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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 30 octobre 2016

 

 

 

ENVIRONNEMENT - RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. DANS LES FORÊTS, DES ARBRES PRÊTS À DÉMÉNAGER VERS LES CIMES

 

 

 

La planète connaît une accélération sans précédent du réchauffement climatique. D'ici la fin du siècle, la hausse moyenne des températures risque de dépasser 2°C. Spécialiste reconnu des arbres, Ernst Zürcher dessine, pour vous, la possible carte des futures forêts dans l'est et le sud-est de la France. Le Maroc accueillie un sommet mondial sur le climat à partir du 7 novembre.

 

 

 

V

ite, l'ombre d'un arbre ! Mais que faire si les feuilles venaient à se ramasser - pour de bon - à la pelle ? Le consensus scientifique international est établi : le thermomètre bout comme jamais depuis 15 millions d'années. Il pourrait grimper de 2°C en moyenne d'ici la fin du siècle, si les États ne mouillaient pas assez la chemise au sommet sur le climat de novembre, au Maroc. Conséquence possible dans nos régions, d'après l'ingénieur forestier Ernst Zürcher, professeur et chercheur en sciences du bois à la Haute école spécialisée de Berne : "On irait vers des années très irrégulières, alternant entre forte humidité, périodes sèches et extrêmes de températures. Des essences d'arbres se déplaceraient vers les zones plus à l'abri de ces extrêmes".

 

 

 

Des essences vulnérables

 

Le Roi des aulnes, chanté par le poète Goethe, deviendrait-il, pour les générations futures, une ode au verne disparu ? Cet arbres gourmand en eau pourrait souffrir sans rémission de la baisse du débit des rivières, le long desquelles il dessine des barrières sinueuses. Un sort identique menace le peuplier grisard. Sauf si ces essences trouvaient les moyens de "migrer" vers des zones encore humides...

 

 

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D'autres feuillus ont besoin d'une ressource hydrique "modérée mais garantie". C'est le cas des hêtres. "Ils sont assez sensibles aux sécheresses. Leurs racines sont moyennement profondes", observe Ernst Zürcher. Ce bel arbre va sûrement se déplacer en direction des versants nord, plus arrosés, et pousser plus en altitude, au frais. Un scénario qui devrait s'appliquer aux érables et aux tilleuls et, peut-être, au frêne des rivières. Que les amateurs de champignons, et notamment de morilles, éternelles compagnes des frênes, se rassurent : "Les arbres déménageront avec, car ils fonctionnent en symbiose", rappelle Ernst Zürcher. Voilà pour les feuillus. Qu'en est-il des conifères ? Sans doute devrons-nous grimper plus haut pour rencontrer l'épicéa : ses racines très proches de la surface le rendent vulnérable au sécheresses.

 

 

 

... D'autres, très costaudes

 

Verra-t-on à la fin du siècle des baobabs pousser à Strasbourg, des palmiers à Dijon ou des fromagers d'Afrique à Grenoble ? Non ! Notre climat régional ne sera pas tropical. Moult essences déjà présentes sous nos latitudes vont résister au réchauffement. Et même, en "profiter" pour étendre leurs ramifications.

 

 

Dans la famille des feuillus, Ernst Zürcher s'attend à une progression des chênes sessiles : "Leurs racines sont si profondes qu'elles peuvent atteindre l'eau des nappes phréatiques. Et elles sont très bien arrimées au sol". Idem pour le platane. Le robinier faux-acacia, très à l'aise sur les sols sablonneux et à faibles précipitations, pourrait envahir davantage de surface. Quant au peuplier tremble, il porte mal son nom : cet arbre est aussi robuste que le frêne du Jura ou le châtaignier, qui n'inquiète pas le chercheur "Il tient dans des coins chauds mais pas trop. Ses racines moyennement profondes, sont très bien ancrées". Respirez, Ardéchois !

 

 

Du côté des conifères, le sapin blanc est, comme le douglas, un champion de la résistance - surtout depuis le reflux du taux du dioxyde de soufre dans l'atmosphère. Même constat pour les différents pins et cèdres. Très sujet au stress hydrique, le très "futé" mélèze a cependant démontré des capacités d'adaptation : "Si une attaque de chenilles lui fait perdre toutes ses aiguilles, il peut en refaire pousser d'autres !".

 

 

 

Nos alliés contre la chaleur

 

"La forêt est un tampon qui redistribue la chaleur de manière utile", résume Ernst Zücher. D'un côté, elle absorbe, de jour, l'énergie solaire et le dioxyde de carbone pour les transformer en biomasse et en eau - les plantes produiront de l'oxygène par électrolyse. De l'autre, elle crée de l'humidité par évaporation et rejette, de nuit, du dioxyde de carbone. C'est aussi une pompe à pluies. Quand les forêts disparaissent au-delà de 600 km des côtes, les masses humides océaniques ne sont plus aspirées à l'intérieur des terres.

 

 

Les arbres sont donc notre premier allié dans la lutte contre le réchauffement, à condition de bien les utiliser. Ernst Zücher préconise "un bon équilibre entre feuillus et conifères" pour garantir la décomposition des aiguilles de résineux des seconds par l'humus des premiers : "Sinon, on connaîtrait les mêmes incendies que dans le sud de la France". L'ingénieur invite à "privilégier des arbres qui, tel le chêne, réagissent très bien aux extrêmes climatiques et stockent l'eau en sous-sol". Les essence voisines profiteront des sources et ruisseaux ainsi créés oui alimentés dans les sous-bois. Et les hommes seront assurés de goûter à l'ombre réparatrice des feuillages, aux jours caniculaires. Un dossier de Nicolas Ballet

 

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L'accord sur le climat rentre en vigueur

 

 

À la Cop 21 de Paris l'an dernier, 174 pays s'étaient engagés à contenir la hausse moyenne des température à 2°C maximum d'ici à la fin du siècle. Selon l'ONU, l'accord entrera en vigueur début novembre, puisque 72 États, représentant 56 % des gaz à effet de serre, ont déjà enclenché sa ratification.

 

 

Une nouvelle convention, la Cop 22, a lieu du 7 au 18 novembre, à Marakech. On attend des mesures concrètes. "L'homme, à l'origine du réchauffement climatique actuel, a sans doute les moyens de limiter le réchauffement climatique actuel, a sans doute les moyens de limiter le réchauffement futur et son impact sur le vivant et les écosystèmes - dont il fait partie", espérait en 2015 dans Le Progrès la géochimiste Chloé Maréchal, maître de conférence à l'université Lyon 1 (Co-auteure, avec la physico-chimiste grenobloise Marie-Antoinette Mélières, du livre de référence "Climats : passé, présent, futur" (Belin, 2015, 34 euros).



31/10/2016
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