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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 26 mars 2017

 

 

 

SOCIÉTÉ - JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA VISIBILITÉ TRANS LE 31 MARS

 

 

 

Transgenres : le début de la fin d'un tabou

 

 

 

TF1 a lancé la première série française avec une héroïne transgenre. De plus en plus visibles à la télé, dans la pub, la mode, la chanson, les personnes trans n'en n'ont pas fini avec la marginalité.

 

 

Voici un formidable éloge de la différence, de l'altérité et de la tolérance. Avec louis(e), la première fiction française mettant en scène une héroïne transgenre, TF1 a accompli une petite révolution des moeurs. Les temps changent et la chaîne "ne s'interdit rien", dit Marie Guillaumond, la directrice artistique de la fiction chez TF1. "Nous voulons bousculer la figure du héros en proposant des personnages originaux, imparfaits voire transgressifs", a déclaré la dirigeante de TF1 lors du dernier Festival international de programmes audiovisuels (Fipa).

 

 

Louise a changé de sexe. C'est l'histoire d'un homme devenu femme, qui revient auprès de son ex-femme et des ses enfants, après une longue absence. "C'est une autre façon de raconter notre société dans sa diversité, souligne Marie Guillaumond. Nous racontons l'amour, le couple, la filiation de manière différente".

 

 

Le personnage de Louise est interprété par Claire Nebout qui n'est pas une actrice transgenre. Le cinéma en manque. Il n'y a pas, en France, l'équivalent de Laverne Cox, star américaine transgenre révélée par la série Orange is the New Black, la première actrice de son genre à être nommée aux Emmy Awards, les récompenses de la télé américaine.

 

 

 

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Laverne Cox

 

 

 

Louis(e) a cartonné. Le public de TF1 a largement suivi les deux premiers épisodes, diffusés en prime time le 6 mars : la série a réuni cinq millions de téléspectateurs, soit 20,6 % de l'audience et 24 % de part de marché chez les femmes de moins de 50 ans. Sur les réseaux sociaux, ce programme inédit a beaucoup fait parler de lui : il a été le plus tweeté le soir de sa diffusion, avec 3 272 messages.

 

 

 

Une cause en marche

 

Longtemps ignoré, rejeté, caricaturé, le fait trans-identitaire sort peu à peu de la marginalité. Le magazine Vogue Paris vient pour la première fois de mettre à la Une un top-modèle transgenre, Valentina Sampaio. "Elle incarne malgré elle un combat, séculaire et douloureux, pour ne plus être perçue comme une "exilée du genre" ou une créature à part. Valentina est l'étendard glam d'une cause en marche", écrit Emmanuelle Alt, la rédactrice en chef, dans l'éditorial de ce numéro de mars 2017. "Dans un monde "post-genre" que de plus en plus de créateurs soulignent sur les podiums, les trans, symboles ultimes du refus du faux-semblant, deviennent des icônes", a joute-t-elle.

 

 

 

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Valentina Sampaio

 

 

Changer de sexe ne va pourtant pas de soi. Et si les mentalités changent aussi, tout comme le droit évolue, les transgenres sont encore souvent victimes de discriminations (à l'emploi, au logement, au service de santé), comme le décrit la série Louis(e). Et les avancées sont fragiles. Aux États-Unis, Donald Trump est revenu sur la directive de Barack Obama permettant aux écoliers et étudiants transgenres d'utiliser les toilettes et les vestiaires du sexe avec lequel ils s'identifient.

 

 

La transphobie n'a pas disparu. Depuis sa résolution 2048 adoptée en 2015, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a lancé un cri d'alarme : "Les personnes transgenres sont souvent la cible de discours de haine, de harcèlement, de violences physiques et psychologiques".

 

 

La prochaine journée internationale de la visibilité Trans, vendredi prochain, viendra revendiquer une nouvelle fois le droit de choisir son genre, sans hostilité ni préjugés, le droit d'être différent. Nathalie Chifflet

 

 

 

 

 

Camille Cabral, médecin et fondatrice du Groupe de prévention et d'action pour la santé et le travail des transsexuels

 

 

 

"Il faudra des décennies pour arriver à un égalité

 

 

 

Vous avez été la première élue transgenre, conseillère municipale Verts à Paris de 2001 à 2008. Pourquoi n'être pas restée en politique ?

 

Mais notre association fait de la politique à sa manière, je suis plus utile ici. Être élue était une bonne chose pour la cause, pour la visibilité des trans. Mais j'étais un peu naïve et je me suis aperçue que cela relevait plus d'une mise en scène. On ne m'a pas vraiment donné de pouvoir et je me sentais décorative. C'était un affichage : les Verts voulaient montrer qu'une personne trans était un citoyen à part entière, mais cela n'allait pas au-delà. Il n'y avait pas de véritable engagement et de soutien pour changer les choses.

 

 

 

La France permet enfin de changer d'état civil sans avoir médicalement à changer de sexe. C'est une avancée majeure ?

 

C'est un progrès extraordinaire mais ce n'est pas la panacée. Les minorités liées au genre sont encore discriminées et il faudra des décennies encore pour arriver à une égalité. Au début, je défendais absolument la nécessité d'avoir des lois. Maintenant, je crois beaucoup à la visibilité, pour que les trans soient considérés comme des gens comme tout le monde, sans être dans une case. Il y a un début, des premiers acquis juridiques et sociaux. Cette nouvelle visibilité permet au moins de nous regarder.

 

 

 

Quel regard portez-vous sur la nouvelle série de TF1 mettant en scène une héroïne transgenre ?

 

Je suis très exigeante sur la représentativité des trans dans l'art en général. Et j'étais pleine de doutes et je craignais les clichés. Mais cette série est très vraie et très juste. Elle sort des clichés. Même si notre chemin reste délicat, j'ai l'espoir qu'un jour nous ne serons plus regardés comme des groupes, mais comme un homme ou une femme comme les autres. Notre grande volonté est de ne plus être exclus parce qu'on est différents. Recueilli par N.C.

 

 

 

 

 

De quoi on parle ?

 

 

 

■ Transgenre

 

Être transgenre, c'est avoir une identité sexuelle différente de celle de son sexe de naissance : se sentir homme alors que l'on est né avec un corps de femme ou à l'inverse, se sentir femme alors que l'on est né dans un corps d'homme, sans nécessairement avoir recours à une chirurgie de réattribution sexuelle. Lorsqu'un individu est en accord avec le genre qui lui a été assigné à la naissance, on parle d'une personne cisgenre.

 

 

 

■ Travesti

 

Le transgénérisme ne doit pas être confondu avec le travestissement, qui est le fait de s'habiller comme le sexe opposé, soit habituellement, soit occasionnellement, mais sans que la question du changement de sexe soit posée.

 

 

 

■ Transsexuel

 

Si le terme transgenre s'y substitue dans le vocabulaire courant, une personne est transsexuelle quand elle a engagé un processus de changement de sexe physiologique. Une fois ce processus de transition terminé, elle pourra changer d'état civil et être reconnu comme homme ou femme.

 

 

 

État civil : la loi du changement

 

Enfin, la France avance. La loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle, votée en novembre dernier, a simplifié, et, pour la première fois, démédicalisé la procédure de changement de sexe à l'état civil. Si le changement reste soumis à l'appréciation d'un juge, ce dernier ne peut plus refuser de faire droit à une demande pour un motif médical, ni exiger la preuve que la personne a bel et bien changé de sexe, avec un traitement ou une opération ayant pour effet de rendre irréversible son changement sexuel.

 

 

Auprès du tribunal de grande instance, la personne peut obtenir désormais la modification de son état civil "par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue" par ses amis, sa famille, ses collègues.

 

 

 

Fin des expertises obligatoires

 

Auparavant, les personnes transgenres ne pouvaient modifier la mention de leur sexe à l'état civil qu'en ayant recours à la procédure générale de rectification des erreurs de l'état civil. Elles devaient subir des expertises médicales, prouver au juge la différence entre leur sexe et celui mentionné à l'état civil.

 

 

Cette procédure stigmatisante, conditionnait souvent le changement de sexe à la preuve d'une irréversibilité médicalement constatée, impliquant des traitements hormonaux, voire de lourdes opérations de réassignation sexuelle", a reconnu le législateur.

 

 

Le droit français s'est enfin conformé aux recommandations du Conseil de l'Europe et de l'Onu. Et a suivi pour partie Jacques Toubon, le Défenseur des droits, qui recommandait de démédicaliser, mais aussi déjudiciariser la procédure de changement de sexe à l'état civil. En France, il faut toujours en passer par la justice, alors que le Danemark, Malte ou encore l'Irlande ont adopté le changement d'état civil en mairie, sur simple déclaration. N.C.

 



01/04/2017
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