l'accordéon... Après les semaines de grève, les "salopards en casquette" - comme se moque la pesse d'extrême droite de l'époque - n'ont pas encore besoin d'horizons lointains pour savourer ce temps gagné sur la vie.

 

 

En train, en tandem

 

En témoigne, la liesse populaire immortalisée par Doisneau, Ronis, Capa et autres grands noms de la photographie humaniste qui ont saisi ces instants d'un bonheur tout simple mais tout neuf. Et tant mieux, si ces clichés muets en noir et blanc ont fait naître, dans l'inconscient collectif, le souvenir coloré et bruyant de départs massifs sur des quais de gare bondés, d'exodes pittoresques de couples en tandem, d'enfants entassés avec les matelas à l'arrière de la camionnette familiale. Et, peut-être, l'envie de recommencer le plus vite possible. Car dès l'été 1937, ils seront près de deux millions de salariés à s'échapper de la ville, du quotidien, du fracas des machines. En quête de repos, de retrouvailles en famille et de nature. Comme recherchent encore aujourd'hui les Français.

 

 

1958.jpg

 

 

 

REPERES_REPE_51049.gif

 

 

 

  • 9 novembre 1853

 

Un décret impérial de Napoléon III instaure 15 jours de congés payés pour les fonctionnaires.

 

 

 

  • 1900

 

Les jeunes employés du métro parisien ont droit à dix jours de congé rémunérés. Jusqu'en 1929, le principe sera adopté dans plusieurs secteurs professionnels.

 

 

 

  • 1936 : accords de Matignon

 

Le texte instaurant les congés payés est signé dans la nuit du 7 au 8 juin par le président du Conseil Léon Blum (au pouvoir depuis mai), la CGT et la confédération générale du patronat français (ancêtre du Medef). Tout ouvrier, employé ou apprenti bénéficie d'un congé annuel payé de quinze jour après un an de travail continu dans l'entreprise.

 

 

 

  • 1982

 

 

Les salariés obtiennent la cinquième semaine de congés payés, sous le premier septennat de François Mitterrand.

 



12/07/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 59 autres membres